1. La psychiatrie d’urgence envisagée comme intermédiaire entre cure analytique et cure chamanique

Ce qui nous a d’abord interpellé dans le texte de Lévi-Strauss, c’est la comparaison qu’il établit entre cure chamanique et cure psychanalytique : « En fait, la cure chamanique semble être un exact équivalent de la cure psychanalytique, mais avec une inversion de tous les termes »350. Mais comme le dit Lévi-Strauss, le « parallélisme n’exclut pas des différences »351. Or, c’est précisément du fait de cette ressemblance et de cette différence à la fois que nous pouvons placer la psychiatrie d’urgence à mi-chemin entre psychanalyse et chamanisme. En quelque sorte, c’est dans l’espace laissé par la différence entre les deux que se situerait, s’intercalerait, la psychiatrie d’urgence. La relation thérapeutique qui s’établit lors des entretiens de psychiatrie aux urgences n’est ainsi ni tout à fait assimilable à ce qui se produit sur un divan, ni tout à fait à ce qui se produit dans l’épisode de guérison de la parturiente racontée par Lévi-Strauss. La psychiatrie d’urgence tient des deux modèles sans s’y réduire. Elle tient du chamanisme en ce que le soin est adossé à une référence à l’institution et au politique, mais elle ne s’y réduit pas cependant car le patient est invité, comme on l’a vu, à parler de lui aux urgences et pas seulement à écouter le médecin et ses interprétations. Inversement, la psychiatrie d’urgence tient du modèle psychanalytique en ce que le patient est amené, par la parole, à rendre compte singulièrement de son malheur en le replaçant – pour lui donner du sens – dans son histoire personnelle, mais elle ne s’y réduit pas car le patient doit parvenir à articuler la version subjective de sa souffrance à des possibilités institutionnelles offertes par le psychiatre représentant de l’hôpital (proposition de prise en charge, de parcours institutionnels ambulatoires, etc.).

Pour éclaircir cela, nous proposons de mettre en perspective le texte de Lévi-Strauss avec un petit texte que Lacan prononça lors d’une conférence au Collège philosophique en 1952352. Grâce à ces textes, on voit bien la valeur et le statut respectifs du mythe dans le chamanisme et dans la psychanalyse. Dans le premier, le mythe est social, prononcé par le chaman pour la malade au nom de la société, dans le second, il est individuel, produit par le névrosé comme voile et organisateur des conflits psychiques par l’imaginaire.

Dans l’épisode de chamanisme décrit par Lévi-Strauss, il est question d’une femme qui vit un accouchement difficile. Elle est plongée dans d’atroces souffrances et l’enfant tarde à naître, ce qui justifie le recours au chaman. Celui-ci va provoquer l’allégement des souffrances puis l’accouchement par une opération symbolique qui consiste à raconter un mythe auprès de la malade et devant un auditoire constitué de membres de la société dans laquelle il officie. Lévi-Strauss explique que le mythe est une métaphore de ce qui arrive à la parturiente : il est une transposition symbolique, terme à terme, des souffrances qu’éprouvent la parturiente. De plus, le chaman met en place un récit censé rendre compte de tout le processus de la reproduction, depuis le moment du coït à la délivrance de la naissance. Mais à ces événements de corps (coït, grossesse, délivrance) sont substitués des signifiants qui sont les protagonistes du récit donnée par le chaman : il s’agit d’esprits en lutte dans le corps de la patiente, dont la patiente ressent douloureusement le combat dont l’issue sera la délivrance. Le chaman s’investit en effet dans le combat, à titre symbolique aussi, pour orienter l’issue de la lutte qui se joue dans le théâtre du corps de la patiente. Lévi-Strauss constate ainsi « une oscillation de plus en plus rapide entre les thèmes mythiques et les thèmes physiologiques, comme s’il s’agissait d’abolir, dans l’esprit de la malade, la distinction qui les sépare, et de rendre impossible la différenciation de leur attributs respectifs »353. Le rôle du chaman est ainsi de renvoyer le corps à du symbolique pour ensuite produire des opérations d’ordre symbolique sur le corps symbolisé. La patiente peut alors ordonner ses souffrances dans le champ du sens : à la substitution succède un déplacement possible354 : « la technique du récit vise donc à restituer une expérience réelle, où le mythe se borne à substituer les protagonistes »355. L’événement de corps n’est plus angoissant car il est référé à un équivalent symbolique, à un signifiant désormais, situable dans un récit qui a la particularité, nous dit Lévi-Strauss, d’être reconnu par la société dans laquelle se trouve la malade. La patiente socialise ainsi son trouble :

‘« La cure consisterait donc à rendre pensable une situation donnée d’abord en termes affectifs : et acceptables pour l’esprit des douleurs que le corps se refuse à tolérer. Que la mythologie du chaman ne corresponde pas à une réalité objective n’a pas d’importance : la malade y croit, elle est membre d’une société qui y croit. (…) Ce qu’elle n’accepte pas, ce sont les douleurs incohérentes et arbitraires, qui, elles, constituent un élément étranger à son système, mais que, par l’appel au mythe, le chaman va replacer dans un ensemble où tout se tient. (…) Le chaman fournit à sa malade un langage, dans lequel peuvent s’exprimer immédiatement des états informulés et informulables autrement »356.’

Insistons encore ici sur le fait que l’efficacité symbolique consiste en un effet de symboles sur des symboles : ce n’est que parce que il y a eu transposition d’un événement de corps non symbolisé vers du symbolique (un mythe déjà-là assez plastique pour s’adapter au cas de la patiente) que cet effet est possible à la fois pour le chaman et la patiente. Le chaman, après avoir symbolisé le corps en un théâtre peut y jouer la pièce qu’il veut mais n’agit pas directement sur le corps de la malade. C’est la patiente, accédant désormais à une représentation de son corps, qui peut organiser cette représentation, par déplacements signifiants, pour rendre plus acceptable sa douleur et pour permettre l’accouchement, deux événements de corps qui ont désormais du sens. Ce qui délivre la patiente, c’est que le langage dans lequel elle donne une place symbolique à son trouble est fourni et validé par la société qui l’entoure : son trouble ne l’isole plus du collectif. C’est en ce sens que l’efficacité symbolique dévoile ce que la clinique a de politique.

On voit comment cette notion d’efficacité symbolique permet de comprendre comment s’articulent la singularité et la sociabilité dans la relation thérapeutique. Cela est d’une importance capitale pour saisir ce qui se joue dans les processus de communication qui structurent les entretiens de psychiatrie aux urgences. Dans le discours qu’ils adressent au patient, les psychiatres portent toujours avec eux une représentation de la société, au moins un imaginaire de l’hôpital. On pourrait dire que l’institution hospitalière, maniée en tant qu’image pour les psychiatres face aux patients, constituent déjà une réserve de sens à l’intention de ces derniers pour qu’ils y logent leur souffrance (en adoptant, par exemple, le statut de malade que donne l’hôpital dès qu’on y entre). Le problème, c’est que les médecins, notamment les somaticiens, proposent aux patients un discours très technique qui est sans signification pour eux, donc pas susceptible d’être un espace sémiotique capable de produire des équivalences, des substitutions à l’expérience du symptôme. Il nous semble qu’en 1949 Lévi-Strauss en avait déjà l’intuition en montrant que l’efficacité symbolique pouvait se vérifier dans la psychanalyse mais certainement pas dans la médecine moderne, ou avec difficulté :

‘« (…) la relation entre microbe et maladie est extérieure à l’esprit du patient, c’est une relation de cause à effet ; tandis que la relation entre monstre et maladie est intérieure à ce même esprit, conscient ou inconscient : c’est une relation de symbole à chose symbolisée ou, pour employer le vocabulaire des linguistes, de signifiant à signifié »357. ’

Cette remarque est capitale et nous reviendrons largement sur elle puisque on y perçoit la tension propre aujourd’hui aux urgences hospitalières qui sépare – sans vraiment opposer, on le verra – ce qui est de l’ordre de la science (recherche des causes organiques) et ce qui est de l’ordre de la signification dans la médecine. Aux urgences, cohabitent une médecine relationnelle et une médecine technicienne. Nous aurons à préciser les modalités de cette cohabitation qui signaleront encore le lien entre clinique et politique. Nous pensons en effet que dans la forme de la clinique menée à l’hôpital se manifeste une manière de construire le contrat social.

Avant d’illustrer cela à partir de notre expérience ethnographique, attardons-nous un peu sur le texte de Lacan qui essaie de dire la place du mythe dans la perspective psychanalytique. Ce qui est intéressant, c’est que le mythe y a une fonction comparable à ce qu’en dit Lévi-Strauss qui est de suppléer, par l’imaginaire, à quelque chose d’informulable pour le rendre acceptable. A ce titre, une formule de Lacan est très proche de celle de Lévi-Strauss que nous avons citée plus haut. Lacan commente un épisode de la vie de Goethe où celui-ci cherche à séduire une jeune femme, Frédérique Brion, alors qu’il ressent, depuis une histoire ancienne, un interdit à mettre en œuvre toute entreprise amoureuse. Il s’agit d’un conflit psychique qui met en tension un désir et un interdit. Ainsi, quand Goethe se rend au village de la jeune fille, il développe une sorte de symptôme puisqu’il ne peut s’empêcher de se déguiser. Il brave ainsi son interdit d’aller courtiser la jeune femme en se cachant derrière un masque. Mais en même temps, nous dit Lacan, il accomplit quelque chose de la séduction puisque, déguisé, Goethe est comme un oiseau en parade. Lacan explique alors que Goethe ne manque pas d’une imagination, qui frise parfois le délire, pour justifier (et se justifier à lui-même) qu’il se déguise. Le déguisement permet au jeune Goethe de ne pas être confronté à ce qui l’effraie tout en s’expliquant quand même par un mythe les bizarreries de ce qu’il fait. Lacan explique que le propre de la névrose est de mettre un mythe à la place de ce qui ne peut pas se dire : « Goethe a eu conscience qu’il avait le droit d’organiser et d’harmoniser ses souvenirs avec des fictions qui en comblent les lacunes, qu’il n’avait sans doute pas le pouvoir de combler autrement »358. On retrouve bien ici le propos de Lévi-Strauss : le mythe est une fiction mais il constitue une trame imaginaire instituante qui ordonne ce qui ne peut se formuler autrement (passage au symbolique). Il est un langage articulé où situer le signifiant seul (sans signifié) de l’angoisse issue du conflit psychique.

Le parallélisme avec le texte sur l’efficacité symbolique se poursuit quand Lacan insiste sur la fonction de substitution du mythe. Goethe remplace son inavouable angoisse de la rencontre amoureuse – liée à une parole entendue lorsqu’il était plus jeune et qui lui promettait une malédiction s’il touchait aux lèvres d’une femme – par les fictions autour du déguisement qui empêchent la rencontre effective :

‘« Loin que le désenchantement, le désensorcellement de la malédiction originelle se soit produit après que Goethe eut osé franchir la barrière, on s’aperçoit au contraire par toutes sortes de formes substitutives (…) que ses craintes ont toujours été croissantes à l’égard de cet amour. »359.’

Pour Lacan, la construction du mythe individuel par le névrosé sert la névrose, en quelque sorte, car il occupe dans l’économie de la névrose une fonction qui est celle de l’arbitrage entre désir et interdit :

‘« (…) toute la cérémonie de sa dérobade [de Goethe] apparaît en vérité non seulement comme un jeu, mais beaucoup plus profondément comme une précaution, et se range dans le registre de ce que j’appelais tout à l’heure le dédoublement de la fonction personnelle du sujet dans les formations mythiques du névrosé »360.’

Précisions que Lacan ne cherche pas à dire qu’il faudrait, dans la psychanalyse, faire tomber les constructions mythiques du névrosé. Au contraire, il s’agit de conserver cette fonction essentielle du mythe dans l’économie psychique mais faire qu’il puisse se déplacer, en termes signifiants, pour que l’histoire que se raconte le sujet pour donner du sens à ses conflits psychiques soit moins source d’inhibitions. Contrairement au comportementalisme, la psychanalyse ne cherche pas à effacer le symptôme, mais bien plutôt à en comprendre la logique (signifiante, métaphorique) et la fonction psychique pour le sujet qui doit savoir y lire le discours inconscient qui le traverse. Les psychanalystes nous apprennent ainsi que faire disparaître le symptôme, c’est bien souvent mettre le réel à ciel ouvert et provoquer un retour de l’angoisse.

Malgré ces similitudes, il y a pourtant des différences essentielles que nous pouvons entrevoir entre chamanisme et psychanalyse. D’abord, on pourrait se dire que la cure psychanalytique concerne le psychisme alors que la cure chamanique cherche à résoudre un problème somatique. Mais ce serait faire fausse route que d’établir cette distinction car, d’une part, il arrive souvent qu’un conflit psychique se traduise dans le corps (dans les cas de conversion hystérique, par exemple) et, d’autre part, dans la cure chamanique, la souffrance corporelle diminue grâce à une opération symbolique dont Lévi-Strauss affirme qu’elle se produit dans « l’esprit » de la malade avant de se traduire et d’avoir un effet somatique.

Les points de divergence entre les deux modèles de cure résident dans deux autres points. Le premier est que dans le cas de la psychanalyse, le mythe dont il est question est individuel, c’est-à-dire qu’il vaut pour le cas et le cas seul ; dans le cas de la cure chamanique, le mythe est social et vaut pour la parturiente mais aussi pour tous les membres de la communauté. C’est ce que résume Lévi-Strauss : « Dans un cas, c’est un mythe individuel que le malade construit à l’aide d’éléments tirés de son passé ; dans l’autre, c’est un mythe social, que le malade reçoit de l’extérieur et qui ne correspond pas à un état personnel ancien »361. Dans cette citation, Lévi-Strauss ajoute la seconde différence qui est que dans l’analyse, le producteur du mythe est le patient et que dans le chamanisme, le chaman est l’orateur du mythe. Dans un cas, c’est le sujet qui parle, dans l’autre, c’est le chaman. Le chaman ne produit pas à proprement parler le mythe, il propose un récit qui cimente le social. Ce récit, en tant que mythe, a la particularité d’être assez malléable pour accueillir des identifications de la part de la malade. Il est à la fois assez rigide pour parler à tous, tout en étant assez souple pour pouvoir correspondre aux souffrances de la malade et être susceptible de les symboliser. En fait, on pourrait faire l’hypothèse que le chaman, comme orateur d’un mythe social, joue un rôle qu’on identifierait comme celui du coryphée dans la tragédie antique. Nous testerons cette hypothèse dans le chapitre suivant.

Sans doute y a-t-il une autre divergence encore entre chamanisme et psychanalyse qui est la question du temps. Cela est primordial à considérer dans la perspective de l’analogie avec l’urgence. La parole chamanique s’exprime dans le temps court du présent de la souffrance, tandis que la parole analytique s’inscrit dans un temps long, celui de la cure. On retrouve ici la dialectique entre temps court et temps long qui traverse la psychiatrie d’urgence.

Nous avons donc là deux pôles intéressants pour interpréter la nature de la relation thérapeutique telle qu’elle se manifeste dans les entretiens de psychiatrie aux urgences. Comme nous l’annoncions plus haut, nous pensons que la clinique de la psychiatrie d’urgence se situe à mi-chemin entre cure chamanique et cure psychanalytique, si l’on prend le critère de l’identité du locuteur (sujet ou soignant) et celui du temps (dialectique entre présent et longue durée). Nous proposons une illustration à partir de deux cas que nous avons déjà évoqués.

Dans la prise en charge de Monsieur C. (fragment clinique 10), la relation thérapeutique s’est nouée d’abord sur le modèle psychanalytique avant de se rapprocher du modèle chamanique. En effet, tout le début de la prise en charge invite Monsieur C. et ses parents à replacer la crise délirante du patient dans la mythologie familiale. Malgré le temps court de l’urgence, le récit du patient et celui de ses parents laissent apparaître une histoire hautement singulière que la psychiatre écoute avec attention, en intervenant peu, pour repérer les conflits psychiques à l’œuvre dans la crise de Monsieur C. On apprend ainsi la relation fusionnelle, presque œdipienne, du fils avec la mère, la relation du patient avec sa grand-mère, morte au domicile familial, la place d’une autre femme, la tante du patient, qui lui aurait permis de « tout comprendre de ses origines », enfin une défaillance de la figure du père qui inquiète le patient. Dans le deuxième temps de la prise en charge, la psychiatre va cette fois prendre la parole et parler au nom de la société, comme dans le modèle chamanique, en proposant des solutions au patient. En vérité, et nous avons vérifié cela quasiment systématiquement lors de nos observations, la psychiatre va présenter ce qu’une hospitalisation, quand elle est nécessaire, ou une solution en ambulatoire, sont susceptibles d’apporter au patient. C’est un discours dans lequel le psychiatre, représentant de l’institution hospitalière, propose une place au sujet souffrant. Il s’agit d’intégrer le patient en détresse dans des parcours de soin qui lui donnent un statut et où il puisse être reconnu et entendu par la société, en s’extrayant de ce qui le fait apparaître comme fou, comme dans le cas de Monsieur C. En d’autres termes, et pour rependre ce que nous disions sur la cure chamanique, il s’agit de socialiser le trouble du patient. C’est en cela que la clinique aux urgences a une dimension politique car elle ne se contente pas de recueillir un mythe personnel ou une mythologie familiale qui singularisent le sujet à l’extrême et qui, comme tels, ne sont pas acceptables pour la société, mais elle tente de faire correspondre les coordonnées de ce mythe à ce qu’autorise le collectif (à une sorte de mythe social362). Ainsi, Monsieur C. sera hospitalisé à la demande d’un tiers. Ce tiers sera son père, ce qui permet de répondre à la mythologie familiale du père défaillant en redonnant un rôle à celui-ci, tout en s’accordant aux formes que peuvent prendre, aujourd’hui, l’accueil et la reconnaissance de la folie, dans une sorte de mythe social où s’organise, pour tous, le rapport entre la folie et la société.

Dans le cas de Monsieur A (fragment clinique 11), il ne s’agit pas de folie, mais d’errance. En déployant son histoire singulière, encore une fois organisée sous forme de mythe individuel – solitude et errance engendrées par des marginalisations successives du patient et renforcées par la mort récente de sa mère –, le patient demande à la psychiatre de lui « trouver une maison », ce qui serait susceptible, selon lui, de répondre à sa détresse. Attentive au discours du patient, la psychiatre lui répond, en activant, en quelque sorte, un mythe social sur l’hôpital, qu’elle n’est pas assistante sociale, mais qu’elle peut lui proposer une hospitalisation en psychiatrie qui est faite pour les sujets en détresse psychique comme Monsieur A. et qui présenterait le bénéfice secondaire de lui offrir temporairement un toit… Là encore, on voit comment on se situe entre modèle de la psychanalyse et modèle chamanique, puisque la solution envisagée pour le patient est un compromis entre la réalisation du mythe individuel, entre la nécessité d’être au plus près de la logique subjective du patient, et la possibilité qu’il s’intègre dans des schémas institutionnels préétablis dont le psychiatre se fait le porte-parole363 en mythifiant toujours plus ou moins l’hôpital comme institution salvatrice et politique.

L’efficacité symbolique comporte encore d’autres spécificités qui sont utiles à la compréhension et à l’analyse de la psychiatrie d’urgence. C’est ce que nous allons voir maintenant.

Notes
350.

« L'efficacité symbolique ». In LÉVI-STRAUSS, Claude. Anthropologie structurale [1958]. Presses Pocket, 1990. Coll. « Agora ». Pages 213-234. Chapitre X, p. 228.

351.

Ibid., p.228

352.

LACAN, Jacques. Le mythe individuel du névrosé : poésie et vérité dans la névrose [1952]. Seuil, 2007. Coll. « Champ Freudien ». Cela se situe trois ans après la parution du texte de Lévi-Strauss.

353.

« L'efficacité symbolique » [1949]. In LÉVI-STRAUSS, Claude. Anthropologie structurale [1958]. Presses Pocket, 1990. Coll. « Agora », p. 221

354.

Notons que substitution et déplacement sont les deux procédés repérés par Freud, dès L’interprétation des rêves, comme régissant les formations de l’inconscient. Lacan, enrichi par la linguistique, les qualifiera de métaphore et de métonymie. Lévi-Strauss est donc très pertinent quand il affirme qu’il y a matière à comparaison entre chamanisme et psychanalyse.

355.

« L'efficacité symbolique » [1949]. In LÉVI-STRAUSS, Claude. Anthropologie structurale [1958]. Presses Pocket, 1990. Coll. « Agora », p.223

356.

Ibid., p.226

357.

Ibid., p.226

358.

LACAN, Jacques. Le mythe individuel du névrosé : poésie et vérité dans la névrose [1952]. Seuil, 2007. Coll. « Champ Freudien », p.41

359.

Ibid., p.42

360.

Ibid., p.42

361.

LÉVI-STRAUSS, Claude. « L'efficacité symbolique » [1949]. In LÉVI-STRAUSS, Claude. Anthropologie structurale [1958]. Presses Pocket, 1990. Coll. « Agora », p. 228

362.

On pourra reprocher à cette démarche que nous inspire Lévi-Strauss de ne pas bien distinguer le symbolique et l’imaginaire. En fait, peut-être que pour l’anthropologie, cette distinction n’a pas vraiment de sens ; nous y reviendrons ultérieurement.

363.

Tout comme le chaman énonce un mythe valable pour tous mais qu’il rend malléable au gré des caractéristiques des souffrances des malades.