3. Gare à la glose de glas

3.1. Les Brigades rhétoriques

Dans La Scène, Novarina invente les « Brigades grammaticales » que l’on suppose répressives et par trop normatives (tâchons de n’en pas faire partie). Or, ces terribles Brigades nous paraissent faire écho aux « Sorbonnicols » moqués par Rabelais, la Sorbonne fonctionnant chez ce dernier (un peu à l’image des Docteurs novariniens) comme une métaphore de la prétention au savoir voire de la cuistre-sirerie qui caractérise de fait certains « doctusses » pleins d’assurance, de morgue et de fatuité.

On aura compris notre position et le sens de cette sous-partie ; c’est qu’il est fort délicat de proposer une thèse sur un auteur vivant : en somme, l’on est un peu gêné aux entournures : entre le fan transi et l’étudiant-chercheur, ne s’agirait-il pas de choisir son camp ? La chose est-elle possible ? Alors que nous lui faisions part de ce problème et de notre embarras (pourquoi ne pas raconter cette amusante anecdote ?), l’auteur eut d’ailleurs une réaction malicieuse qui rejoint l’humour noir dont il sait faire montre dans ses pièces ; la phrase en question nous glaça tout d’abord pour finalement nous faire rire et quelques mois plus tard, nous songeâmes même à en faire notre unique exergue : « ça serait plus simple si j’étais mort. » (Novarina ; apocryphe). Outre que cette mort serait une très grande perte pour la littérature, il se trouve que l’homme est en gros plutôt sympathique et c’est aussi pour cette raison, un peu affective donc, que nous nous refusons à jouer complètement le jeu de la grille rhétorique.

Bref, il ne saurait être question pour nous de jouer les idiots universitaires en appliquant de façon bornée des règles qui, de toute façon, ne s’imposeraient pas, et sans tenir aucun compte de ce qu’il y a de l’autre côté des phrases et du miroir, ni de la sensibilité (que nous croyons très grande) de l’artiste étudié. Ce sont là méthodes de brute : il nous faut plutôt tenir compte du fait que nous sommes en présence d’un art véritable qu’il serait absurde d’approcher avec des outils strictement techniques – il s’agit peut-être aussi d’entrer un peu dans la logique de l’auteur et de se mettre au diapason de son humour si particulier.

En somme, notre but n’est pas de déchiqueter l’œuvre comme ferait un chacal mais bien de proposer un panorama relativement objectif de celle-ci en essayant de prendre un maximum de recul par rapport à toutes les pièces écrites jusqu’à présent. Bref, assurons l’auteur (cette partie lui étant bien sûr dédiée, adressée) que nous ne ferons jamais partie des «Brigades grammaticales » (cf. La Scène) ni même des "Brigades rhétoriques", contrairement à ce que notre sous-titre pourrait laisser penser.