1.1.4 Les performances des élèves en 4L par rapport l’opération de contextualisation de l’intrigue

Selon la figure 17 Sur un échantillon de 32 copies, les résultats attestent d’une très bonne maîtrise de la compétence de contextualisation en 4ème L.

Figure 18 : Représentation des indices de présence des catégories de contextualisation du récit dans les productions des élèves en 4L aux semestres 1 et 2 (32 copies X 2)
Figure 18 : Représentation des indices de présence des catégories de contextualisation du récit dans les productions des élèves en 4L aux semestres 1 et 2 (32 copies X 2)

A la première composition, les élèves ont à choisir entre deux sujets :

Sujet 1 : Vous devez vous présenter à un concours ou à un examen ; votre mère vous amène chez le marabout ou le féticheur du coin. Racontez le déroulement de la consultation sans oublier de préciser les résultats obtenus.
Sujet 2 : Il vous est peut-être arrivé de vous trouver face à des gens insupportables. Exposez les faits et dites quels furent vos sentiments et vos réactions.’

Il s’agit de deux modèles de ce que nous avons jusque là présenté comme le prototype du sujet de rédaction au collège. Le récit se déploie autour de la relation d’une action unique, impliquant l’élève-auteur à travers une narration à la première personne et présupposant une expérience personnellement vécue, à tout le moins, socialement partagée. La construction de l’intrigue s’appuie, dans ces conditions, sur une sélection d’informations, leur mise en perspective en tant qu’évènements narratifs, et leur présentation dans un enchaînement chronologique. Les centrations opérées par la dimension injonctive des formules, « Racontez le déroulement de la consultation sans oublier de préciser les résultats obtenus », «Exposez les faits et dites quels furent vos sentiments et vos réactions », peuvent entraîner une hypertrophie de l’événement ciblé dans la dynamique de l’action, mais ne sauraient oblitérer, aux yeux des élèves, l’aménagement d’une situation en amont, préparative de cet événement. Celle-ci peut correspondre à la phase de contextualisation consubstantielle au texte littéraire et se confondre avec l’introduction, première partie du texte scolaire. Ce schéma d’organisation est systématiquement adopté par les élèves ayant choisi le premier sujet.

Par contre, les élèves ayant choisi le sujet 2 se sont obligés à un détour où l’opération de contextualisation est toute entière consacrée à la présentation du cadre spatio-temporel et à la situation devant accueillir les évènements.

C’est dire que même si la contextualisation a le même statut par rapport à l’intrigue, elle n’a pas les mêmes fonctions d’un sujet à l’autre. Et donc, autant on peut estimer qu’elle a un rôle anticipatif et justificatif de l’action dans le premier cas, autant elle permet d’entretenir le suspens dans le second. C’est dire que le travail des élèves atteint un niveau de sophistication traduisant une certaine forme de maturité. A cette manière spécifique de manifester la sous-compétence, il faut ajouter une élaboration déjà assez complexe. En effet, dans leurs préliminaires, seul deux élèves ont recours à une séquence explicative avec reformulation du sujet.

Autrement, les élèves recourent régulièrement à une séquence mixte composée d’une insertion narrative et explicative, se confondant avec l’introduction du texte scolaire. Sous ce rapport, l’organisation paratextuelle est totalement soumise aux normes du texte scolaire avec une tripartition très marquée.

Le travail est tout autre dans les productions de la deuxième composition. Les élèves ont traité le même sujet qui les invite, à l’image de la 4ème C, à produire un récit fantastique. Les constats faits dans les productions des élèves de la 4ème C sont ici largement amplifiés. Il en est ainsi de l’usage systématique des séquences mixtes majoritairement constituées d’une séquence narrative combinée à une séquence explicative, ou descriptive, voire dialogale.

On remarquera enfin des changements substantiels du point de vue de l’organisation paratextuelle marquée par un affranchissement de la tutelle du texte scolaire et donc par la prégnance des tensions organisationnelles du modèle littéraire explicitement visée dans la consigne. Non seulement la tripartition traditionnelle n’est plus respectée, mais encore, les textes comportent des titres comme pour mieux répondre à l’attente supputée à travers le contrat de production.

En résumé, il faut retenir que la sous-compétence de contextualisation est le premier moment du récit pendant lequel l’élève-auteur opère une intrusion narrative et / ou descriptive, explicative à valeur de précision, d’information, de préparation et d’orientation. Nous la qualifions d’unité microscopique de prise en charge du lecteur. Les techniques utilisées livrent deux enseignements. Il s’agit d’abord des rapports au sujet qui s’analysent selon les niveaux des classes. Ainsi, les élèves en sixième, quel que soit par ailleurs l’établissement, manifestent une dépendance plus étroite à la consigne qui peut aller jusqu’à une simple reproduction de la formule. Ce faisant, ils n’exercent qu’une faible modification du système d’énonciation par une adaptation grammaticale des pronoms personnels à la nouvelle situation qui se crée lorsque l’énoncé injonctif venue de l’instance de dévolution est dit par l’instance d’exécution. La démarche est modulée sous les formes les plus diverses et parfois des plus invraisemblable.

Le problème n’est pas anecdotique et le lapsus est révélateur d’une lecture au premier degré de la médiation inicitative, une discipline contractuelle qui trahit à la fois une immaturité narrative et une double insécurité linguistique et procédurale. Visiblement, l’entrée dans le contrat de production n’a pas du faire l’objet d’un enseignement systématique dans cette classe. Le second enseignement renvoie au niveau de complexification atteint dans l’élaboration de la contextualisation, dont le premier indice est dans la prise en charge tout à fait autonome de la formule. Les autres indicateurs sont dans les types et formes des séquences employées. Il s’agira d’une séquence narrative structurée autour de la situation initiale et de la perturbation, d’une séquence explicative plus ou moins complexe dans laquelle l’élève présente la situation dans un mode expositif. Mais de tout cela, la combinaison séquentielle reste la technique la plus élaborée. A l’unité narrative d’ouverture du récit correspondant le plus souvent à la reprise-reformulation de la consigne, s’ajoutent des insertions explicatives et / ou descriptives, voire dialogales, visant à déterminer, dans un souci de précision et d’assistance au lecteur, la situation, le cadre spatio-temporel de son déroulement, la distribution actancielle assortie des affectations différentielles et caractérielles. Ce niveau de réalisation concerne, toutes productions confondues, à peine une dizaine d’élèves en 6C, 48% des élèves de 6L et respectivement 57 et 78 % des élèves de 4C et 4L. Les différences sont encore plus sensibles quand on s’intéresse à la progression d’une production à l’autre. Nous faisons le constat que si le besoin de s’expliquer pour mieux se faire comprendre transparaît avec la même acquitté, il ne s’exprime pas de la même manière. De façon générale, les élèves de sixième éprouvent plus de difficultés à entrer dans la peau du narrateur dès lors que celui-ci a déjà engagé son récit. Ce qui est posé ici, par delà leur habitude ou non à produire ce type de texte, c’est leur aptitude à poursuivre et à achever une histoire, en somme, à assumer la posture que requiert un exercice aussi contraignant que l’écriture d’invention. La faiblesse de la marge de progression d’un devoir à l’autre souligne leurs difficultés à accepter l’altérité. La situation est différente dans les productions des élèves de quatrième où se manifeste un plus grand effort d’affranchissement et de prise en charge de la consigne. L’entrée dans le contrat se fait alors dans un esprit d’acceptation des règles des genres discursif du récit et générique du conte ou de la nouvelle. A l’arrivée, la construction des textes fictionnels se caractérise, si ce n’est par une démarcation vis à vis du genre scolaire, au moins par l’adaptation de celui-ci aux techniques du genre littéraire. Au regard de la configuration des premiers éléments de structuration externe du récit d’une classe à l’autre, on peut donc dire qu’un enseignement des procédures et démarches reste un facteur déterminant dans le développement de la sous-compétence de contextualisation. C’est de cette façon que l’on pourrait expliquer la faible progression des élèves en 6C contrastivement aux avancées notées en 6L. La nature des différences de performance d’un niveau à l’autre illustre, par ailleurs, les effets de la double médiation textuelle et enseignante. En effet, plus l’élève est exposé, dans le temps, à des textes prototypiques ou même typiques (Canvat, 1992, 1994) et à un enseignement systématique des caractéristiques narratives canoniques, plus il affine sa maturité narrative en démontrant à travers ses écrits une intelligence nouvelle et plus subtile du fonctionnement à la fois explicite et implicite du système contractuel. Cette double conscience se traduit alors par une production plus ou moins libérée des servitudes du protocole institutionnel scolaire, et une plus grande audace en ce sens qu’il joue le jeu en cherchant à assumer son statut d’auteur-élève à partir de tentatives de constructions relativement proches du modèle littéraire.