1.8. Le "novarichien"

L’omnimal novarinien pourra aussi confondre l’humain et le chien dans « huchien » (D.V., p. 186) – le chien étant le « dernier des animaux réanimés à aimer l’âme qui l’anima » (D.A., p. 237), expression où se mélangent de troublante façon les notions d’âme et d’animus, d’amour et d’animal.

Le chien novarinien semble avoir la même fonction qu’un memento mori (crâne, corde, revolver) : c’est un rappel, un miroir et une question. Son statut est passionnant : il acquiesce – à l’image des chiens bougeant la tête à l’arrière des voitures (sur scène, il est plus grand) – mais à quoi ? Parfois, il se confond avec son maître, en portant presque le même nom que lui : « Jean Potard et son chien Potame » (J.R., p. 15), le « chienpotame » étant peut-être un chien-hyppopotame (et deux pages plus loin, on croisera le « chien Potagre » où chien est cette fois associé à potage, onagre et congre) et il y aura même toute une onomastique comique liée au chien : le « chien Fous le camp » (D.A., p. 30), le « Chien Umedent » (D.V., p. 145), le « Chien Anesthésien » (D.A., p. 11), le « chien Assez-bien » (J.R., p. 17) ou l’» autochien » (O.R., p. 30), l’autruchien n’étant pas loin. On croisera aussi le « chien fautif du charcutier » (D.A., p. 70) qui pourra nous rappeler le personnage penaud ayant « mangé du jambon pendant la messe » (in D.V.). Autre cas bizarre : ce chien à qui, dans Le Jardin de reconnaissance, on dit « de chanter l’air ». Dans L’Acte inconnu, ce sera le « Chien Ut et Pluriel » (p. 49) que l’on croisera.

On le voit, les correspondances possibles entre humanité et gent canine ne manquent pas. Ainsi, dans « "Jappy " aboya Basile » (O.I., p. 148), c’est, semble-t-il, le maître qui se comporte en chien – idem pour « Museau ! jappa Aude » (O.I., p. 153)  – et il convient encore de noter, toujours dans L’Opérette imaginaire, le glissement métonymique du « chien Médor » en « fils Médor » à la page 118 – mais également, à la page 98, le rapprochement entre un chien et « une bête à manches courtes », ce qui implique des bras (quant aux membres inférieurs, on en dira ceci : « il irait sur trois pattes, s’il s’avouait avoir en lui le quart du tiers de la moitié de la conscience humaine que nous avions de nous-mêmes », la troisième patte renvoyant sans doute à la question du Sphinx concernant les différents âges de l’homme et à la canne des personnes âgées). Autre formulation ambiguë : les « femmes muselées » de L’Acte inconnu (p. 100).

Concernant la présence du chien dans Le Jardin de reconnaissance, il ne faut pas s’en étonner  : le chien représente non seulement (p. 32) « l’enfance de l’homme » – et on parlera d’ailleurs du « chien ut » (le « huchien » / « Uchien » étant peut-être le Ut-chien, un chien, originel) dans Le Drame de la vie (p. 207) – mais aussi sa fin : « Ce matin, j’ai pris du mourir dans ma main, et je l’ai jeté au rien » (J.R., p. 30) ; au moment de mourir, on revient vers le chien, on s’en remet à lui, on fait retour et allégeance à l’ancienne et comique caninité « de quoi la race humaine fut faite ». Tout l’indique : il y a de l’humain dans le chien – et Novarina n’arrête pas de nous le signifier. Remarquons que sur scène, le novarichat n’apparaît pas (pas plus que l’uchat) ; c’est que le chat est trop séparé de l’homme pour qu’il puisse même être évoqué – mais l’auteur se rattrape en parlant de Dieu, autre Insaisissable.