2.2.3 Les performances des élèves en 4C par rapport à l’opération de configuration du récit

Le faible niveau de représentation des instruments de configuration du récit dans les productions pourraient rendre difficilement généralisable les résultats de notre analyse. Certes les performances dans la gestion du point de vue narratif autorisent à dire que les élèves en 4C ont éprouvé moins de difficultés que ceux des deux classes de 6ème notamment pour ce qui concerne la pertinence ou la logique dans le choix des postures. Ce constat étant valable pour la classe de 4L, il ne serait pas faux de soutenir qu’il y un acquis lié au niveau des élèves. Cela dit, la distribution des postures narratives avec une prédominance de la première personne dans les textes s’inspirant du récit fantastique et de la troisième personne dans les textes se rapportant au conte, attire, notre attention. On aurait pensé que le genre littéraire référé joue un rôle déterminant dans l’affectation de la perspective narrative et le choix du point de vue. Cette situation ne doit rien du hasard, elle pose plutôt et très nettement la problématique de la médiation textuelle et enseignante. L’effet de la médiation incitative sur la manière de procéder des élèves et donc sur la nature, voire la qualité narrative du texte fictionnel qu’ils produisent a été largement évoqué pour que nous nous y étendions outre mesure. Il importe tout simplement de signaler que quel que soit le niveau de la classe, leur expérience didactique, lecturale et rédactionnelle, ils ont la même attitude lorsque le sujet est conçu sur le mode de l’interpellation, signifiant la relation d’un vécu ou supposé tel. Dans ces cas, le point de vue est interne ou externe et le récit est à la première personne. La différence avec les productions des élèves en 6ème réside dans le fait qu’ici, le narrateur-personnage est effectivement impliqué dans l’action, ce qui se perçoit par l’usage des pronoms de reprise où on ne note aucune confusion. Est-ce à dire que la formulation impersonnelle du sujet favorise une plus grande liberté de ton et par voix de conséquence un choix diversifié de la perspective narrative ? Ce devrait être une règle si la réalité des textes des élèves à la seconde composition n’était là pour appeler à plus de nuance. 84, 44% des récits sont à la première personne du singulier et l’histoire prend l’allure du fantastique, tel que le définit le contrat de production.

L’emploi de la première personne du singulier pose un véritable problème d’ancrage générique et le lecteur se demande ce que l’élève-auteur a réellement voulu faire. Un conte traditionnel comme le laisse croire la structure générale du récit, en commençant par la formule rituelle d’ouverture et en tenant compte de la place du merveilleux ? Un récit d’histoire réelle comme le suggère la mention informative-explicative « j’avais fait la connaissance d’une fille qui s’appelait Aîda » ?, Un récit fantastique ? Si la narration thématique annule la seconde hypothèse, et s’il devait être possible de situer l’orientation à partir de la narration modale, cette tâche se complique en raison de l’emploi du pronom « je » dans le déploiement de l’intrigue. En effet, la présence dudit pronom dans la phase de contextualisation pouvait, à la limite, être interprétée comme l’expression d’un jeu de l’auteur au lecteur pour entretenir l’illusion de vraisemblance. Elle ne se justifie plus dans le corps de l’intrigue. Nous pensons que cet exemple illustre jusqu’à la caricature l’influence de la double médiation textuelle et enseignante. La consigne demandait explicitement d’imaginer un récit fantastique. Or, le texte-modèle, objet des activités de lecture, prétexte aux activités de préparation à la production écrite et projeté dans les activités rédactionnelles est présenté de la même manière aux élèves. En somme, ce texte-support dont le récit est la première personne, a d’autant plus fonctionné comme un exemple à reproduire qu’il a profondément déterminé les critères du fantastique définis par le professeur et les élèves. En effet, dès lors que le dispositif de co-construction d’outils destinés à faciliter la lecture d’un genre et à diriger les futures productions s’en inspirant est alimenté par un modèle unique, il est compréhensible que les savoirs partagés soient influencés par le texte référent. Parmi les caractéristiques du fantastique, la classe aura lourdement insisté sur l’emploi de la première personne.

La qualité de la configuration du récit tient de la combinaison réussie d’au moins trois des outils essentiels : la gestion du point de vue, du système temporel, et de la connexité textuelle. Ce qui veut dire que les défaillances de l’un suffisent à dérégler la cohérence du récit. Nous proposons ci-après les deux productions du même élève que rien ne semble différencier et qui dénotent d’une égale maîtrise des instruments de configuration. Les évènements et états, présentés du point de vue du personnage-narrateur au centre de l’intrigue, sont classés suivant leurs statuts à partir d’une alternance temporelle bâtie autour des temps du monde raconté. De même, les relations interséquentielles sont construites sur la base d’un schéma d’arrière et de premier plan pris en charge par le même principe d’alternance. Enfin, les interventions informatives, explicatives et argumentatives sont nombreuses pour guider le lecteur, justifier et apporter des liens logiques (causals ou consécutifs) que permettent de souder les évènements et les circonstances. Cette réussite, qui est loin d’être un cas isolé ni pour cette classe, ni pour les autres si on se réfère à l’exemple similaire en 6L, voudrait dire que le développement des compétences narratives se réalise au sein d’un processus continu et récursif. Car si la première production atteste d’un déjà là, les améliorations notées dans la seconde production montrent un retour-approfondissement de ces acquis.

Les répercussions du processus développemental sous l’effet induit du texte et de la tutelle d’un expert se lisent dans ce fait tout à fait caractéristique qu’au départ, 14 récits parmi les productions de la première composition se marquent par un système monotemporel. Tous les verbes sont conjugués à seul temps, l’imparfait de l’indicatif pour la majorité, quelques fois le présent de l’indicatif. Le modèle ne se retrouve que dans 01 production de la seconde composition.