B. Ce que la notion de Lévi-Strauss laisse dans l’ombre : la différence entre pouvoir de guérir et pouvoir médical.

Il va s’agir ici d’opérer quelques petits décalages par rapport à la notion d’efficacité symbolique, de manière à la rendre plus adaptée encore à l’analyse de la psychiatrie d’urgence. En fait, il s’agit de constats sur quelques insuffisances de la notion développée par Lévi-Strauss qui nous amèneront, en creux, à donner de nouvelles spécificités de la psychiatrie d’urgence. Il y a notamment toute une réflexion à poursuivre sur les aspects politiques de la clinique aux urgences qui se situe dans une sorte d’intermédiaire entre ce que dit Lévi-Strauss sur la nécessité de la référence au politique dans le soin et les développements foucaldiens sur le pouvoir psychiatrique. Pour le premier, le politique se manifeste par la croyance mythique en un appareillage symbolique proposé par le chaman – le politique, c’est le sentiment d’appartenance qui fonde le pouvoir de guérir –, pour Foucault, le soin est un pouvoir sur les corps et c’est en cela qu’il est politique. Aux urgences psychiatriques, se manifeste un pouvoir de guérir au sens de Lévi-Strauss, nous l’avons montré, mais qui est élidé, érodé, par le poids de l’organisation politique du soin (politiques de santé publique). Il y a donc une incidence du pouvoir politique sur la clinique qui est à éclairer mais dans une vision sans doute moins radicale que celle qui est évoquée par Foucault. Ce constat nous amènera à dire que les services d’urgences sont un espace où se manifestent des formes de pouvoir en même temps qu’ils sont un espace de médiation. L’essentiel de notre travail dans cette thèse consiste à éclairer davantage la dimension de médiation de l’urgence puisque la dimension de pouvoir des institutions médicales sur les sujets a déjà largement été approchée dans des travaux antérieurs.