Synthèse sur la méthodologie d’analyse du corpus

Récapitulons notre démarche et les outils d’analyse des médiations enseignantes et textuelles. Les recherches sur « les interactions professionnelles » (Filliettaz, 1999) développent un des aspects de notre hypothèse en soutenant que les « activités pratiques ainsi que les pratiques interactionnelles qui en permettent la coordination jouent un rôle constitutif dans l’organisation du travail » (Mondada, 2002, p : 48). Nous rappelons que le second aspect de cette hypothèse consiste à penser qu’en retour, la structure de ces interactions dont la dimension textuelle s’articule à une dimension actionnelle, peut être dictée par l’organisation des activités autour desquelles elles se déploient (Roulet, 1998 ; Roulet et al, 2000 ; Bouchard, 1995, 2005). Cependant, si le jeu de cette influence réciproque fonde le caractère professionnel des interactions en classe, il reste insuffisant à décrire toutes leurs caractéristiques. En effet, du fait qu’elles sont finalisées par un apprentissage, nous proposons de compléter l’hypothèse sur leur organisation, par la prise en compte des paramètres qui en font des interactions de service. Nous incluons alors parmi les éléments de configuration, les effets de la participation du pôle apprenant, bénéficiaire de la relation didactique et co-gestionnaire contractuel des situations, et l’impact des objets d’enseignement.

Ces paramètres posent les limites du modèle « verbo-centré » (Bouchard, 2005) de l’analyse conversationnelle en cinq rangs (Roulet, 1991 ; Kerbrat-Orecchioni, 2001 ; Traverso, 2005). Aussi, pour analyser une organisation si complexe sur le plan de sa structuration hiérarchique et séquentielle et sur le plan de ses caractéristiques didactiques, nous estimons, suite aux travaux de Bouchard (2003, 2004, 2005, 2008), qu’il importe de définir des unités de rangs intermédiaires entre l’échange et l’incursion. A partir de notre posture d’observateur à postériori cherchant une intelligence du système didactique, nous définissons des unités de nature et d’envergure différentes. La première catégorie est constituée d’unités planifiées et prévisibles qui correspondent globalement aux unités de plus grande taille (la séance proprement dite, la ou les activités programmées, les actions et sous-action dites phases ou sous-phase). Précisons que la préorganisation peut se constater jusqu’au stade des opérations. Ce sont les unités que nous appelons sous-phases, voire sous-sous-phases. La seconde catégorie recouvre des unités émergentes, non planifiées mais prévisibles et des unités imprévisibles. Nous les appelons épisodes quand il s’agit de la première classe d’opérations émergentes en les indexant à l’acteur dominant d’où l’usage de trois types d’étiquètes : épisode-professeur, épisode-élève(s) et épisode mixte. La seconde classe d’opérations émergentes est dite étape, unité par ailleurs indexée au participant initiateur ce qui donne des étapes-professeur ou des étapes-élève(s). La compréhension de la structure de l’interaction se combine avec la description du fonctionnement des acteurs. Et sachant que nous nous focalisons sur l’agir enseignant, nous identifions ses gestes dans leurs formes invariantes (Clanet, 2005 ; Sensevy, 2004, Sensevy et al 2000 ; Schubauer-Léoni et Dolz, 2004), mais aussi dans leurs formes stratégiques pouvant être spécifiquement liées à une discipline ou des circonstances pédagogiques. On peut rappeler que les premiers sont dits génériques parce qu’ils ancrent l’agir du professeur dans sa place et ses fonctions institutionnelles. Les catégories correspondant à ces fonctions sont entre autre présentifier, dévoluer, régulé, étayé, institutionnalisé. Il reste à savoir comment saisir toutes ces informations, les réunir tout en les différenciant et en les mettant à distance. La reconstitution-configuration de l’interaction se fait par le biais d’un tableau synoptique, une sorte d’économie des informations sur une séance donnée. Cet outil se situe à l’intersection de l’approche synoptique telle que vulgarisée Dolz et Schneuwly (2006), Dolz et al. (2006), Ronveaux (2009), et du tableau synoptique (Schubauer-Léoni et al, 2007, Assude et Mercier (2008), Ligozat (2008).

Ce premier volet de notre démarche se complète par les grilles d’analyse des performances narratives des élèves à travers leurs productions écrites. Une deuxième grille est alors utilisée pour analyser les performances narratives des élèves. A partir des conventions typologiques du récit de fiction (les composantes séquentielles et les instruments de configuration), nous évaluons les productions écrites des élèves sur la base d’une modélisation des compétences narratives en macro-variables  que nous appelons sous-compétence de constructions et de structuration de la séquence narrative encadrante et sous-compétence de construction-insertion de séquences encadrées et de configuration du récit. Quatre entrées sont retenues à cet effet : la construction paratextuelle du texte de l’élève, l’organisation narrative, les caractéristiques des insertions descriptives et dialogale, la configuration du récit (gestion du point de vue narratif et système temporel).

L’inclusion des dimensions textuelles et actionnelles des interactions didactique, à quoi il faut ajouter l’analyse des performances des élèves justifie que nous ayons recours à « une pluralité d’analyse » (Sensevy, G. 2001) ou plus exactement, à une « approche plurielle » (Canalas-Trévisi et al 1999) faisant appel à « plusieurs voies d’explorations basées sur des méthodes provenant d’horizons disciplinaires différents ». Cependant, la démarche repose globalement sur une approche descriptive et comparatiste.