1.2.1. Enregistrements vidéo et technique de constitution du corpus oral

Les séances sont enregistrées à l’aide de deux caméras : une caméra-professeur parce que fixant perpétuellement l’enseignant quel que soit son positionnement dans l’espace de la classe, et une caméra-élèves essayant de mettre en évidence leurs actions (prise de parole, prise de notes, écriture au tableau, travaux de groupes, jeux de scène etc.). Sur les trois possibilités qui s’offrent (Quivy et Van Campenhoudt, 1995) pour analyser les interactions didactiques, nous avons opté pour la troisième. En effet, il semble aller de soi que l’observation du jeu didactique se fasse sur la totalité des 41 séances enregistrées. Mais cette stratégie s’impose au chercheur intéressé par des données globales, des informations qui, sans être forcément précises, donnent la vision la plus complète de toutes les situations, de tous évènements intervenus dans l’exécution de la séquence didactique. Or, de façon pratique, nous estimons que l’étude de toutes les séances est non seulement assez fastidieuse, mais encore, elle pose un problème de pertinence pour nous qui cherchons des informations précises, significatives de l’action didactique dont elles soulignent les caractéristiques tout en marquant l’évolution des enseignements-apprentissages. C’est pour la même raison de pertinence que nous avons écarté la seconde alternative basée sur le principe de l’échantillon représentatif établi par des techniques aléatoires ou loi du hasard. Nous ne cherchons pas à déterminer des séances strictement représentatives, l’aurions-nous voulu que nous serions confronté à un problème irrésoluble de critérisation. Il nous reste comme dernière solution l’étude de séances non strictement représentatives, mais juste caractéristiques des aménagements opérés par les enseignants sur le déroulement de la séquence, des dispositifs mis en place pour la conduite des activités, du fonctionnement de l’action didactique conjointe vue à travers le prisme des médiations textuelles, enseignantes et les comportements d’apprentissage des élèves. Pour ce faire, nous avons choisi d’analyser 18 séances ainsi réparties : 4 séances en 6C, 6L et 4C, et 5en 4L. La technique employée pour la constitution de cette composante du corpus repose sur un échantillonnage non probabiliste (Aymotte, 1996, Martin, 2005). On parlera de démarche arbitraire en ce sens que même si elle se réclame d’un choix raisonné, elle exclue a priori certaines séances de la possibilité de figurer dans le corpus. Une lecture des enregistrements, combinée à l’analyse des dispositifs, permet de dire que toutes les séances n’ont pas le même effet sur l’exécution du projet. On peut remarquer que dans les faits, nombre d’entre elles sont programmées soit pour cibler un aspect, une dimension du savoir narratif (la description ou le dialogue dans le récit, un modèle de récit fantastique ou de nouvelle), soit pour revenir sur des enseignements déjà dispensés en vue d’approfondir les connaissances des élèves, d’apporter des ajustements etc. Aucune des séances classées dans cette catégorie n’est retenue, malgré l’intérêt qu’il peut y avoir à les analyser. Cette option s’explique par le constat de redondance particulièrement forte qu’elles peuvent avoir avec d’autres. Par exemple, l’observateur peut voir que si la séance 7 du dispositif en 6ème a une place à part à cause de sa fonction d’évaluation, les séances 8, 9, 10 sont des reprises, des retours sur contenus. D’un point de vue pédagogique, il serait plus juste de les considérer comme des moments de récapitulation, de synthèse et de renforcement. Les séances 3, 4, 5 et 6 de la séquence soumise aux classes de 4ème présentent quasiment le même caractère à l’exception près que la révision des compétences matricielles du récit s’accompagne de la fixation de savoirs narratifs spécifiques pour une approche plus systématique. Au vu de ce qui précède, on pourrait croire que l’originalité, la nouveauté des savoirs mis en scène seraient les critères d’éligibilité des séances. S’ils devaient en être ainsi, ces « critères » s’annuleraient d’eux-mêmes, sachant que les savoirs narratifs sont un tout indissociable, malgré le fait que leur didactisation se traduit par une séquentialisation et une programmation à travers des unités d’enseignement-apprentissage. En outre, ces « critères » seraient d’autant moins opérationnels que l’observation des pratiques permet de dire que la focalisation d’une dimension ou d’un objet précis dans une séance donnée ne se fait presque jamais au détriment des autres composantes du récit dont les enseignants ont à cœur de montrer la manière dont l’ensemble se configure pour produire du texte. Le choix des séances qui composent notre corpus repose donc sur le principe de la maquette (Amyotte, 1996). Autrement dit, la raison fondamentale pour qu’une séance soit retenue comme élément du corpus, c’est sa place dans le dispositif, parce qu’elle marque un moment essentiel dans l’évolution du projet et dans la progression des enseignements-apprentissages. Le tableau ci-après permet de mieux comprendre cette fonction.

Tableau 7 : Présentation des séances constitutives du corpus oral

Classes
Séances
retenues
Codes Activité(s) Programmées(s)
Principaux savoirs narratifs mis en scène
Durée














4C



1



4C1



Lecture-Interprétation
- La séquence narrative encadrante : analyse du schéma quinaire, du statut et rôle des personnages
- Les séquences descriptives encadrées : interprétation des types, techniques d’insertion, fonctions)
- Les séquences dialogales encadrées : interprétation des types, modes de construction et outils d’insertion)
- Les instruments de configuration : analyse des points de vue narratifs, du système temporel)





60mn 55s




2




4C2



Réécriture-Enrichissement du récit
- Le schéma quinaire : repérage d’étapes manquantes et complémentation
- Les séquences encadrées : analyse des caractéristiques des insertions descriptives et dialogales, expansion et / ou insertion de séquences, définition de critères conventionnels de construction et d’insertion de séquences descriptives et dialogales dans un récit
- Le point de vue narratif : modification et prise en charge des changements conséquents



38mn 36s




8




4C3



Etude générique
Lecture-Interprétation
- Les sous-genres du conte (le merveilleux, le philosophique, le fantastique) : définition des conventions génériques (caractéristiques formelles, thématiques et pragmatiques),
- Définition de critères de différenciation des sous-genres du conte
- Critères de lecture-interprétation et de production d’un récit fantastique
- Les genres du roman et de la nouvelle : définition de conventions génériques et de critère de différenciation
- Exemple de lecture d’un récit fantastique





99mn 45s



10



4C4



Lecture-écriture
- Repérage et analyser des indices du fantastique dans un récit
- Repérage et analyser les composantes séquentielles du récit (structure narrative, séquences encadrées, configuration
- Analyse les caractéristiques particulières du descriptif et du dialogale par rapport au fantastique
- Construction d’un canevas pour produire un récit fantastique


46mn 29ss














4L



1



4L1



Lecture-Interprétation
- La séquence narrative encadrante : analyse du schéma quinaire, du statut et rôle des personnages
- Les séquences descriptives encadrées : interprétation des types, techniques d’insertion, fonctions
- Les séquences dialogales encadrées : interprétation des types, modes de construction et outils d’insertion)
Les instruments de configuration : analyse des points de vue narratifs, du système temporel)




63mn 04s



2



4L2

Réécriture-Enrichissement du texte étudié dans la séance précédente
- Typologie du texte
- La séquence descriptive encadrée : analyse des caractéristiques, définition de critères conventionnels de construction et d’insertion dans un récit
- Le point de vue narratif : modification et prise en charge des changements conséquents
- Le système temporel



47mn 51s



7



4L3


Lecture-écriture : évaluation à mi-parcours
- Analyse de la structure narrative, identification des étapes manquantes et proposition de suite
- Repérage et analyse des séquences encadrées,
- Les moyens et méthodes expansion d’une séquence descriptive
- Les techniques de construction et d’insertion d’une séquence dialogale




48mn 27s



8


4L4


Etude Générique
- Les sous-genres du conte (le merveilleux, le philosophique, le fantastique) : définition conventions génériques (caractéristiques formelles, thématiques et pragmatiques),
- Définition de critères de différenciation des sous-genres du conte
- Elaboration d’outils de lecture et de production d’un récit fantastique


40mn 49s



10



4L5



Lecture-écriture
- Repérage et analyse des indices du fantastique dans un récit
- Repérage et analyse les composantes séquentielles du récit (structure narrative, séquences encadrées, configuration
- Analyse des caractéristiques particulières du descriptif et du dialogale par rapport au fantastique
Construction d’un canevas pour la production d’un récit fantastique


88mn 05s
 










6C

1

6C1
Lecture-Interprétation - Classification générique du récit : les indices du merveilleux
- La structure narrative : repérage et identification des étapes du schéma quinaire
61mn 56s  



2



6C2


Réécriture-Enrichissement du récit
- Expansion de la séquence descriptive : décrire un décor, faire un portrait (méthodes et moyens)
- La séquence descriptive : définition de critères conventionnels
- Expansion de la séquence dialogale : choix des protagonistes, affectation de rôle et de ton, gestion du discours attributif et autres moyens d’insertion


61mn 56
 




4




6C3




Lecture-écriture
- La narration thématique : l’expression des sentiments
- Les composantes séquentielles du récit : repérage, identification, analyse, définition de critères conventionnels
- Les procédés d’insertion des séquences encadrées : les cas de la description et du dialogue
- La séquence narrative : enrichissement de l’intrigue par l’insertion d’étapes manquantes (situation initiales, perturbation, évènements pour développer l’action, dénouement, situation finale)



61mn 12s

 

5

6C4

Lecture-écriture
- Approche générique : la bande dessinée
- Séquence narrative : localisation de l’histoire par rapport à la structure d’une intrigue narrative
- Expansion de séquences dialogales 

68mn 11s
 




















6L





1





6L1




Lecture-Interprétation
- Classification générique du récit : les conventions du conte, de la légende, et du mythe ?
- La structure narrative : repérage et identification des étapes du schéma quinaire
- Analyse d’une séquence descriptive : nature, instruments de construction et d’insertion, objet et fonction
- Analyse d’une séquence dialogale : protagoniste, instruments d’insertion dans le récit
- Analyse du système temporel : distribution des temps verbaux en relation avec les composantes séquentielles
- Résumé de l’intrigue suivant les étapes narratives





55mn 52s
 




2




6L2



Réécriture-Enrichissement du récit
- Expansion de la séquence descriptive : décrire un décor, faire un portrait (méthodes et moyens)
- La séquence descriptive : définition de critères conventionnels
- Expansion de la séquence dialogale : choix des protagonistes, affectation de rôle et de ton, gestion du discours attributif et autres moyens d’insertion
- Articulation du descriptif et du dialogale et configuration dans le récit
- Mise en parallèle de l’organisation du texte fictionnel et du texte scolaire



62mn 31s
 




3




6L3



Lecture-Interprétation
- La séquence narrative : les unités d’encadrement et d’organisation de la description
- La séquence descriptive : les moyens de construction, d’expansion et d’insertion dans le récit
- Interprétation des fonctions de la séquence descriptive
- La configuration du récit : point de vue narratif et systèmes verbaux
- La séquence descriptive : définition de critères conventionnels



56mn 48s
 





5





6L4





Lecture-Ecriture
- La Bande dessinée : conventions génériques
- La séquence narrative : identification de l’étape du schéma quinaire correspondant à l’histoire, repérage des étapes manquantes, planification de leur insertions (situations et évènements à créer, moyens de mise en cohérence avec les évènements présents dans le récit)
- Séquence descriptives : planification d’insertions descriptives (moments les plus pertinents, objets de description, choix de méthodes et d’instruments)
- Séquences dialogales : planification d’expansion et / ou d’insertion de séquences (choix du moment, des protagonistes, du sujet, des registres, du discours attributif)





103mn 09s
 

On retiendra en substance que les séances choisies ont la particularité de fournir des repères permettant de redessiner les intentions qui sous-tendent les actions didactique. En les mettant bout à bout, on parvient à reconstituer les étapes incontournables du cheminement de chaque classe vers la co-construction des savoirs visés.

La dernière chose à noter à propos du premier niveau de traitement des enregistrements vidéo, c’est que les séances du corpus sont intégralement transcrites selon la convention ICOR légèrement modifiée. C’est ainsi que nous avons adopté juste la notation des phénomènes verbaux et vocaux. Selon ce système, toutes les productions verbales sont transcrites en minuscule (y compris les sigles et abréviations). Les majuscules sont réservées pour la notation des saillances perceptuelles. Voici notre adaptation de la convention.

  • Les participants : Professeur est noté P, un élève E et 2 à plusieurs élèves parlant en même temps sont notés Cl, qui veut dire classe. Les participants élèves sont aussi codifiés en fonction de l’évènement qui singularise leur intervention. C’est ainsi qu’un numéro est parfois affecté à un élève (E1, E2…) lorsque qu’il s’inscrit dans un dialogue qui justifie de noter ses interventions à la suite. Le(s) élève(s) peu (ven) t aussi être identifié(s) par un évènement. Dans une séance où l’enseignante organise une lecture théâtralisée du texte nous distinguons le groupe d’élèves proposés à cette tâche par le sigle GEA (Groupe-Elèves-Acteurs) et les « acteurs » sont individuellement identifiés suivant leur ordre d’intervention, ce qui donne EA1, EA2 (pour Elève-Acteur). Un élève désigné par le professeur pour l’assister dans la réalisation d’une tâche est identifié par cette mission (EAS). Enfin, l’intervention de personne étrangère à la classe nous amène à coder le participant par son statut (élève ou professeur) suivant de la précision étranger (EE).
  • Les phénomènes liés aux tours de parole : Les chevauchements sont signalés par des crochets ouvrants et fermants. Nous marquons la rupture d’une intervention et la reprise-continuation de l’énoncé par son auteur du signe &. Enfin, les silences valant tour de parole sont notés par un chiffre entre parenthèse (1.9s) indiquant la durée du silence au 10ième de seconde près. Les silences d’une durée inférieure à 0.2 secondes sont notés par (.).
  • Les phénomènes liés à la structure segmentale et à la prosodie : les structures segmentales incompréhensibles ou inaudibles sont représentées par (inaud.). Le son allongé est noté par des « : » (e:uh), ce signe étant répété en fonction de la durée perçue de l’allongement (e::t).Les intonations montantes sont symbolisées par \, tandis que les chute sont représentées par le signe inverse / (mais une gare d'attente\ ça n'existe pas/). Enfin, les segments caractérisés par une saillance perceptuelle particulière (intensité accrue et autres) sont notés en majuscules (CHU ::T\).
  • Les actions à valeur de tour et les productions vocales : les descriptions des actions des participants qui ont valeur de tour, qu’elles soient accompagné de paroles ou pas sont mises entre double parenthèse et le texte mis en italique ((un élève lève la main)). Le même code est employé pour présenter une production vocale sauf que l’ensemble est compris entre chevrons < ((interpellations des élèves demandant à être interrogés))>