III. La tragédie aux urgences psychiatriques dans la dramatisation de la rencontre : théâtralisation de la souffrance et dramaturgie de l’urgentiste

Nous avons précédemment tenté de rendre compte des modalités d’articulation, dans la psychiatrie d’urgence, de la médiation singulier/collectif au moyen d’une sémiotisation tripartite, inspirée de la tragédie, de l’espace général du service d’urgence. Nous allons maintenant resserrer un peu la focale et nous concentrer plus précisément sur l’analyse de la rencontre et de la relation entre les psychiatres et leurs patients. Bien sûr, nous avons déjà largement entamé ce travail dans les chapitres précédents, mais nous avions insisté sur les aspects symboliques de cette relation. En filant la métaphore théâtrale, nous cherchons ici à montrer que la relation thérapeutique s’institue d’abord dans l’ordre de l’imaginaire, autant du côté du soignant que de celui du patient. Cela passe par deux moyens que sont, pour les patients, la mise en scène et la théâtralisation de leur souffrance et, pour les soignants, l’usage d’une certaine dramaturgie au service de la clinique. Ce sont donc les questions du jeu théâtral, du masque et des images que nous allons ici aborder. La manière d’être en représentation, pour les patients et les soignants, nous permettra de penser les modalités de la médiation entre l’imaginaire et le symbolique aux urgences psychiatriques. Cela nous permettra d’approfondir la question du statut de la vérité dans la psychiatrie d’urgence puisque, à l’observer sous l’angle de la métaphore théâtrale, elle paraît consister dans l’établissement d’une relation faites de « semblants ».