Dans un mouvement fort peu universitaire, nous avons pensé faire commencer cette thèse par la phrase "Je sais pas pour vous mais moi j’y comprends rien", incipit certes trivial mais qui aurait donné la mesure de notre impuissance totale à saisir le sens des livres de Valère Novarina. L’incipit finalement choisi reste cavalier et désarçonnera ceux qui ne voient dans la thèse de doctorat que la rédaction d’un gros mémoire plombé par les habitudes et par le conformisme. A ceux-là, assurons que nous saurons, dans le cadre d’une sorte de démarche oulipienne, jouer le jeu du jargon technique, surtout lorsqu’il s’impose, et nous plier aux règles du genre, celle du "nous" par exemple, de toutes la plus étrange étant donné le diapason très personnel que nous souhaiterions conférer dès l’entame à ce travail universitaire.
A cette incompréhension de la parole novarinienne, comment donc remédier ? Comment et surtout pourquoi ? A quoi rime cette grossière obsession du chercher à comprendre ? Pourquoi diable ne pas laisser les choses en l’état ? Pourquoi toujours, inlassablement, vouloir chausser les gros sabots du glossateur-commentateur ? Pourquoi ne pas tout simplement saluer la beauté de cette langue, son mystère et se taire ? Enfin, pourquoi entreprendre encore des thèses en ce début de XXIème siècle alors qu’il serait si simple de passer sa vie devant la « machine à dire Voici » ?
Pour tenter d’y répondre en partie (et de façon sans doute trop personnelle), nous dirons que ce sont peut-être là (surtout pour la dernière) questions à ne pas trop se poser si l’on veut ("verbons" un peu comme l’auteur) continuer à « hommer » en s’efforçant donc, tel Sisyphe, de faire rouler le rocher et de remettre encore l’ouvrage sur le métier : « Once more unto the breech, dear friends ! once more ! ». Passé cet absurde emballement shakespearien (cf. Henry V ; Acte III ; scène 1), il nous faudrait préciser notre objectif ; il semblerait en effet que le moyen existe de relativiser quelque peu le sentiment d’incompréhension totale évoqué dès l’incipit (et de façon volontairement provocante et paradoxale) sous la forme (comme on l’aura compris) d’un effet certes facile mais somme toute classique et de bonne guerre où nous aurons tâché de reprendre à notre compte et en les transposant à notre manière les enseignements de l’antique (mais vénérable et toujours opératoire) captatio benevolentiae en essayant, bien maladroitement, de piquer la curiosité et de susciter l’intérêt (l’amusement ?) de l’éventuel lectorat – mais quittons au plus vite cet académisme parodique, cuistro-dilatoire et déplacé pour en revenir au cas qui nous préoccupe ; car enfin : comment parler d’une œuvre que l’on ne comprend pas ? Plus largement : quelle attitude adopter lorsqu’on se retrouve en face de quelque chose, la vie, la mort, l’origine, la parole, le rire, que l’on ne contrôle pas et que l’on est incapable d’expliquer ?
Dans le cas présent, il semble qu’il y ait tout de même des branches auxquelles se raccrocher. En fait, on pourrait presque affirmer (et même avec force) que certains aspects de l’œuvre de Novarina sont tout à fait étudiables, saisissables et donc compréhensibles, ceci dans le sens étymologique de la com(/cum)préhension qui serait donc l’acte de prendre avec soi – voire de faire avec ce qu’on a en considérant la partie visible de l’iceberg. Ces aspects du texte, ce sont les figures de styles qu’il utilise, les options rhétoriques qu’il choisit de prendre, bref toute la dimension strictement formelle de son œuvre. En définitive, nous sommes un peu, devant cette parole comme, des gorilles dans la brume : à nous donc, simiesquement, de nous raccrocher aux branches ; quelles sont ces branches ? La rhétorique… La rhétorique entendue comme l’ensemble des possibilités qui s’offrent à soi pour exprimer quelque chose ou, plus universitairement parlant (et pour citer Roland Barthes), la « science qui code l’émission des messages » ; des branches, en somme : pas autre chose ; des branches sur lesquelles s’asseoir, se reposer, auxquelles on s’en remet, etc., etc. Soit, donc ! Et va pour l’image des branches…
Pourtant, le problème reste entier car ce versant rhétorique : comment l’aborder ? Ici, deux conceptions s’opposent : il y a les ludiques et les cuistres sires ; nous tâcherons donc de ne pas faire partie de la caste deuxième, mais bien plutôt de nous inspirer de l’approche aimablement malicieuse d’un Raymond Queneau qui sut voir et nous faire voir et apprécier le côté comique de la rhétorique ; chez lui c’était peut-être aussi une forme de politesse et d’humilité : c’est que devant la parole (qui pour certains n’est autre que Dieu), on se sent parfois petit, dépassé, ridicule, dérisoire – bref un peu, supposons-le, comme Œdipe face au Sphinx. Il n’est certes pas habituel de se réclamer d’un penseur-poète comme Queneau pour bâtir une thèse mais, redisons notre désir de faire nôtre sa vision enjouée de la rhétorique, ceci pour rendre compte d’une œuvre, celle de Novarina, si hermétique que cela prête souvent et à rire à sourire : la glose, l’exégèse, le commentaire sont-ils même possibles ? C’est à se le demander. Dans un article intitulé « Valère ou voyage dans le cristal »1 et en des termes qui devraient pourtant nous refroidir considérablement, Roxane Martin évoque de façon lumineuse le problème qui nous préoccupe et, pour nous exprimer dans un langage plus familier, met le doigt là où ça fait mal en disant, plus exactement que nous ne saurions le faire, ce que nous pensons du sujet :
‘L’œuvre de Valère Novarina relègue les catégories génériques au magasin des accessoires. Face à une langue désarticulée, une fable inexistante et un refus de la linéarité de l’intrigue, la critique littéraire ne peut que constater l’obsolescence de ses outils d’analyse. En effet, comment, pour la critique, formaliser une écriture qui se veut informelle ? Comment isoler la structure d’une œuvre relevant d’une poétique de la déstructuration ? Toute la difficulté réside là : dans l’inadaptation des méthodes critiques […].’Assumons donc en partie le ridicule d’un classique décorticage critique appliqué à une telle œuvre et, sans prétendre être capable de révolutionner la manière habituelle d’aborder les textes comme Roxane Martin semble le préconiser dans celui qui précède, contentons-nous d’avancer, non forcément masqué, mais avec une forme de sourire (un sourire à la Queneau, peut-être…) et le plus humblement possible – notons au passage que la difficulté de l’entreprise a également été soulignée par Jean-Marie Thomasseau2 : « Les textes de Novarina déjouent le plus souvent les coutumières manœuvres d’approches de la critique ».
Ainsi donc : comment procéder concrètement ? Toutes proportions gardées, l’approche en partie humoristique voire (mais ne l’affirmons pas) ironico-lacanienne (par moments) d’une Hélène Cixous commentant Beckett (et pourquoi pas d’Artaud évoquant Van Gogh ?) nous paraît aussi un excellent modèle et une très bonne posture de départ étant donné le sujet – on dira en temps utiles en quoi Leiris, Derrida et Lucas nous ont également influencés pour parler du mot et le décortiquer afin de voir ce qu’il contient. Dans un même ordre d’idée, l’incipit de la préface (cf. Editions du Seuil) d’Yves Bonnefoy pour La Quête du Graal, « Le maître mot manquera peut-être toujours. », aurait pu, à lui seul, remplacer nos discutables exergues. Cette affirmation, de fait, nous la prenons à notre compte : même si, dans le meilleur des cas, certaines de nos intuitions se révélaient justes, nous ne serions pas vraiment plus avancés.
Assez logiquement, peut-être sera donc un mot-clef. De même, la forme interrogative, le point d’interrogation et des tournures de phrase et des expressions marquant l’incertitude telles que « il semblerait que », ou « on pourrait voir ceci comme » reviendront très souvent fois au cours de cette thèse. Enfin, et sans bien sûr proposer en cela (par un snobisme absurde) une sorte de critique fondamentale et systématique des valeurs européennes, il est certain que nos catégories ne fonctionneront pas toujours pour appréhender tel ou tel aspect du texte et c’est pourquoi nous évoquerons ponctuellement d’autres approches, venues d’ailleurs et relevant par exemple de la pensée taoïste ou autres (vaudou , chamanisme, animisme, Zen, etc.).
De plus, on sait qu’à l’instar des prophètes, dont il semble se sentir proche (il en traduisit un), Novarina se présente comme le passeur/passoire d’une parole qui le dépasse en partie – et ce à tel point qu’il paraît plein de curiosité à l’endroit de ses propres pièces (auxquelles il assiste souvent), visitant sa propre forêt de mots, considérant tels ou tels détails, traquant tel ou tel tropisme : comment dès lors pourrions-nous affirmer quoi que ce soit ? En somme et convenons-en, se dire spécialiste d’une œuvre comme celle de Novarina, s’annoncer, se présenter comme tel est, pesons nos mots, parfaitement ridicule. Mais avoir le fonctionnement d’un spécialiste (ou qui essaie prétentieusement d’en devenir un) de la rhétorique comique chez les auteurs français (et notamment de la fin du XIXème au début du XXIème) qui s’intéresse de très près à la marque que va laisser le rire novarinien dans l’histoire de la littérature le serait déjà légèrement moins – et c’est donc aussi à ce titre que nous osons la thèse. De même, si les noms de Pinget, de Topor, de Tardieu et de Dubillard seront souvent associés à celui de l’auteur, ce sera également pour tenter de replacer ce dernier dans une sorte d’histoire moderne de la littérature comique française – on réalisera peut-être en passant que les quatre auteurs cités n’occupent peut-être pas encore la place qu’ils méritent ; à notre avis, ce sont même, comme Novarina, des pléiadés en puissance et sachant comme lui opérer des rapprochements tout à fait surprenants (haut et bas, rire et philosophie, etc.).
Bien peu modestement et sans bien sûr tenir compte d’un quelconque ordre alphabétique, nous souhaiterions encore que cette thèse ait un fonctionnement de dictionnaire – avec, bien sûr, la part de subjectivité qui préside toujours à l’élaboration de ce type d’ouvrage. En fait – l’idée nous aura traversé l’esprit –, nous aurions pu, par l’opération dite de la suppression-adjonction appliquée au premier terme de notre sous-titre, choisir d’écrire « Unité rhétorique du théâtre novarinien » mais cela aurait impliqué de dédier un peu trop mécaniquement notre étude à celle des invariants de ce que Jean-Pierre Sarrazac (voir ci-après) nomme « un grand texte unique » au lieu que nous voudrions aussi montrer la singularité rhétorique de chacune de ces pièces. Notons enfin qu’un sous-titre comme « Panorama rhétorique du théâtre novarinien » aurait pu, à la rigueur, faire l’objet de notre choix.
Lisant ces lignes, Annie Gay n’irait pas forcément dans notre sens mais sans doute encore plus loin, elle qui affirme dans Une spirale respirée 3 que « [l’œuvre] déborde toutes les limites ou frontières que lui opposent aussi bien l’unité matérielle d’un livre que sa classification intellectuelle dans un genre » ; puis, juste après cette affirmation elle précise sa pensée : « Aucun livre n’est clos. De livre en livre s’ouvre l’espace d’une œuvre perpétuelle que nulle frontière ne vient interrompre car elle est pur mouvement. » Interviewant Jean-Pierre Sarrazac4 , Céline Hersant lancera même l’idée qu’« il y a quelque chose chez Novarina du grand texte originel […] qui embrasserait le monde et les origines, et dont l’étendue serait la scène de théâtre », ce à quoi l’interviewé réagit en développant : « Quelque chose proche de Dante, une "divine comédie", si l’on veut, un grand texte unique ».
Aussi bien, on pourrait considérer que l’organisation de Novarina, son cahier des charges, a quelque chose de proustien en ce que, tout comme l’auteur de La Recherche, notre dramaturge ne fait pas vraiment des livres, mais une œuvre – et même cohérente jusqu’à l’obsession. Bien qu’il semble procéder par virages plus ou moins doux, Novarina peut en effet nous donner – à l’image en cela d’un Jean-Luc Parant (en moins radical toutefois) – l’impression de creuser toujours un peu le même sillon et c’est pourquoi il est difficile et frustrant (et peut-être même illogique) de ne considérer qu’une ou deux œuvres ainsi que c’est la coutume – pour filer encore un peu la métaphore routière et mécanique, disons que s’il y a des virages, ils s’effectuent toujours sur le même circuit.
Bref, procéder comme si cette œuvre ne subissait pas vraiment d’évolution(s) et que toutes les pièces n’en faisaient qu’une serait évidemment une idée relativement séduisante ; mais outre qu’il serait fort peu orthodoxe, académique, ce parti-pris présenterait un autre gros défaut, tout à fait rédhibitoire celui-là… De fait, et même s’il est vrai qu’on ne saurait comme chez Proust parler vraiment d’intrigue, de milieu et encore moins (sauf peut-être pour Falstafe et L’Atelier volant) de psychologie des personnages, le parti-pris en question ferait complètement abstraction de ce qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’auteur est non seulement bel et bien vivant mais en pleine possession de son art (et capable de nous surprendre encore et toujours), et enfin de ce que chacune de ses pièces a, nous semble-t-il, sa spécificité, son cadre (ou son non-cadre), ses couleurs propres et en un mot sa personnalité – est-ce donc un hasard s’il leur donne souvent pour titres des noms de personnages ?
Se pose encore un autre type de problème : sommes-nous vraiment en présence de pièces ? Cette interrogation a priori paradoxale reviendra très souvent dans notre thèse tant il est vrai qu’on pourrait tout aussi bien parler à leur endroit d’essais (cf. Pour Louis de Funès), d’épopées (cf. La Lutte des morts, La Chair de l’homme), de spectacles de cirque (cf. La Scène, dont la création s’effectua sous chapiteau, à Lausanne, le 30 septembre 2003), de pamphlets politiques (cf. Le Babil des classes dangereuses, L’Atelier volant) voire d’opérette (fût-elle imaginaire), de roman noir (cf. Je suis), de roman policier (cf. Vous qui habitez le temps) et même de roman de science-fiction (cf. Le Drame de la vie). Bien sûr, nous dirons en temps utiles ce qui nous fait effectuer ces rapprochements et on constatera alors que la mention de tel ou tel genre littéraire peut en effet n’être pas trop absurde pour qualifier telle ou telle œuvre –à moins que l’auteur, n’ait tout bonnement inventé un genre, encore innommé (l’oserons-nous ?) et qui serait donc à la croisée des chemins entre théâtre, roman, essai, cirque, poésie, etc.
Pour l’instant, convenons que les œuvres mises en avant le seront en fonction de l’aspect formel étudié : La Lutte des morts pour l’illisibilité et le rapport à l’étymologie, Le Babil des classes dangereuses pour l’invention verbale et l’expression d’une anarchie relative passant par le langage, L’Atelier volant pour l’attaque en règle contre un monde déshumanisé où seuls importent profit et rentabilité (et l’expression d’un certain pessimisme social), Falstafe (voire L’Acte inconnu) pour le tribut payé à Shakespeare, Le Drame de la vie pour la violence et la sauvagerie des personnages (mais aussi pour la rhétorique sportive et les éventuelles correspondances lexicales avec le cirque et l’univers de la science-fiction), Pour Louis de Funès et Demeure fragile pour l’association troublante entre rire et sacré, Je suis et Vous qui habitez le temps pour la noirceur parfois terrible du propos, La Chair de l’homme pour le thème de la « mangerie », Le Jardin de reconnaissance pour le rapport au sacré de cet artiste d’art brut qui traduisit (cf. Amos) une partie de la Bible, Le Discours aux animaux pour sa façon inquiète et plaintive d’évoquer une forme d’enfance concernant « L’Animal du temps », L’Opérette imaginaire pour l’importance qu’il accorde à la musique, à la chanson et à la culture populaire (argot, airs d’opérette, théâtre de boulevard et filiation possible avec Offenbach), enfin La Scène et L’Origine rouge pour la critique acerbe et drôle de la télévision et de l’info-spectacle.
En somme, pour étudier tel ou tel aspect rhétorique, nous partirons toujours plus ou moins d’une pièce précise mais cela ne signifie nullement que nous nous interdirons de faire allusion à d’autres œuvres, fussent-elles théoriques. Hormis L’Inquiétude, qui fera l’objet d’un traitement particulier, nous mettrons volontairement un peu de côté ce que l’auteur nomme « versions pour la scène » et « adaptations pour la scène » (Le Repas, L’Equilibre de la croix, etc.) mais nous les évoquerons tout de même de temps en temps dans la mesure où le travail de réduction, de resserrement, de découpage et certaines dispositions nouvelles nous rendront plus sensibles à d’autres détails formels, aspects rhétoriques et dimensions du texte.
Imperceptiblement, on remarquera aussi des sortes de regroupements : Le Drame la vie, La Lutte des morts et La Chair de l’homme (voire L’Acte inconnu) pour la veine épique de l’auteur ; Pour Louis de Funès et Demeure fragile pour évoquer la sainteté du clown ; Le Babil des classes dangereuses et L’Atelier volant pour la critique sociale ; Je suis et Vous qui habitez le temps pour l’analogie avec le roman noir ; L’Opérette imaginaire et L’Origine rouge pour les chansons et la plainte comique qui s’y exprime souvent. On pourrait presque parler ici de pièces-sœurs : cela pourra avoir un lien avec le moment où elles furent écrites, mais pas forcément ; ainsi, la veine parodique de l’auteur se retrouve en particulier dans L’Origine rouge (cf. télévision) et L’Atelier volant (cf. monde du travail) – et parler de pièces-sœurs, de ce point de vue, ne serait pas complètement dénué de sens. Dans la mesure du possible, nous nous efforcerons d’étudier l’évolution de l’œuvre en partant des pièces du début pour aller vers les plus récentes : on constatera à cette occasion que Novarina est fidèle à ses figures, la plupart des procédés qu’il utilise (liste, oxymore, mot-valise, glissements métonymiques, suppression-adjonction, périphrase) étant réutilisés d’une pièce à l’autre.
Plus pragmatiquement, les références (qui pourraient, pour certains ouvrages, concerner Gallimard, Christian Bourgeois, L’Energumène et Actes Sud) renverront toutes aux éditions P.O.L, comme en témoigne notre bibliographie finale – une bibliographie où, dans la partie « Autres ouvrages utilisés », on sera peut-être choqué de voir se côtoyer Homère, Cami, Hésiode, Verheggen, Dante, Trenet, Artaud et Dubillard : il faudra juste y voir le signe d’un désir assumé d’éclectisme (un “spécialisme” obtus étant parfois critiquable) mais surtout la preuve de la très grande richesse rhétorique de l’œuvre de Novarina (qu’on pourra donc comparer à des humoristes faussement mineurs comme à des grands piliers de la littérature mondiale). Par ailleurs, comme indiqué dans la table des abréviations, nous aurons parfois recours pour les évoquer (et ceci afin d’éviter une certaine lourdeur) aux initiales des pièces en question (D.V. pour Le Drame de la vie, D.A. pour Le Discours aux animaux, A.V. pour L’Atelier volant , C.H. pour La Chair de l’homme, B.C.D. pour Le Babil des classes dangereuses, etc.).
Ponctuellement, nous évoquerons aussi le versant pictural de l’œuvre et proposerons à chaque fois que nous parlerons d’une peinture une sorte de critique artiste car, outre notre piètre connaissance des techniques utilisées, il semble que ce soit le seul moyen pour nous d’aborder ce rivage. Dans les commentaires subjectifs qui seront alors proposés, et quitte à paraître un peu prétentieux en nous réclamant du Pape du Surréalisme, notre approche pourra également, dans le principe bien sûr (celui dans d’un lâcher-prise tout relatif et d’un délire très contrôlé, bref d’une certaine confiance accordée aux facultés imaginatives), s’inspirer des textes d’un Breton commentant Miró dans Signe ascendant ; là encore, à travers cet exercice, il s’agira pour nous de lancer un débat en disant notre façon de voir, mais sans prétendre imposer nos vues.
Quant aux interviews de l’auteur, elles nous semblent faire partie intégrante de son œuvre et nous serviront beaucoup : c’est que Novarina semble à chaque fois y faire une sorte de point sur son travail et qu’elles présentent par ailleurs d’évidentes qualités littéraires. Il est encore à noter que nous n’avons pas choisi d’intituler ceci "Etude dramatique du théâtre novarinien", la dramaturgie proprement dite peut en effet être considérée comme une sorte de rhétorique spécifique, appliquée aux seules planches. Certes, la dimension strictement théâtrale sera abordée par nous mais pour des raisons techniques, elle ne le sera que relativement ; c’est que pour espérer produire une étude dramaturgique vraiment digne de ce nom, il serait absolument indispensable, impératif, non seulement d’avoir vu en direct (et même plusieurs fois) toutes les pièces de l’auteur (et ce sans exception), mais également d’avoir eu l’occasion de discuter très longuement avec acteurs et auteur (mais aussi costumier, compositeur, éclairagiste) et d’assister à un maximum de répétitions, ces coulisses de l’exploit...
Bref, dans le titre finalement choisi, l’idée d’étude rhétorique s’appliquant peut-être plus naturellement à la notion de texte écrit convenait sans doute mieux que l’option consistant dans une étude de type purement dramaturgique – voire, mais pour d’autres raisons (nous reviendrons sur cette question), dans une étude esthétique. Par ailleurs, outre un désir légitime et relevant de la plus élémentaire lucidité (sagesse voire) de nous limiter quelque peu au niveau des objectifs à atteindre, cette thèse voudrait aussi se présenter comme une défense et illustration du texte théâtral proprement dit, du théâtre lu seul ; cet exercice solitaire, qui rejoint un peu l’écoute des dramatiques radiophoniques chères à Lucien Attoun (voire les enregistrements d’André Marcon) peut en effet s’apparenter, comme le savent les connaisseurs, à une expérience de lecteur d’une intensité fantastique – surtout lorsqu’il s’agit de lire du Novarina !
Quoi qu’il en soit de cette option de travail concernant le théâtre sur page(s), nous savons qu’un autre reproche, celui de ne pas nous être suffisamment limité au niveau du nombre des pièces choisies, pourrait nous être fait. Avec raison ? Quitte à paraître insolent, nous voudrions prouver que cela n’est pas si sûr étant donné l’opacité extrême de l’œuvre si particulière qui nous préoccupe. Ainsi, avouons que cela nous sécurise grandement de savoir qu’à tout moment, la possibilité existera pour nous de bénéficier de plusieurs points d’appui, et (pour reprendre une métaphore qui nous paraît décidément parlante) de nous raccrocher à plusieurs branches à la fois. De l’avis de nombre de critiques et de lecteurs attentifs, cette œuvre, redisons-le sans pathos, n’est peut-être pas tout à fait comme les autres et il est donc assez logique de s’organiser en conséquence pour essayer de parler d’elle sans avoir l’air trop ridicule.
A notre avis donc, cela pourrait passer, comme en un dictionnaire, par une multitude d’entrées, d’approches et de regards. En somme, notre étude se voudrait panoramique, panoptique et peut-être même un peu cubiste en ce que se proposant de montrer en une fois une totalité, à savoir toutes ces pièces, mais d’un seul point de vue : celui de la rhétorique. Ce qu’il faut également comprendre, c’est qu’il est décidément trop frustrant, lorsque nous étudions tel aspect rhétorique en partant de telle pièce, de nous contenter de cette dernière tout en sachant que dans une autre, cet aspect se retrouve, mais traité, retravaillé un peu différemment, l’auteur proposant tout à coup (et peut-être parfois à son insu) une variante intéressante, et nous montrant la figure en question sous un jour nouveau, colorée de façon insolite.
En somme, ce sera plutôt l’intérêt pour la rhétorique qui nous guidera et non le respect d’une convention vide de sens qui consisterait, pour chaque sous-partie, à partir d’une seule et même pièce et de ne parler que d’elle – ce qui, pour tout dire, relèverait, nous semble-t-il, d’une approche complètement absurde voire maniaque, scolaire et psycho-rigide. Conséquence logique : il pourra donc arriver que nous passions, comme allègrement, d’une pièce à l’autre et presque sans prévenir. On pourra alors nous accuser de procéder paniquement (dans l’acception arrabalienne de ce terme) et de verser dans une sorte de coq à l’âne fort peu scientifique : tel ne sera pas vraiment le cas, car nous y voyons plutôt le moyen de montrer la très grande unité rhétorique, évoquée tout à l’heure, de l’œuvre tout entière (un « grand texte unique », prétend Jean-Pierre Sarrazac) – unité dont l’analyse, redisons-le, pourrait fort bien faire l’objet d’une autre thèse (voire d’un essai) où l’informatique pourrait jouer son rôle.
Pour résumer, nous avons conscience que notre sujet est plus que très vaste et que cela concerne d’ailleurs également le mot "rhétorique" qui peut, de fait, s’appliquer à un grand nombre de notions qui seront toutes, peu ou prou, évoquées à un moment ou à un autre à l’intérieur de cette thèse : figures et procédés bien sûr mais aussi, pêle-mêle, dispositifs, arsenal rhétorique, code, cadre, corpus, émission/réception, horizon d’attente, vocabulaire, champs lexicaux, mélange des genres, registre de langue, ton, style, mythologie, philologie, étymologie, etc., etc. Ici des usuels comme le Gradus et la Rhétorique générale du Groupe µ se révèleront fort utiles et nous nous y réfèrerons souvent.
D’excellentes études critiques ayant été consacrées à certains aspects de l’œuvre, nous y renverrons volontiers, que ce soit (par exemple) celle(s) de Marion Chénetier (sur le Tour de France ou l’importance du jet) ou qu’il s’agisse de Jean-Marie Pradier (pour ses rapprochements pertinents entre Asie et Novarinie) ou encore des visions tout à fait originales d’un Claude Merlin, de l’approche (de l’intérieur) d’autres acteurs comme André Marcon (parlant de rythme) ou de Léopold von Verschuer (se posant la question de la traduction), des développements d’Allen S. Weiss et du parallèle qu’il établit avec la fatrasie médiévale, du travail de fond accompli par Christine Ramat sur le rire et le sacré, etc., etc.
De notre côté, dans la mesure du possible et étant donnée notre connaissance actuelle de la glose concernant l’auteur, nous tacherons d’aller sur des pistes dont nous croyons savoir qu’elles ont été relativement peu fréquentées jusqu’à présent (cf. récurrence du crâne et de la corde, possibles correspondances rhétoriques avec le roman noir et la science fiction, les concepts d’autrui le corps et de saugrenu grandiose, rapport offenbachien à la mythologie gréco-romaine, rôle de la suppression-adjonction vue comme un des pivots de l’œuvre, présence parfois cryptée d’Hamlet et de son spectre de père, de Pinocchio et de la figure christique, parenté avec Lewis Carroll, Charles Perrault, Lovecraft, Cami, Tchouang Tseu, etc.). De même, pour expliciter notre pensée, nous aurons de temps en temps recours à des symboles et à des métaphores auxquels l’auteur n’a pas forcément pensé (ne citons que le miracle, le blues, la corbeille de loto, la cancritude et l’ovnité) et qui, comme des tuteurs, nous aideront à avancer dans notre réflexion personnelle.
Enfin, il arrivera que notre étude rhétorique puisse parfois être qualifiée de thématique ; à cela, rien d’étonnant, surtout si l’on veut bien considérer la distinction assez nette que nous souhaiterions opérer ici ; il nous semble en effet qu’une rhétorique est toujours plus ou moins liée à une tradition, à des représentations spécifiques, à une construction particulière voire à des structure mentales tandis qu’un thème existe dans la nature, au moins a priori. Ainsi donc, pour la plupart des aspects formels que nous étudierons, nous nous permettrons de proposer (cela nous paraissant logique) un panorama plus ou moins rapide (un survol, un exposé) concernant l’utilisation habituelle de la figure (ou du dispositif) en question, et donc aussi le traitement traditionnel de tel ou tel thème en particulier, ceci afin de dire assez succinctement dans quelle filiation littéraire (voire théologique ou artistique) s’inscrit l’auteur et en quoi consiste son apport personnel et la rupture éventuelle avec telle ou telle tradition déjà établie (ou bien reconduction relative de cette dernière). A dire vrai, nous serions fort choqués que l’on nous fasse le procès du hors sujet en ce qui concerne l’initiative de ce court historique, l’enjeu de cette thèse étant justement, entre autres, de montrer en quoi consiste la nouveauté de la rhétorique novarinienne dans l’histoire de la littérature (apports radicaux, subtiles variations, reconductions d’anciennes traditions, rapport presque classique au sacré, pataphysique prise au sérieux du rire et de l’imaginaire, sainteté du clown, pantinité, saugrenu grandiose, etc.).
Sans verser dans une subjectivité débridée (ce qui serait l’écueil possible d’une thèse axée sur une notion aussi difficile à définir que la beauté, formelle ou pas), notre étude se voudra aussi un peu de type esthétique. S’agissant ce que l’on nomme S.F. par exemple, l’enjeu ne sera bien sûr pas de dire en quoi le dramaturge se serait plus ou moins inspiré de ce genre populaire mais bel et bien de constater que sur le plan de la rhétorique, de l’esthétique et de l’imagerie, il y a d’évidents rapprochements à faire… Cette démarche comparatiste, pourra aussi concerner Je suis, pièce qui du fait qu’elle s’apparente en partie à la descente aux enfers d’un homme seul dans la ville, ressemble rhétoriquement et esthétiquement à un véritable roman noir, ceci dans l’acception très moderne de ce terme (par la terrible noirceur qui est à l’œuvre, on n’est pas si loin de David Goodis, de Jim Thomson ou d’André Héléna) ; pour Vous qui habitez le temps, c’est plutôt à un roman policier que nous avons affaire, un roman à la Chandler avec enquête métaphysique par rapport à quelque chose qui a été perdu. En fait – et peut-être un peu à l’image de l’auteur lui-même (cf. cirque, opérette, art de la marionnette) –, nous sommes convaincus que les genres et arts qu’on dit mineurs ont beaucoup à nous apporter en terme d’éclairages rhétoriques.
Dans un même ordre d’idée, si nous nous permettrons de convoquer de temps en temps le huitième art, ce ne sera pas du tout dans un but iconoclaste mais afin de montrer que la fantaisie à l’œuvre dans des pièces comme L’Origine rouge et L’Opérette imaginaire rejoint tout naturellement le travail de certains créateurs contemporains ayant peut-être un petit peu plus que du simple talent pour produire à la chaîne des petits Mickeys : tel Perec (grand admirateur de Gotlib) mais aussi Queneau (évoquant dans Chêne et chien les Pieds Nickelés de Forton), Michel Serres (tintinophile très averti) ou Umberto Eco préfaçant des albums de Snoopy, affirmons en effet que la bande dessinée n’est certainement pas une vague paralittérature à traiter par le mépris mais un art à part entière ayant acquis ses lettres de noblesse. Bref, si l’initiative (relevant encore une fois d’une approche comparatiste) qui consiste à établir des correspondances entre la dramaturgie novarinienne et cette nouvelle forme d’expression sera sans doute peu goûtée par certains, nous l’assumerons néanmoins tout à fait car il s’agira essentiellement pour nous de montrer ou pour mieux dire d’illustrer par ce biais le type de registre, souvent drôle, grotesque, saugrenu, incongru (voire étrange et parfois légèrement inquiétant) dans lequel Novarina se situe rhétoriquement.
C’est aussi en cela, comme il faudra nous employer à le démontrer, que consiste la nouveauté et la diversité de la proposition rhétorique novarinienne : si, au cours de cette thèse, il nous arrivera de comparer Novarina (tout en tâchant d’expliquer pourquoi) à Dante, à Rabelais ou à Shakespeare, nous considérons que l’auteur est également très proche d’auteurs dits de boulevard comme Labiche et Feydeau, de certains artistes populaires contemporains (Raymond Devos par exemple), d’un dessinateur-humoriste comme Roland Topor ou de certaines figures, déjà quasiment légendaires, de la bande-dessinée moderne. Signalons même pour finir que d’autres formes d’expression, musicales et/ou cinématographiques, pourront aussi être convoqués à l’occasion à travers les noms de Tex Avery, d’Alain Bashung, d’Hermeto Pascoal, de Jean-Luc Godard ou de Jimi Hendrix, exemples parmi d’autres.
Enfin, là où l’on croira que perce un peu trop notre admiration pour le maître, on se trompera peut-être parfois – au moins dans une certaine mesure. Il s’agira surtout de mettre en lumière et à l’honneur la dimension comique de cette œuvre mais aussi d’essayer de faire admettre aux sceptiques (aux « doutifs » eût dit Céline) une approche complètement neuve voire révolutionnaire, de l’art d’écrire. C’est que travailler sur une œuvre aussi novatrice au lieu de se rabattre sur un sujet rebattu et surtout travailler sur un auteur vivant ne va pas forcément de soi – et pourtant, comme on le constatera à de nombreuses reprises, nos multiples allusions à la tradition littéraire classique confèreront à cette dernière une place centrale à l’intérieur de notre travail. Bref, si nous essaierons le plus possible d’éviter la lourdeur, c’est donc néanmoins avec une certaine insistance (et la volonté affirmée de bien mettre en évidence la fantastique richesse rhétorique et les extraordinaires qualités du texte) que nous décrirons, comme armé (car il s’agit là d’un véritable combat) d’une énorme loupe (voire d’un microscope hyper-grossissant), les prouesses langagières de ce Rabelais moderne.
On aura, dans le principe, compris notre intention à travers la plupart des paragraphes précédents : essayer de désamorcer d’emblée toutes les critiques qu’on pourrait nous adresser (quant à certaines options prises, à notre goût personnel pour un comparatisme tout azimut à la Edgar Morin et pour tous ces genres que l’on dit mineurs), certes non sans raison universitairement parlant. Quoi qu’il en soit et jusqu’au bout, nous assumerons le choix difficile et peut-être discutable d’une étude se voulant panoramique – mais qu’on veuille bien considérer que c’est aussi une sorte d’instinct de chercheur qui nous pousse confusément à procéder de la sorte, de manière en somme un peu organique, en faisant confiance à nos intuitions, à notre relative sensibilité littéraire, etc.
Quant au cahier des charges de cette thèse, nous redirons (même si c’est sans doute mettre la barre trop haut) notre désir de faire en sorte que le recul parfois malicieux mais jamais cynique d’un Raymond Queneau, son détachement relatif et la finesse de son humour, fasse un peu partie de notre arsenal rhétorique personnel. Enfin, il ne faudra pas trop nous en vouloir si par moments le sujet dévie quelque peu : ce sera dû au sympathique enthousiasme qui nous anime. De même, il y aura des moments où nous arriverons peut-être à entrer dans la logique novarinienne, ce qui aura pour effet de nous faire proposer des développements fort peu académiques (surtout dans les parties consacrées à la nourriture, au temps, au « viandat » et au doute radical) : c’est là un problème que doivent sans doute rencontrer les étudiants planchant sur Jarry, Dali, Artaud et Benjamin Peret, bref tous ces auteurs qui sont allés très loin dans leur recherche (cf. pataphysique, paranoïa-critique, corps sans organes, etc.).
Cependant, nous essaierons tout de même de faire preuve de bon sens et d’être posé, rationnel, mission difficile sans doute car le novarinien est comme un animal sauvage, un félin insaisissable et nous aurions pu, il est vrai, choisir pour éventuel trophée de chasse universitaire une proie littéraire plus facile – mais, comme il est dit dans Falstafe : « Ah que le cœur bat mieux à provoquer le lion qu’à pourchasser le lièvre » (p. 541). Ainsi donc, nous relevons la gageure, même si, comme on l’a dit, il sera très difficile d’appliquer les grilles de lecture habituelles, la question étant en fait la suivante : face à la parole novarinienne, pourrons-nous vraiment garder notre sérieux jusqu’au bout ? La réponse est non, car ce serait un contresens. En effet, et bien que cet aspect de son travail ne soit pas toujours suffisamment souligné, l’auteur étudié s’apparente à notre avis à une sorte de clown métaphysique et même, comme on essaiera de le démontrer, à un véritable potache (dans la lignée d’Alfred Jarry) ; suggestion de canular comico-morbide lié à l’idée de corde, ready-made partiellement ludiques à partir de patronymes connus, tartes à la crème symboliques lancées à la face de certaines institutions : voilà quelques aspects significatifs du potachisme (souvent froid, à froid, voire swiftien et pince-sans rire) de Valère Novarina.
Néanmoins, notre évocation parfois amusée n’empêchera peut-être pas l’université de valider cette thèse car si nous nous permettrons (surtout dans une ultime sous-partie intitulée "Grandiose et saugrenu") de faire part, tout en tentant d’en analyser les causes, du rire qui nous saisit souvent devant l’incongruité de la parole novarinienne, ce sera surtout pour mettre l’accent sur la dimension fondamentalement comique d’une œuvre qu’on ne saurait cependant réduire à cet aspect séduisant des choses – car elle est aussi faite, cette œuvre, d’inquiétude, d’angoisse, de peur, de bruit et de fureur. Une thèse sur le comique novarinien (cf. "Le comique chez Novarina") eût certes été possible, envisageable mais, décidément, c’eût été réducteur. Concrètement, face à ce type de pièces, on peut d’ailleurs ne pas rire du tout mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas sensible au comique (à l’humour noir, au saugrenu voire à la potacherie) ; si on ne rit pas, c’est parce qu’on est sensible à tout ce qui se passe en même temps que le comique : malaise diffus, obscurité d’une langue quasiment incompréhensible, violence de certains effets, cruauté apparente de certaines situations, monstruosité des personnages, non-communication entre eux, etc.
Précisons encore plus cavalièrement et sans aucune volonté de critique véritable que l’impression de flou artistique (propos généraux, subjectivité plus ou moins débridée, développements parfaitement improuvables, absence de références précises, etc.) que peut donner la lecture, au demeurant passionnante (ce sont même souvent les plus intéressants et les plus originaux), de certains articles à l’auteur consacrés ne caractérisera pas vraiment notre étude universitaire dans laquelle nous tacherons au contraire, insistons-y, de nous munir d’une loupe et de coller au texte le plus possible. Grande toutefois sera la tentation d’extrapoler (voire d’extravaguer) de temps en temps et nous y succomberons donc peut-être à notre tour, c’est à dire comme n’importe quel autre lecteur sommé, comme dirait l’auteur, de chanter sa chanson et de produire du sens en se raccrochant aux branches. Cette tentation, concernera notamment des parties comme "Les miracles de la suppression-adjonction", "Quid du vide ?" voire (in fine) "Un bluesman métaphysique" et surtout "La réversibilité", partie où nous prendrons des risques en nous prononçant sur ce qui a bien pu présider à l’écriture d’une pièce comme Je suis (le désir que se dénoue une corde, semble-t-il). Un peu dans un même ordre d’idée, certaines sous-parties (sur le vide, l’art brut ou la forêt) paraîtront peut-être plus théoriques que rhétoriques ; c’est qu’il s’y agira justement, entre autres, de s’interroger, théoriquement donc, sur les raisons du choix de tel ou tel type de rhétorique utilisée, sur les soubassements de l’œuvre, ses tenants et ses aboutissants.
Cela étant dit, pour organiser et surtout réussir un safari rhétorique de cette espèce – ceci pour continuer à filer la métaphore de la chasse –, il nous faudrait préciser à présent les différentes pistes qui s’offrent à nous, procéder avec prudence et méthode et dire enfin en quoi consistent les grandes lignes du plan pour lequel nous avons opté après mille tâtonnements…
Tout d’abord, il convient d’être pragmatique et de savoir raison garder car même si sont objectivement possibles (comme en témoignera la fin de notre deuxième partie) des correspondances avec l’univers de la science-fiction, on ne saurait ici parler de tabula rasa ni faire de cette œuvre un ovni absolu dans l’histoire de la littérature : ce serait considérer Novarina comme un auteur anormalement à part dont il faudrait ranger les livres dans une bibliothèque spéciale et prévue à cet effet, un peu à l’image de la niche murale que Doisnel décore pour adorer Balzac. Au fond, s’il a peut-être plus de souffle que des auteurs tels que Tardieu et Dubillard (voire Cami et Raymond Devos), Novarina est-il vraiment plus innovant ? Et est-ce la question ? Certaines figures de style semblent même utilisées par lui de manière tout à fait classique. Ainsi, le proverbe transformé (songeons à Céline et à Queneau) est presque un passage obligé pour un dynamiteur de langue de son niveau et c’est donc tout naturellement qu’il s’y essaiera, ceci dans le sillage de ses illustres aînés. Ces figures imposées, il nous faudra les étudier sans chercher midi à quatorze heures (comme dit l’expression) et nous nous y attacherons donc dans une première partie tout en tâchant (projet fou) de montrer l’unité rhétorique de l’œuvre tout entière, ce dernier travail concernant aussi les deux autres parties.
En résumant très grossièrement, nous proposerons donc le plan suivant :
Tâchons à présent de détailler le plan en question… Notre première partie se proposera donc de recenser systématiquement les figures de style les plus récurrentes (proverbe retravaillé mais aussi mot-valise, apocope, allitérations, périphrases, zeugmes, tautologies, expressions argotiques, expressions mélangées pour n’en faire qu’une, paradoxes, oxymores, etc.) tout en insistant, point plus qu’important, sur le caractère musical de l’isolecte novarinien (on pourra même à l’occasion évoquer le concept, travaillé par Roland Barthes, d’idiorythmie voire la musique jazz et le swing) : il s’agira de repérer certains mécanismes, certains invariants et de dire par où et comment passe la parole, par quels tuyaux (pour user d’un vocable cher à l’auteur).
Bref, nous tenterons de décrire de la façon la plus nuancée possible (et en disant en quoi consistent les éventuels écarts et autres variantes et variations) l’arsenal rhétorique novarinien et d’illustrer l’idée que notre dramaturge-démiurge s’inscrit en fait dans une certaine tradition française d’invention verbale et de musicalité qu’on peut faire remonter à François Rabelais et à Clément Marot : s’il y a rupture, il y a aussi subtile reconduction de traditions parfois très anciennes (farce, mystère, conte, comptine, oraison, charade, fatrasie, sextine, blason, épigramme, etc.), ce qui n’empêche pas Novarina d’être au coeur de la modernité. Proche de Christian Prigent et de Jean-Pierre Verheggen (avec lesquels il travailla dans le cadre de la revue T.X.T.), il annonce et accompagne à sa façon des mouvements de fond comme le grand retour de l’oralité en poésie (slam, performance, poésie sonore, propositions d’Olivier Cadiot, de Chloé Delhaume, de Jean-Luc Parant, de Pierre Guyotat,etc.). L’importance qu’il accorde au souffle et au rythme le rend très proche de Claudel et de Céline mais sa « logodynamique » (cette « mise en mouvement du langage » dont il est l’inventeur) nous entraîne ailleurs. Elève de Dubuffet, il ressemble à Jarry par son humour dévastateur (qui fait de lui une sorte de potache pataphysique) et la fantaisie débridée de l’univers qu’il crée pourrait encore l’apparenter à Lewis Carroll. Nonobstant, par delà correspondances et filiations, l’enjeu de cette étude est aussi de replacer l’œuvre dans l’histoire de la littérature et il semblerait que la proposition novarinienne brille décidément d’un éclat singulier. Traversé par la parole comme un poète inspiré (presque "romantique" d’un certain point de vue) mais procédant avec rigueur sans pour autant se réclamer de l’Oulipo, Novarina délimite un terrain fait d’obsessions et de thèmes forts (origine, mort, Dieu, etc.). Cela dit, il y a parfois des sortes de contraintes, mais malgré tout, ce ne sont pas tout à fait des contraintes (ce sont plutôt des pistes, des niveaux, des bifurcations) : tout est beaucoup plus organique, l’auteur procédant parfois comme Artaud ou comme un artiste d’art brut – à sa façon, c’est un « fou littéraire » (et nous dirons en quoi).
Dans cette partie peut-être plus "rhétorique" que les deux autres, nous essaierons surtout – d’autant plus qu’il nous semble que la question est finalement assez peu abordée (au moins dans les études critiques que nous avons lues jusqu’à présent) – de montrer que s’il est, semble-t-il, capable de faire passer la parole (à la façon d’un tuyau, pratiquant le vide, etc.), Novarina fait aussi (surtout ?) passer le français, cette « Seule à cédille » (comme il semble l’appeler), cette langue qu’il aime tant mais qu’il malmène très souvent (ceci dans un rapport passionné, possiblement fait d’amour et de haine), qu’il “lave-salit” volontiers (un verbe composé qu’il pourrait presque avoir inventé) et avec laquelle il donne parfois l’impression de se confronter violemment comme en un combat à mains nues, une féroce lutte à mort (le vainqueur étant au final une Parole retrouvée, stimulante, tonique et rabelaisienne). En somme, nous tacherons donc de dire dans quelle mesure il y a passage (ou pas) du français – travail qui sera reconduit peu ou prou dans tout le reste de notre thèse.
Dans la deuxième partie (manche du match ?), nous essaierons de montrer en quoi certaines figures novariniennes présentent une véritable originalité et nous traquerons aussi, ce qui sera plus difficile (car ils sont moins facilement repérables), ce que l’on pourrait appeler les dispositifs inventés par l’auteur. Ces dispositifs, nous les mettrons notamment, dans un souci de perspective(s), en relation avec les arts du cirque, la magie, le music hall, la fête foraine et le sport – voire (mais cela s’effectuera plutôt au niveau de notre troisième partie) avec le théâtre japonais et le spectacle de marionnettes.
Dans cette deuxième partie, qui sera en quelque sorte placée sous le patronage de "Saint François Rabelais" (et de Bakhtine), la rhétorique carnavalesque (rapport au masque, esthétique du défilé, gigantisme des figures, monstruosité comique, effets de disproportion, mise du haut en bas, etc.) sera omniprésente et la nourriture, un thème cher au père de Gargantua, abordée essentiellement au niveau des relations qu’elle entretient avec le langage – idem pour la sexualité. Nous émettrons aussi l’idée que le seul vrai personnage des pièces de Novarina est au fond la parole elle-même. Plus concrètement, nous essaierons de dire en quoi consiste cette rhétorique si particulière où il semble s’agir pour l’auteur de mettre en scène la langue et les mots, la passion performative allant ici si loin qu’une manducation paraît possible, un peu comme dans la liturgie chrétienne où parole et pain sont termes synonymes. Toucher l’intouchable, voir l’invisible et s’opposer à Wittgenstein affirmant « Ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire » dans son Tractatus : en cela consiste le projet novarinien. C’est donc une rhétorique très difficile à analyser qui se met en place ; dans ce théâtre étrange où désir et faim vont très souvent de pair, où l’on se méfie un peu des mots de la cité, où l’on se moque volontiers des slogans et des discours creux, un retour salutaire à la parole est en effet préconisé ; mise en lumière, cette parole est celle, originelle et fondatrice, qui transperce (non sans violence) le corps de l’acteur – sur scène se rejoue le miracle de la parole : Adam se redresse et se met à parler, saisi par en dessous par le « ut » initial et s’étonnant de tout ce qu’il voit et de tout ce qu’il dit…
D’une façon plus générale, et même si elle rappelle donc par certains côtés l’écriture d’un Rabelais (néologie foisonnante, énumérations torrentielles, humour lié au corps, rire énorme, comique farcesque, omniprésence de la mort et de l’entropie, souffle épique et drôle, approche carnavalesque dans l’acception que Bakhtine donne à ce terme, etc.) voire du dernier Joyce ou de Guyotat (ou même du Céline de Guignol’s Band et de Féerie pour une autre fois), nous tâcherons de prouver que, par son caractère chaotique et la radicalité de son hermétisme, la rhétorique novarinienne constitue une rupture de fond dans l’histoire de la littérature, d’où le titre certes un peu iconoclaste (mais à l’image en cela de l’œuvre étudiée) de notre ultime sous-partie qui, sous des dehors fantaisistes, se veut tout aussi universitaire que les précédentes : cette prose insolite et déroutante s’apparente de fait à un véritable ovni et c’est une métaphore à prendre au sérieux tant il est vrai qu’existent objectivement des similitudes entre le « Urlumonde » et une certaine science-fiction (machines bizarres, inventions farfelues, inquiétantes prophéties, figures monstrueuses relevant de l’extraterrestre, effets de dépaysement absolu, etc.).
Dans la troisième et dernière grande partie, nous nous pencherons plus attentivement sur la formidable puissance comique du texte (parodies de discours, absurdités, critique sociale, etc.), la critique des médias et des institutions, l’évidente filiation avec Shakespeare (voire Ovide et Offenbach), la manière insolente de revisiter l’histoire de la philosophie, le rapport à l’être et au non-être et les innombrables emprunts au corpus biblique (à commencer par la Genèse) et les variations qui seront proposées : crucifixion comique, prières détournées, etc. On verra que si le rire est là, le côté parodique n’est souvent qu’une apparence (ici, nous irons dans le sens de Christine Ramat qui a étudié ces questions). Quant à la notion, inspirée d’une réflexion de Jean Dubuffet – « Sans saugrenu ou est le grandiose ? »5 –, de grandiose du saugrenu, elle nous semble pouvoir s’appliquer à certaines figures (de style ou de cirque ?) utilisées par l’auteur (cf. « autrui le corps », jeux avec le crâne, etc.) : grandiose et saugrenu, rire et sacré, horreur et humour : nous tâcherons de montrer que, chez Novarina, il n’existe pas vraiment de catégories antagonistes, incompatibles – mais que c’était peut-être le cas avant, l’auteur se contentant presque, à travers son œuvre, de nous faire constater cette porosité.
A partir de conceptions non forcément européennes (taoïsme, etc.) et en évoquant surtout l’audacieux rapprochement opéré entre kénôse et de « pantinité » (forme relativement nouvelle de théologie négative), nous essaierons également de définir le statut opératoire du vide dans ce théâtre d’ombres comparable au nô. Puis, en mettant en avant la métaphore de la corde (mais aussi celles du blues et du roman noir et/ou policier), nous insisterons sur la terrible noirceur de ce qu’il semble y avoir parfois de l’autre côté des phrases.
Si un désespoir poignant (mais comique) s’exprime par moments (la tentation du suicide n’étant jamais loin), le message général (s’il y en a un) nous paraît malgré tout positif, une forme de joie mystique étant souvent préconisée. Enfin, et quitte à nous contredire un peu, une étude purement rhétorique ne vaut que si elle débouche sur autre chose, sur la question du sens général de l’œuvre par exemple ; cette épineuse question, nous nous la poserons notamment dans une ultime sous-partie, et ne serons pas de ceux qui dissocient forme et fond.
En somme et pour tâcher d’être encore plus clair, disons que cette thèse en trois parties se propose d’atteindre les objectifs suivants :
montrer la fantastique richesse rhétorique du théâtre novarinien (figures de style, dispositifs, invention verbale, importance de la musicalité, etc.).
braquer les projecteurs sur sa dimension comique (humour noir, parodie, saugrenu grandiose, grotesque, absurde, parenté avec la pataphysique, effets paniques, etc.) et surtout faire ressentir (par le ton choisi) et éprouver (plutôt que prouver) en quoi il y a drôlerie.
Insistons-y : même si nous n’avons pas toutes les qualités requises pour effectuer ce travail d’Hercule, nous essaierons crânement d’étudier toutes les facettes de cette œuvre immense car nous considérons que le travail qui consiste à débroussailler le terrain, comme armé d’une machette à la Indiana Joyce (si l’on veut) constitue pour l’instant, universitairement parlant, la meilleure réponse à la question novarinienne. Un autre travail, celui de la digestion (autre grande aventure) s’accomplira plus tard – et commentateurs, glossateurs et exégètes actuels passeront alors sans doute pour de « sympathiques fumistes » (comme il est dit dans Dada) mais, de façon plus générale, il est vrai que si nous avions peur du ridicule, nous n’aurions pas choisi ce sujet...
Pourtant, un proverbe expressif le dit : quand on n’aime pas l’eau, on fait pas marin – et il est certain que nous ressentons une sorte de familiarité à l’endroit de toutes ces pièces et de ce théâtre-là ; c’est même essentiellement à ce titre, au nom de cette inexplicable familiarité, que nous avons eu l’envie d’entreprendre le travail titanesque consistant dans une étude rhétorique appliquée à une prose aussi déroutante. En effet, il ne saurait ici être question de produire une espèce d’exercice d’admiration, d’ode ou de chant d’amour pour une œuvre (ce qui serait peut-être ridicule, un peu vain et en tout cas parfaitement non validable par l’institution), notre but étant plutôt de proposer in fine un travail universitaire de qualité et le plus objectif possible. Pour l’anecdote et ne rien cacher, nous nous permettrons d’ajouter que la prise de conscience de la familiarité en question et de l’importance que la "Novarinie" allait prendre dans notre vie s’effectua très brusquement, comme une véritable révélation, à l’occasion de l’écoute sidérée de L’Inquiétude, et de la voix d’André Marcon, sur un banal transistor, il y a quelques années...
Quant à la rigueur scientifique préconisée dans la Charte des Thèses, nous avons essayé d’y tendre le plus possible (ceci au niveau de notre démarche et de notre sérieux) mais nous réclamer absolument de la Science serait l’insulter et faire injure aux vrais scientifiques. Disons plus humblement que cette thèse pourrait devenir un début de débat, de réflexion, un essai de lecture, une manœuvre d’approche, un dictionnaire d’esquisses et fonctionner (pourquoi pas ?) comme une sorte de vivier de travaux (thèses, articles ou essais) à venir. Plus métaphoriquement, nous sommes donc peut-être, avec cette thèse, en présence d’un arbuste certes encore frêle et malingre, mais attendant patiemment de grandir et que lui poussent de nouvelles branches...
Redisons-le sans toutefois vouloir en cela nous donner trop d’importance, notre désir profond de travailler sur une œuvre aussi singulière pose finalement le problème de la pertinence (ou pas) de produire une thèse de facture ultra-classique, hyper-conventionnelle : devrions-nous produire une étude strictement (tristement ?) objective ou proposer une étude parfois un peu artiste, faire part de nos impressions et de nos intuitions et y aller, enfin, de quelques projections personnelles ? De toute façon et à en croire Clément Rosset, un des plus fervents admirateurs de Valère Novarina, il ne saurait y avoir de délire interprétatif dans la mesure ou toute interprétation est déjà, en soi, une forme de délire – avouons-le : c’est là une forme de caution qui nous rassure un peu.
Quoi qu’il en soit, nous essaierons de toujours nous situer dans une sorte de juste milieu : certes et par respect pour l’auteur et pour l’institution, nous tâcherons de nous montrer précis et rigoureux mais il nous semble qu’il serait peut-être un peu dommage de ne pas, par moments, laisser libre cours à une certaine subjectivité et à ce que d’aucuns nomment poétiquement l’imparfait du subjectif car cela pourrait contribuer à apporter de nouveaux éclairages – ceci afin de tenter d’approcher une œuvre parfois (?) pleine d’une inquiétante étrangeté. A la chasse au Snark, donc ! Nous attraperons peut-être un Boujeun…
Roxane Martin, « Valère ou voyage dans le cristal », revue Europe n° 880-881, France, Août-Septembre 2002, p.145.
Jean-Marie Thomasseau, « Au pied de la lettre ou les indications chienniques de la mysancène », Le théâtre de Valère Novarina, une scène de délivrance, Textuelles/Théâtre, P.U.P., Marseille, 2004, p. 23.
Annie Gay, «Une spirale respirée », Valère Novarina. Théâtres du verbe, Corti, Mayenne, 1er trimestre 2001, p. 158.
Jean-Pierre Sarrazac, « L’Atelier volant ou le théâtre des origines », Europe, op. cit., p. 124.
Jean Dubuffet, L’homme du commun à l’ouvrage, Gallimard, Collection « Folio/Essais », 1991, p. 315.
François Bon, La folie Rabelais : l’invention du Pantagruel, Minuit, 1990.