4. Cartographie du novarinien

En convoquant Queneau, nous avons parlé de l’attitude générale qu’il nous paraissait convenir d’adopter mais revenons donc un peu sur la méthode que nous avons choisie pour aborder le continent Novarina. Montrant le plan de notre travail à Marion Chénetier, celle-ci eut la gentillesse de nous signifier qu’elle voyait notre projet comme une tentative (dixit) de « délimiter les contours de l’imaginaire novarinien » : c’est exactement de cela qu’il s’agit. L’expression « délimiter les contours » aura même pu (d’où cette partie liminaire) nous faire hésiter quant au choix du titre ; en effet, “Cartographie du novarinien ” aurait pu donner une assez bonne idée de l’objectif que nous nous fixons mais il ne mettait pas en avant les notions de comique, de sacrifice comique et de rhétorique.

En admettant que la Novarinie soit vraiment un pays, nous en explorerons donc ici les régions et aurons un fonctionnement de cartographe : face à l’œuvre complexe de ce brouilleur de cartes, nous tâcherons d’en dresser une – l’écueil étant de mettre l’œuvre en cartes, dans des cases, en salissant sa beauté. Autrement dit : notre travail ne rejoindra pas celui d’un traducteur laborieux (ou d’un commentateur qui énoncerait crânement "cela veut dire ceci" et "ceci veut dire cela" mais d’un qui lancerait mitraillettiquement "Là, il va là !", "Là, il va là !", "Là, il va là !" – précisons : "Là, il explore cette zone-là", "Là, il s’inscrit manifestement dans cette filiation-là", "Là, on voit bien qu’il a lu X", "Là, il utilise tel type de rhétorique", "Là, il nous entraîne dans telle dimension", etc.

Pour filer la métaphore géographique, il s’agira, pour le lecteur, de considérer un peu comme des îles chacune de nos sous-parties, certaines d’icelles îles faisant l’objet d’escales (à cause de notre incapacité à nous y attarder plus longtemps) et d’autres nécessitant une plus longue exploration. Nous espérons aussi qu’une véritable cartographie du novarinien soit un jour dressée : on y recenserait des pays michaldiens (Grognistan), des régions et des villes réelles (Annemasse, Saint Etienne) ou imaginaires (Blatigny-Olida), des noms de rues farfelues, des stades, des hôpitaux, des usines, des garages, des stations-service (Bidon), des stations de métro (Station Dunlop), bref tout un monde grouillant de vie, d'humour et de fantaisie, rappelant certains tableaux de Dubuffet (et qu’il serait passionnant d’étudier de plus près). Pour l’instant, agrippons-nous donc aux mots comme à des bouées afin que la traversée puisse vraiment commencer...