1.2. La Lutte des monstres

Dans l a Lutte des morts (des morts ? des mots ? des monstres ?), commençons par noter « sarbaque » (p. 413), compromis entre barbaque et sarbacane mais pouvant aussi être vu comme apocopant sarbacane; « poubulbes » (p. 416), mélange de bulbes et de poubelles ; « soudoyen » (p. 380), mêlant doyen et soudoyer ; « rempiécé » (p. 461), croisant intelligemment rapiécé et remplacé et « Pôlôchôneries » (p. 358), reliant polochon et cochonneries.

Toujours dans La Lutte des morts et à partir du mot infirme (à moins qu’il ne s’agisse du mot infirmière), on formera « infirmatrice » (p. 407) et « Infirmaliçon » (p. 504) qui contient aussi limaçon, les « infermières » (p. 401) étant peut-être des infirmières exerçant à la campagne. De même, rideau se verra rapproché d’idéaux et on obtiendra « ridéaux » (p. 474), ceci par opposition aux moins poétiques « rrideux » (p. 376) qui s’apparentent un peu à des rideaux hideux. Autres exemples : flotte (voire fiotte) est mélangé à salsifis et cela débouche sur « salsifiotte » (p. 432) ; « bouif » (mot déjà novarinien) à jouissance et cela donne « Bouissance » (p. 358), etc.

Bref, on le constate, la néologie novarinienne est une machine implacable (voire, plus trivialement : une affaire qui tourne). C’est qu’il y a aussi des verbes-valise ; ainsi, « s’enrhumecter » (p. 500) mélange sans doute s’enrhumer et humecter ; « s’appopiner » (p. 403) : copiner et s’acoquiner ; « s’épanchever » (p. 380) : s’épancher et achever ; « métronomiquer » (p. 440) : métronome et communiquer ; « assassaigner » (p. 495) : saigner et assassiner ; « affectuer » (p. 378) : affect et effectuer. Dans « trhâtrêre » (p. 422) enfin, il y a comme un théâtre volcanique (cf. cratères) qui semble gronder, ce que rendrait bien l’exclamatif et expressif « Trhâtrêre ! »

En fait, on n’ose pas trop interpréter – sinon, on dirait voir des jeux ludico-sexuels dans « Pôlôchôneries », des assassinats particulièrement sanglants dans « assassaignages » (qu’on pourrait faire dériver d’« assassaigner »), un vieux maffieux dans « soudoyen », une infirmière préposée à l’accueil (et à l’information) dans « infirmatrice », un cercueil très creux qui accueille une craie (ayant fonction de clef pour entrer dans la mort ?) dans l’inquiétant « crécleuil » (p. 345), etc, etc.