2.1. Les stratégies in situ et l’acculturation des élèves à des d’objets « nouveaux »

Jusque-là, les dispositifs n’avaient pas connu de grands changements. Les activités, les textes-référents, les contenus de savoir pouvaient varier, peut-être même être différents, mais certainement pas de manière profonde et surtout pas de façon à donner l’impression de sortir du cadre didactique général : le traitement des caractéristiques génériques et textuelles du récit. Nous voudrions examiner à présent des situations où les 4 classes doivent réaliser deux activités assez voisines : la lecture-écriture d’un genre littéraire nouveau pour les classes de 4ème, la lecture-réécriture avec modification du genre et type de texte pour les classes de 6ème. Il faut dire que les textes-supports des activités sont identiques pour chaque niveau. La problématique générale reste donc inchangée. Seulement, elle est abordée sous l’angle du fantastique pour les deux classes de 4ème et de la bande dessinée pour les classes de 6ème. Or, comme nous l’avons annoncé, ces enseignements sont totalement nouveaux pour les élèves, ainsi qu’on peut en juger à travers ces unités latérales intervenues au cours des interactions en 6L4 et initiées le professeur. La première étape latérale survient au début de la séance, immédiatement après l’épisode d’ouverture pour servir d’accroche et de mise en situation des élèves.

‘46. P : alors ce texte là\ (7.3s) ((le professeur dispose ses outils de travail sur la table)) vous l'avez lu\(.) mais vous ne l'avez pas compris n'est-ce pas\
47. E : no : n/¤<161707>
48. P : NON VOUS NE L'AVEZ PAS COMPRIS\
49. Cl : NO : N/
50. E : S::I/
51. E : on l'a pas compris/
52. CL : S::I/
53. E : on l'a bien compris/
54. Cl : NO ::N/
55. Cl : SI::I/
56. P : vous n'allez pas me dire que vous ne l'avez pas compris/ ça\(.) ça m'étonnerait/ (2.5s) ((continuant à disposer son matériel)) QUI\(.) n'a pas compris\(.) l'histoire/(.) levez le doigt/
57. Cl : ((plusieurs élèves lèvent le doigt))
58. P : ((toujours occupée à ranger ses affaires et constatant après un coup d’œil circulaire le nombre de doigts levés)) BON\(.) ah/ c'est parce que c'est pas mickey\
59. Cl : < ((rire des élèves))>
60. P : mickey ne peut pas être convoqué\ chaque fois qu'on a::a/ une bande dessinée hein/(3.4s) qui n'a pas compris l'histoire\ levez le doigt\
61. Cl : ((des mains se lèvent encore plus nombreux que la première fois))
62. P : EH/ BIEN\(.) coulibaly\ va vo::us/ la raconter/
63. E : < ((dans un murmure))> non/’

La seconde intervient lorsque l’enseignante cherche à s’assurer des pré-requis des élèves.

‘166. P : (1.5s) je suppose que chacun d'entre vous a déjà lu une bd\
167. Cl : OUI/
168. CL : N:ON
169. P : c'est vrai\(.) une bd/
170. Cl : S::I/’

Enfin, une troisième unité latérale émerge lorsque le professeur veut encourager les élèves en signalant la nouveauté des objets de l’activité tout en les laissant entendre qu’ils sont en mesure de mobiliser les compétences requises pour participer à l’action.

‘259. P : vous\ vous savez bien lire une bande dessinée\ mais à l'école\ on ne vous donne pas souvent l'occasion de les lire/(.) de les exploiter/(.) ’

Les remarques faites à l’endroit des élèves pourraient bien s’appliquer aux professeurs dans une certaine mesure, en pensant certes aux contenus qu’ils doivent manipuler, mais plus particulièrement, à la démarche consistant à conduire, dans un mouvement unique, des actions corrélées de lecture et d’écriture. Aussi, aux complexités inhérentes à toute situation d’enseignement, viennent se greffer celles s’attachant à l’enseignement de savoirs nouveaux. Les enjeux sont les suivants : en 4ème il faudra arriver à déterminer des critères conventionnels du récit fantastique et les convertir en compétences lecturales et rédactionnelles applicables à ce genre de récit. En 6ème une bande dessinée est proposée aux élèves pour sa lecture et sa réécriture-transformation en récit de fiction. S’inscrivant dans le large projet de développement de compétences lecturales et rédactionnelles de récits de fiction, cette nouvelle orientation, qui intervient dans les dernières séances de la séquence pédagogique pour les deux classes de 4ème et au milieu du parcours dans les deux classes de 6ème, introduit des compétences spécifiques étroitement attachées à des savoirs génériques et textuels encore plus précis.