1. Les artéfacts textuels et les savoirs narratifs comme ressources de l’action didactique

Nous avons dit que l’activité scolaire était le domaine de définition des rapports entre les actions d’enseignement et les actions d’apprentissage. Ces rapports sont délimités par les composantes ou les dimensions de l’objet enseigné telles qu’elles sont introduites au fur et à mesure de l’évolution de la chronogenèse. C’est pourquoi l’activité scolaire peut être analysée selon les paramètres que proposent les théories de la médiation sémiotique dès lors que qu’on fait appel, dans sa conduite, à une somme d’actions elles-mêmes orientées vers des buts, dont la réalisation passe par des opérations, des moyens, en somme, des « modes d’exécution spécifiques » (Goigoux, 2002, p : 128). Aussi parlons-nous de dispositif parce qu’il existe une structure schématique, tenant lieu de plan d’actions ou d’instrument de pilotage de l’activité. Il est suffisamment ordonné pour laisser voir la programmation des actions et des opérations, mais aussi suffisamment souple pour permettre l’émergence d’actions et d’opérations en situation. La réalisation de l’activité scolaire, située et distribuée ainsi qu’on peut le supposer dans une interaction polylogale, polypraxique, et polygérée (Bouchard, 2004, 2005, 2009), tient finalement de l’agrégation du prévu, du prévisible et de l’imprévu. Par ailleurs, cette activité qui se met en scène dans une relation didactique constitue le prototype de l’activité médiée. A ce sujet, nous précisons que nous avons modélisé cette médiation autour de deux aspects en interactions constantes. Ce sont, d’une part, les médiations des outils socio-culturellement construits, partagés et transmis comme les types et formes de discours matérialisés par les textes référés dans la relation professeur / élèves. Il s’agit des textes littéraires, modèles imposés de l’extérieur et véhicules des pratiques et savoirs en jeu, et donc, objets et / ou prétextes de l’action didactique ; des textes scolaires, imaginés et postulés de l’intérieur ; enfin des textes procéduraux qui, s’insinuant entre les deux, servent de relais au discours professoral et d’incitation de l’action des élèves. Ce sont, d’autre part, les médiations des pratiques sociales interactives (Pékarek Doehler, 2005) qui dépendent ici des outils textuels et de la connaissance que les enseignants ont des savoirs qu’ils véhiculent, de leurs savoirs et savoir-faire professionnels, eux-mêmes constitués des pratiques de référence ancrées dans une culture didactique et donnant naissance à des modes opératoires routinisés par l’expérience. Ainsi la connexion des caractères de l’activité scolaire et des formes de la médiation nous permet de dire que, dans sa dimension praxique et sociale, celle-ci renvoie à ce que fait l’enseignant en se servant de textes appropriés pour rendre les apprentissages possibles. Elle s’opérationnalise par la proposition de la part de l’enseignant, d’activités, de méthodes, d’outils et de situations qui placent un apprenant en position d’exercer le travail cognitif susceptible de favoriser son évolution conceptuelle, c'est-à-dire, si on veut schématiser la théorie vygotskienne de la zone proche de développement, son passage d’un état ou niveau de connaissance des caractéristiques du récit et de sa pratique, à un nouvel état. Fort de ce principe, nous nous proposons d’étudier l’organisation et le mode de gestion des inter-actions autour des textes en interrogeant les ressources professionnelles privilégiées dans le pilotage de chaque type d’activité et chez chaque professeur. Nous pensons arriver ainsi à identifier les facteurs dont l’influence est plus déterminante sur la conduite de l’activité, mais surtout, à indexer, à travers le fonctionnement de la topogenèse, les modalités pratiques de prise en compte des rapports des élèves aux textes, aux savoirs qu’ils véhiculent et d’impulsion de son évolution.