II. De l’efficacité symbolique à une approche de la psychiatrie d’urgence en termes de sémiotique politique : signification et déplacement de la signification du malheur dans la relation thérapeutique

L’analyse de la psychiatrie d’urgence à travers la notion d’efficacité symbolique nous a permis d’entrevoir ce qui se joue à la fois en termes de signification et en termes politiques dans la relation soignante. Nous souhaitons maintenant poursuivre et approfondir notre réflexion sur les aspects sémiotiques du phénomène pour davantage ancrer notre propos dans le champ des sciences de l’information et de la communication. Notre parcours suivra ainsi trois étapes qui éclaireront trois aspects de la psychiatrie d’urgence qui intéressent fort les SIC. La première consistera, dans une suite assez logique des développements sur l’efficacité symbolique, à qualifier les recours aux urgences dans la catégorie de l’événement, en nous fondant sur les conceptions de la maladie de Marc Augé et de Claudine Herzlich. Ensuite, à partir d’une réflexion sur le rôle social de médiateur, de la médecine générale, nous essaierons d’identifier le statut des médecins généralistes et celui des psychiatres aux urgences : une sorte de renversement s’observe aujourd’hui aux urgences où c’est le spécialiste (le psychiatre) qui prend en charge la marge, le surplus ou le reste signifiant de la maladie qui sont d’ordinaire attribués au généraliste. Enfin, si l’on constate bien que le soin est une affaire de signification, nous tenterons de montrer que les services d’urgence sont un lieu de déplacement de la signification perpétuelle et fulgurante de la norme et des assignations : pour cela, nous nous référerons aux travaux de Judith Butler. L’enjeu épistémologique de notre propos est ainsi de montrer que les sciences de la communication sont en mesure de développer une sémiotique qui ne porte pas seulement sur des textes, mais des situations de communication dont l’accueil psychiatrique aux urgences est un exemple.