C. Enoncer dans l’urgence : le moment d’un simple retournement signifiant ?

Pout enrichir nos considérations sur l’articulation de la clinique et du politique dans la psychiatre d’urgence, nous souhaitons nous pencher brièvement sur la réflexion de Judith Butler qui, dans le Pouvoir des mots 415 , nous permet de penser ce que pourrait être une énonciation dans l’urgence. Nous souhaitons montrer que les entretiens de psychiatrie aux urgences sont un appel, pour le sujet en détresse, à produire une énonciation dans l’urgence qui prenne la valeur de ce que Judith Butler appelle une « resignification subversive »416. Dans cette perspective théorique, on peut envisager le psychiatre comme un médiateur qui donne au sujet en détresse la possibilité de faire « resignifier »417 les énoncés qui l’emprisonnent et ont justifié, pour une part, son recours aux urgences.

Le bureau du psychiatre se présente ainsi souvent comme un espace d’énonciation relativement libre où le discours est moins contraint et censuré que dans l’espace public. Le psychiatre est en mesure d’entendre, dans le colloque singulier avec le patient, ce qui est interdit ou censuré dans les relations de communication plus normées de l’espace public. Il y a en fait quelque chose d’assez paradoxal dans la position du psychiatre aux urgences. En effet, d’une part, il est garant d’une forme d’ordre puisqu’il est détenteur de moyens de médecine légale : il peut prononcer des hospitalisations sans consentement en cas de trouble à l’ordre public et de mise en danger de la santé du sujet. D’autre part, notre expérience ethnographique a pourtant révélé combien les psychiatres étaient en mesure d’entendre, dans le cadre de la protection du secret médical, des paroles qui pourraient mettre en cause le sujet sur le plan de la loi sans pour autant en faire part aux autorités de police. Cela s’explique sans doute par le fait que la parole et la vérité n’ont pas le même statut pour les psychiatres que pour la police. Pour la police, il s’agit de trouver la vérité des faits, ce qui suppose une conception de la vérité bien particulière qui postule une adéquation de la parole aux faits et aux choses. La police est dans une logique de l’aveu, de la recherche de la vérité par rapport au mensonge. La psychiatrie, au contraire, ne croit qu’en une vérité subjective : elle ne cherche pas à connaître ce qui, dans la parole du sujet, renvoie à des faits avérés. Peu importe que le sujet dise la vérité ou qu’il mente, ce qui est important c’est le dire du sujet, son énonciation, sa manière subjective d’user du langage et qui révèle des positions subjectives qui renseigne sur les conflits psychiques, les pathologies. Ainsi, un lapsus ne dit pas la vérité des faits, mais la vérité du sujet, c’est-à-dire la vérité de son désir. Ainsi, une manière de décrire ses semblables avec méfiance, de les accuser, peut révéler non pas que ces autres sont coupables, mais, peut-être, que le sujet qui énonce se met en position de victime ou est paranoïaque, etc. On a distingué ici la différence entre psychiatrie et police, mais on pourrait faire la même distinction entre psychiatrie et médecine somatique. La psychiatrie accepte une description flottante du symptôme parce qu’elle sait que la part réelle du symptôme ne sera jamais capturée dans le signifiant de l’énoncé du sujet ; la médecine somatique est à la peine avec les descriptions de symptôme qui renvoient mal à une vérité médicale, avérée, des troubles physiologiques où telle plainte (tel énoncé) correspond à tel affection en termes biologiques. Rappelons-nous les propos de Basile qui cherchait désespérément des « cas d’école » dans les demandes des patients !

Pour revenir sur le rapport entre la norme et l’écoute que proposent les psychiatres, deux exemples du journal ethnographique sont intéressants.

Le premier est celui que nous relatons à l’observation 12. Plusieurs éléments d’importance figurent dans cette situation, nous n’en retiendrons ici qu’un seul pour illustrer nos développements présents. Un patient, qui est en garde à vue, a été amené par la police la veille au soir car il présentait des signes d’angoisse tels qu’ils empêchaient le déroulement du travail de la police au commissariat. Il s’agit d’un cas où le psychiatre est sollicité pour dire si le patient est en mesure ou non, suivant son état de santé, de retourner en garde à vue. Or, les policiers outrepassent ce jour-là ce qui leur est permis. En effet, ils demandent au psychiatre de bien vouloir « enquêter » sur le patient en essayant de voir, lors de l’entretien médical, s’il ne serait pas impliqué dans une affaire de trafic de drogue ! Le psychiatre est ici très catégorique : pour lui, il s’agit de s’entretenir avec un patient, ce qu’il signifie en demandant aux policiers de bien vouloir retirer les menottes du sujet en question. L’entretien psychiatrique, auquel j’assiste, portera sur les symptômes d’angoisse du patient et non sur les raisons de l’interpellation. Le patient est invité à dire une vérité subjective, ancrée sur l’élaboration symbolique à partir d’un symptôme, ce qui n’a rien à voir avec l’aveu qu’attendent les policiers.

L’autre exemple est celui, déjà commenté, de Monsieur C. (fragment clinique 10). Dans cette situation, la psychiatre est dépositaire d’éléments inquiétants sur ce patient qui, très désinhibé sur le plan sexuel et d’après les informations recueillies auprès des parents et du patient lui-même, aurait été l’auteur probable d’agressions sexuelles. Mais la psychiatre, plutôt que de prendre ces informations au pied de la lettre comme renvoyant de manière certaine à des faits, préfère lire, dans ces propos familiaux qui se croisent, des indications pathologiques et, notamment, les conséquences d’un conflit œdipien important. C’est au titre de cette écoute spécifique, attentive à la vérité subjective, qui n’appose pas d’emblée une norme sur le discours de l’autre, que l’entretien de psychiatrie a une fonction spécifique aux urgences. Il permet de faire du bureau du psychiatre un lieu d’énonciation inédit, à deux dimensions : l’une est cathartique, imaginaire (nous verrons cela dans le chapitre suivant), l’autre est ouverture à un travail symbolique à partir de ce qui vient de s’énoncer et qui était indicible, ineffable, dans l’espace public, ce qui a provoqué la crise et le recours aux urgences. Aux urgences psychiatriques, une place est laissée à un au-delà de la norme, quoiqu’on puisse en penser en considérant, de l’extérieur, les hospitalisations sous contrainte qui y sont prononcées. Cela ne signifie pas que la norme, le politique et le collectif s’évanouissent. Il s’agit plutôt, dans les entretiens de psychiatrie, de laisser la place à des énoncés et des comportements hors-normes pour, ensuite, essayer de trouver, par des opérations signifiantes ou institutionnelles, des manières, pour chaque sujet, de réaménager son rapport singulier à la norme pour qu’elle soit moins source de souffrance.

Ces digressions sur des exemples nous permettent sans doute de mieux comprendre l’usage que nous souhaitons faire des réflexions de J. Butler. L’entretien de psychiatrie aux urgences apparaît comme un espace de communication où, à la fois, les normes peuvent être interrogées et où l’attention est portée à la question de l’énonciation comme retravail singulier de la norme418. Or, c’est précisément ce qui intéresse J. Butler puisqu’elle cherche à savoir par quels moyens il est possible, dans l’ici et le maintenant – dans l’urgence donc –, de s’émanciper du poids d’une norme par un usage du langage. Bien sûr, J. Butler développe sa réflexion à partir des modalités de réponse à l’injure et ce n’est pas tout à fait d’une injure que sont victimes les patients qui se retrouvent aux urgences psychiatriques. Peut-être pouvons-nous faire cependant des analogies intéressantes. Déjà, la traduction française de l’ouvrage de J. Butler est trompeuse car elle traduit « to call someone a name » par « injurier quelqu’un ». Une note des traducteurs en fin d’ouvrage est très précieuse à ce propos :

‘« Cette expression, qui signifie « injurier quelqu’un », J. Butler l’utilise en faisant jouer son sens littéral (…). Les noms que l’on nous donne, en en particulier les noms injurieux, sont-ils toujours en même temps un « appel », une interpellation, qui instaure une relation entre celui qui donne et celui qui reçoit le nom ? Bien sûr, comme il n’y a pas en français d’expression susceptible d’exprimer cette plurivocité, la traduction doit trancher entre deux significations, mais dans l’usage qu’en fait J. Butler, les deux sens, donner un nom et insulter, sont toujours présents à la fois. »419.’

Ainsi, Judith Butler réfléchit autant sur l’insulte que sur l’assignation du sujet par la nomination. Pour ce dernier cas, celui de l’assignation, nous pouvons trouver des équivalents aux urgences psychiatriques420. Des sujets qui se retrouvent aux urgences expriment l’idée qu’ils souffrent d’être assignés par l’Autre (le collectif, une partie du collectif) à une place depuis laquelle leur désir devient insituable. Ces sujets font part du fait, de manière plus ou moins consciente, que des énoncés, auxquels ils se sont identifiés dans le passé, les emprisonnent dans des souffrances psychiques insupportables. Tout se passe comme si le sujet se représentait tout entier par un signifiant, ce qui ne laisse pas de place à son désir, c’est-à-dire à ce qui est irréductible au signifiant. La logique, décrite par Lacan, qui veut que « le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant » est rompue. Or, dans le défilé de la parole, c’est bien dans l’interstice entre les signifiants que peut se glisser le désir pour s’y représenter en partie. Telle métaphore, telle métonymie, telle concaténation de sons, tel jeu de mots, tel lapsus, sont des usages poétiques de la langue, par lesquels chaque sujet rend compte de son énonciation et donc de la particularité de son désir, c’est-à-dire de ce qui le rend irréductible à un autre sujet. Ainsi, comment faire reconnaître son désir – et entrer ainsi dans la dynamique du rapport à l’autre – dès lors qu’on se croit représenté par un seul signifiant, c’est-à-dire assigné ? En ce sens, l’assignation marque le début de l’exclusion et de la précarité qui concernent bon nombre de sujet aux urgences.

Nous pouvons ici proposer une relecture du cas de Monsieur A. (fragment clinique 11), déjà commenté sous d’autres aspects. Ce patient fait partie de ces sujets qui recourent aux urgences parce qu’ils souffrent d’une assignation trop rigide de la part de l’Autre. Il est aussi l’objet d’insultes qui le minent depuis longtemps. Ce sujet se situe dans une précarité sociale – c’est un SDF – et psychique – il est très angoissé, a des désirs suicidaires – extrêmes qui se lisent sur son corps abîmé mais aussi dans son discours. En effet, nous avons été marqué, chez Monsieur A, par la particularité de son énonciation à la fois singulière, comme toute énonciation, mais en même temps rattrapée par la présence et la répétition de formes qui semblent ne pas lui appartenir et pourtant par lesquelles il choisit de se représenter. C’est ainsi que Monsieur A. assigne son identité à des mots qui, en fait, le malmènent psychiquement. Par exemple, il se décrit, en se dévalorisant, comme « adulte handicapé ». Il est patent que cette expression n’a pas fait l’objet d’une appropriation singulière tant on retrouve, sans déformation, l’expression émanant du vocabulaire des pouvoirs publics « allocation aux adultes handicapés ». Monsieur A. ne cherche pas spécialement à signifier ni qu’il est adulte, ni qu’il est handicapé, il se loge, sans le questionner, sous le signifiant venu du collectif qui l’assigne à une place comme si elle était inamovible. De même, ce patient se qualifie de « simple d’esprit » alors qu’on aperçoit encore qu’il s’agit d’une expression reçue de l’Autre – c’est une expression « toute faite » – et qui a, cette fois, des allures d’insulte, si l’on veut se rapprocher des considérations de Butler. Concernant la question de l’insulte plus proprement dite, Monsieur A. semble aussi en être victime, puisqu’il vit une situation d’errance depuis le rejet, dont il a fait une difficile épreuve, de la communauté gitane catalane de Perpignan parce qu’il était gitan espagnol.

Ce que nous comprenons des réflexions de Butler quand elle parle de « resignification subversive », c’est qu’elle invite à exploiter, dans l’urgence, cette particularité du langage, soulignée dans ses effets cliniques par Lacan, d’être équivoque. Il s’agit de remettre en marche, de manière fulgurante, cette dynamique qui fait qu’un signifiant renvoie toujours à un autre et qu’on n’est jamais sûr d’une signification. Ne pas être assuré du sens c’est, paradoxalement, s’assurer en même temps d’une possibilité d’éviter l’assignation.

Il faut prendre garde à ne pas lire trop vite J. Butler et estimer, selon ce que nous écrivions plus haut, que le sujet doit échapper à toute nomination. J. Butler invite plutôt à se rendre compte d’un jeu possible avec la nomination qui, si elle peut assigner, figer, enfermer dans l’insulte, est aussi un moyen d’exister socialement en existant dans le langage. Le travail de l’auteur sur le performatif, fort imprégné de référence à la psychanalyse, notamment celle de Lacan et de Freud, ne cherche pas à vérifier les travaux d’Austin ou de Bourdieu. Bien au contraire, notre lecture de J. Butler nous amène à penser qu’elle conteste le pouvoir illocutoire du langage. Elle envisage cependant, à travers la question de l’insulte, son pouvoir perlocutoire, mais elle souligne qu’il faut envisager le perlocutoire comme une possibilité ou non du langage d’avoir un effet. C’est justement en considérant cet effet toujours incertain que gît, pour J. Butler, une nouvelle occasion de signification de ce qui nous a antérieurement nommés. En s’appuyant sur Derrida, Butler indique ainsi qu’il y a toujours la possibilité de séparer un signe de ses usages antérieurs. Elle prend notamment l’exemple du signifiant « queer » (« étrange », en français) qui était utilisé pour stigmatiser les sujets homosexuels et qui est aujourd’hui utilisé, comme porte-drapeau pour se désigner, par les mouvements qui militent pour la reconnaissance des identités sexuelles marginales. Butler théorise cette ambivalence du statut, ce déplacement institutionnel de la signification, qui conteste, d’une certaine manière, les théories performatives trop rigides :

‘« Le nom utilisé pour nous appeler ne nous fige pas purement et simplement. Recevoir un nom injurieux nous porte atteinte et nous humilie. Mais ce nom recèle par ailleurs une autre possibilité : recevoir un nom, c’est aussi recevoir la possibilité d’exister socialement, d’entrer dans la vie temporelle du langage, possibilité qui excède les intentions premières qui animaient l’interpellation. Ainsi, une adresse injurieuse peut sembler figer ou paralyser la personne hélée, mais elle peut aussi produire une réponse inattendue et habilitante »421.’

Nous avons été très intéressé par ce que dit J. Butler sur la réponse inattendue, car c’est sans doute là que résident les solutions thérapeutiques aux urgences psychiatriques pour les sujets, comme Monsieur A., qui ont reçu un nom dont ils ne peuvent plus se défaire et qui les place dans une situation de grande précarité, sans expression possible de la singularité, sans possibilité d’inventer un renouage entre cette singularité et les signifiants du collectif.

Aux urgences, se joue peut-être une répétition et un déplacement de la signification à la fois des énoncés blessants. Monsieur A. répète le signifiant qui semble, pour lui, rendre compte de son identité et le psychiatre, par son intervention, est comme un médiateur qui induit une autre manière d’envisager ce signifiant, une autre manière de le faire signifier. J. Butler enjoint à exploiter cette propriété de toute énonciation d’être dans la répétition – les psychanalystes l’ont bien montré – et dans le déplacement422 :

‘« L’intervalle qui sépare différentes occurrences d’un même énoncé rend non seulement possible la répétition et la resignification de cet énoncé, mais indique de plus comment des mots peuvent, avec le temps, être disjoints de leur pouvoir de blesser et recontextualisés sur des modes plus positifs »423.’

Les recours répétés des patients aux urgences peuvent peut-être s’interpréter alors, selon cette perspective, comme l’attente d’une nouvelle occasion de signification non achevée ou à refaire, par rapport aux recours précédents.

Dans le travail de Butler, il y a encore une autre dimension qui nous intéresse pour continuer à développer notre hypothèse qui consiste à dire que la psychiatrie d’urgence institue une sorte de « laboratoire politique » à l’intérieur de l’hôpital. En réfléchissant aux manières de contrer l’injure et l’assignation discriminante de certains sujets, J. Butler se demande s’il ne reviendrait pas à l’Etat et aux acteurs du droit de censurer les discours injurieux tels que les discours racistes, homophobes, etc. La chercheuse y voit un effet protecteur, certes, mais en même temps contreproductif selon deux aspects. Le premier est que pour condamner juridiquement un discours injurieux, le droit ou la justice sont contraints de le citer, d’en donner les critères, ce qui revient à encore le proférer :

‘« Les projets de règlementation du discours de haine finissent invariablement par le citer longuement, par élaborer de longues listes d’exemples, par codifier ce discours en vue de son contrôle ou par répéter, sur un mode pédagogique, les injures infligées par tel discours »424.’

Le second élément, corrélatif du premier, est que le discours juridique fige l’injure. Il fixe notamment le contexte dans lequel tel propos peut être considéré, s’il est répété, comme une injure. Or, la recontextualisation de l’usage d’un signifiant fait partie, pour Butler, de la possibilité de sa resignification subversive. Autrement dit, la resignification, façon de se décaler de l’assignation, d’y inventer un rapport moins contraignant pour le sujet, est empêchée par la judiciarisation des termes. Par exemple, si le terme « queer », dont nous avons parlé plus haut, avait été interdit par la loi car associé à des représentations discriminantes, comment les sujets qui ont été assignés et assujettis par ce terme auraient-ils pu se l’approprier et le répéter pour le faire resignifier dans un sens favorable ? Ainsi, Butler milite pour un infini de la resignification, pour qu’il y ait toujours une nouvelle réponse à l’injure, des possibilités de faire se déplacer le signifié d’un signifiant insultant, c’est-à-dire d’exploiter les spécificités du langage, hors de l’obsession juridique de le figer :

‘« La manifestation publique de l’injure est aussi une répétition, mais elle n’est pas simplement cela, car ce qui est manifesté n’est jamais exactement la même chose que ce qui est signifié, et c’est dans cette heureuse incommensurabilité que réside la possibilité linguistique du changement »425.’

Le discours juridique répète mais fige, tandis que la réponse, dans l’urgence, répète mais déplace du fait même du caractère de l’énonciation du sujet humain, inattendue, inventive, contrairement à l’énonciation juridique, qui se situe dans l’illusion de l’univocité des signifiants.

Il nous semble que les urgences psychiatriques, à l’hôpital, sont un lieu où est autorisée et s’opère cette « resignification subversive » infinie envisagée par J. Butler. Alors que le pouvoir et les institutions diverses de l’espace public figent des statuts sociaux, des pathologies, etc., les patients viennent aux urgences avec une détresse qui témoigne à la fois d’un impossible de l’assignation (d’une forme d’assignation caduque, qui ne vaut plus pour eux, dans un contexte social changeant) et d’une demande de reformulation, d’invention, de déplacement perpétuels de la signification de ce qui peut assigner, dans le collectif, pour exister à la fois comme sujet psychique et comme sujet de l’appartenance.

Notes
415.

BUTLER, Judith. Le pouvoir des mots. Politique du performatif [1997]. Amsterdam, 2004.

416.

Ibid., p.244.

417.

Ce néologisme, que nous empruntons ici à J. Butler n’est peut-être pas très heureux. La notion qu’elle souhaite ici désigner mérite sans doute d’être appelée autrement. Il nous semble qu’à travers la construction de ce terme, J. Butler a cherché a enserré deux processus qui sont celui de la répétition et celui du déplacement de la signification. Répétition et déplacement sont en effet deux processus psychiques relevés par Lacan comme fondamentaux. Si le sujet répète – du fait de l’insistance de la pulsion – il ne répète jamais de la même manière et opère toujours des déplacements, si infimes soient-ils. Cela tient à l’énonciation qui est par définition imprévisible. Or, la démarche de Butler consiste à envisager les moyens de réponse à la répétition de l’insulte par un usage singulier et subversif – qui déplace, donc – de l’énonciation.

418.

Au fond, énoncer, c’est à chaque fois inventer un rapport à la norme puisqu’il s’agit, en parlant, de s’approprier singulièrement, le code commun de la langue, les contraintes du langage.

419.

Ibid., p.284

420.

En fait, il existe aussi des sujets qui arrivent aux urgences parce qu’on les insulte. Cela entre cependant parfois dans le cas d’une psychose paranoïaque. L’application de la théorie de Butler est alors là plus hasardeuse et nous nous en abstiendrons. Le cas de Monsieur A. que nous observons dans le corps du texte subit à la fois une assignation de la société, par le signifiant, et l’insulte (rejet de la communauté gitane).

421.

Ibid., pp.22-23

422.

La répétition est, pour Lacan, un des « quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ». Le déplacement est décrit par Freud, depuis l’Interprétation des rêves, comme un des procédés majeurs à l’œuvre dans le psychisme.

423.

BUTLER, Judith. Le pouvoir des mots. Politique du performatif [1997]. Amsterdam, 2004, p.41

424.

Ibid., p.72

425.

Ibid., p.164