1.2.2 Les performances des élèves en 6eme L par rapport à l’opération de planification de l’action

Comme on peut le voir dans la figure 20, à l’exception de 3 copies de la première composition et de 1 de la seconde, on peut dire que les élèves réussissent bien la construction des intrigues de leurs récits en 6ème L. Ce sont des taux de réussite tout aussi élevés qui marquent l’élaboration de la clôture de la séquence narrative des textes produits dans le cadre de la seconde composition. En revanche, le travail de structuration et de planification de l’événement focal est moins réussi dans les deux productions, comme l’est la clôture dans les productions de la première composition.

Figure 20 : Représentation des indices de présence des catégories de plannification du récit dans les productions des élèves en 6L aux semestres 1 et 2 (35 copies X 2)
Figure 20 : Représentation des indices de présence des catégories de plannification du récit dans les productions des élèves en 6L aux semestres 1 et 2 (35 copies X 2)

Les difficultés de focalisation d’un événement central se rencontrent dans 14 copies relevant de la première composition et 9 de la deuxième. Dans ce dernier lot, 1 élève a vu sa performance baisser entre les deux productions, les huit autres figuraient déjà dans cette catégorie, ce qui signifie que parallèlement, 5 élèves ont progressé. Les contre-performances de ces élèves se situent à deux niveaux. Le premier, parce que le plus récurent, c’est la technique d’accumulation et d’entassement des évènements. Pourquoi faire intervenir tel évènement ? Comment le corréler à ce qui se passe en amont et en aval ? Comment coordonner tout cela pour fabriquer une intrigue ? Apparemment, les élèves concernés par le problème ne se sont pas posé ces questions au cours de leur production. En conséquence, leurs récits sont confinés à une dimension informative avec une juxtaposition de faits tout au plus dans un ordre chronologique, mais toujours sans liant. La lecture de tels textes impose un travail de reconstitution et de mise en cohérence car rien n’est fait ou très peu par l’élève-auteur pour assurer la configuration de l’action.

Comme ont peut le constater, la trame narrative, quoi que s’inscrivant dans une logique chronologique, manque de liant pour préparer la survenue des évènements et les connecter les uns aux autres. Le récit donne ainsi l’impression d’un journal, un recensement d’évènements, de faits et de situations à entrées multiples sans autre rapport que leur succession chronologique. Dans cette construction vide de toutes relation causales et donc de toute explication-justification de ce qui se produit, les répétitions s’avèrent impuissantes à assurer une ponctuation spontanée, ne faisant qu’alourdir le texte sans rien apporter à la fluidité du récit, encore moins à la structuration de l’action. Il se pose, par delà le cas que nous venons d’étudier, la question de l’usage des articulateurs logiques et au-delà, de la mise en texte du récit.

Cependant, on ne saurait imputer la faiblesse du niveau de progression entre les deux productions, à peine de 5 points, à cette seule difficulté qui est, par ailleurs, la moins apparente dans les productions de la seconde composition. S’y adjoignent les contraintes techniques imposées par le sujet de la deuxième composition. Il est ainsi libellé :

‘« Un jour, un membre de la famille n’est pas rentré à l’heure. Tout le monde s’inquiète ; enfin le retardataire arrive. Racontez l’attente jusqu’à l’arrivée du retardataire en insérant des passages descriptifs, des portraits, des dialogues ».’

La volonté de certains élèves de répondre aux exigences de composition séquentielle explicitement précisées dans la consigne d’écriture, alors que cette compétence n’est manifestement pas développée a induit des incohérences sur la séquence narrative.

Non seulement les pauses dialogales et descriptives ne cadrent pas avec les évènements en raison de leur insertion inopportune, mais encore, leur surreprésentation se fait au détriment de la séquence narrative et de la mise en intrigue.

La sous-compétence de planification de l’histoire se mesure aussi à la capacité de l’élève à conduire et à conclure son récit. Passons sur l’unique copie de la deuxième composition dont l’absence de clôture-conclusion est tout à fait logique, l’élève n’ayant pas pu terminer son travail

A la première composition, les élèves étaient invités à produire un conte. On subodore la double tension s’attachant à la fin du texte véhiculé par un tel projet. Elle viendrait d’abord du principe de conclusion du texte scolaire, ensuite, des conventions génériques du texte de référence. On pourrait dire que le modèle décrit par Baroni sur lequel nous travaillons est aussi applicable aux genres littéraires du conte et de récits similaires à l’image de la fable (Vandendorpe, 1993) pour lesquels il a été conçu, que pour les genres de textes scolaires. Dans l’un comme dans l’autre genre de texte, l’évaluation à la fin du récit est essentielle en ce qu’elle permet un retour appréciatif et interprétatif de l’histoire. Le contrat de production fixé dans la consigne inscrivant d’autorité les textes attendus dans les deux cas, on comprend que les élèves aient majoritairement fondu la situation finale, caractéristique du récit de fiction et essentielle à la structure du conte, et la conclusion, « immanquable » au texte scolaire. Comme pour répondre en échos à cette situation, on constate qu’il manque également une introduction à 6 des 7 copies concernées, celle-ci étant assimilée à la formule rituelle d’ouverture du conte. La démarche donne ce type de texte :

Toutefois, on comprendrait moins l’absence de conclusion dans certaines productions où le récit se termine avec le dénouement de l’action. Disons le : on ne saurait interpréter ce manque comme une incapacité à conclure une histoire, cette hypothèse étant annulée par la présence du dénouement ; on ne saurait non plus évoquer un problème de culture didactique : celle des élèves leur imposant ce protocole dans leur texte. Il reste donc à chercher l’explication dans la médiation générique. Manifestement, les élèves ont pris la mesure de la consigne en adoptant ce qu’il considère comme la posture du conteur. Cette position était d’autant plus aisée que les caractéristiques du genre ne leur sont pas inconnues. La mise en intrigue globalement réussie est donc significative de l’effet conjugué des médiations textuelles, culturelles et scolaire.