1.1. Les effets des médiations textuelles sur le dispositif de conduite des activités et le fonctionnement de l’action conjointe

Analysant l’enseignement comme un travail, nous estimons donc qu’il se fonde sur des outils qui le définissent et qui le spécifient. De fait, les interactions didactiques mettent en scène des activités scolaires médiatisées par des instruments didactiques.

‘« Qu’il s’agisse du choix des tâches et de leur ordonnancement dans le temps ou de la mise en œuvre des moyens de sa réalisation, l’activité d’enseignement est en effet largement tributaire des instruments dont disposent les maîtres » (Goigoux, 2007, p : 60).’

L’une des caractéristiques majeures de ces instruments, c’est d’être des artéfacts matériels ou symboliques configurant a priori par leur forme, et a fortiori par les opérations qu’ils rendent possible, les fins pour lesquels ils ont été conçus ou introduits dans la classe. Concernant notre étude, ces artéfacts sont de deux catégories. Nous avons, d’une part, les textes littéraires ou d’autres genres textuels comme la bande dessinée dont la fonction didactique est de servir de support aux activités, d’instruments au service de l’agir enseignant et de modèles aux apprentissages des élèves. Il y a les textes de consignes, d’autre part, ou textes procéduraux qui ont pour fonction de montrer les dimensions ou composantes des textes supports, d’aider à décomposer l’activité en programmant des actions pour sa réalisation, d’inciter les élèves à agir tout en leur facilitation cette action. Nous cherchons à savoir comment cet outil, si important dans les activités de lecture littéraire et de préparation à la production écrite, marque son identité ou la perd, influence ou subit le processus de co-action ? A ce stade, nous faisons les précisions suivantes :

  • toutes les activités scolaires programmées par les enseignants sont rigoureusement alimentées par un texte support et la participation des élèves est préparée par des consignes (un texte d’incitation à l’action) ;
  • quelle que soit l’activité, le texte procédural avait initialement le même statut d’objet périphérique susceptible d’être soumis à la libre transposition de l’enseignant et une fonction unique de soutien du travail des élèves en permettant un premier contact avec le texte référent, c'est-à-dire avec les objets de savoir sans « l’aide du professeur » et en préformant leur représentation par rapport à au savoir ;
  • la différence entre les deux genres textuels se situe au niveau de la flexibilité du statut du texte littéraire référent que les variations font faire fonctionner comme un texte-objet lorsque les interactions sont centrées sur une activité de lecture-interprétation, de texte-prétexte quand il s’agit d’une activité de réécriture, que nous appelons aussi activité de préparation à la production écrite, de texte objet et prétexte à la fois dans les activités de lecture-réécrite.

Mais quel que soit la nature ou le statut du texte, nous remarquons que sa fonction dans l’organisation séquentielle et hiérarchique des interactions est fondamentale. S’il faut donc reconnaître que le propre de toute interaction de classe est d’être oralographique, se structurant autour de l’écrit et de l’inscrit (Bouchard, 2004, 2005, Bouchard et Traverso, 2006), il faut bien dire que cette spécificité est tout simplement exacerbée lorsque la relation didactique met en jeu un contrat alimenté par un projet de développement de compétences lecturales et rédactionnelles, sur la base de l’exploitation de textes modèles et sous l’incitation de textes procéduraux. C’est qu’en règle générale, l’instrumentation du texte-modèle dans un processus clairement orienté vers des objectifs développementaux voudrait qu’une fois les caractéristiques génériques, compositionnelles, configurationnelles et thématiques appropriés par les élèves, il puisse ouvrir la voie à de nouvelles connaissances déclaratives et procédurales, et, par voie de conséquence, à de nouveaux possibles d’actions dont il reste le moyen de soutien et de contrôle. Nous revenons ici à la théorie du schéma de contrôle (Fayol, 1994 ; Gaonac’h, et Fayol, 2003) en nous plaçant dans une perspective interactionniste et en mettant en avant le rôle du dialogue de tutelle. Pour mieux sérier ce qu’on peut retenir comme une fonction générique de la médiation textuelle, aller au-delà et faire ressortir quelques spécificités aussi bien par rapport au type de texte qu’à la nature de l’activité et au style didactique de l’enseignant, nous concentrons nos observations sur deux exemples emblématiques de deux rapports différents aux textes.