2.1.3. « pantalon »

→ Le mot le plus malmené

Avec humain, animal et docteur (dont on parlera plus tard pour évoquer le « cirque clinique »), « pantalon » est donc sans doute le mot le plus malmené ; dans La Lutte des morts, il devient « pantalo » (p. 413), « pantaladje » (p. 358), « pantollons » (p. 358), « pantulaud » (p. 487), « pantaflût » (p. 513), « pataquon » (p. 408). Ces cocasses variations perdurent dans Le Drame de la vie avec « pantarbalons (p. 177), « pantardablons » (p. 177) et dans Falstafe, avec « panalatalons » (p. 582) ; le mot « pantalon », ici plus ou moins associé à ballon et à talon, peut donc s’allonger, ceci à l’image de la chose (qui, en défaisant plusieurs ourlets, peut l’être également).

Citons encore, toujours dans Le Drame de la vie, « pantet » (p. 234) et « pantalon short » (p. 203) – par opposition à « pantalong » – mais aussi « pantalon troupique » (p. 71), « Planta-mousson » (p. 293) et « pantalard-mélodard » (p. 103). Le jeu continuera dans L’Opérette imaginaire avec « patanalons, panalons, pantalons […], patanatons, nalapons, antalons […] palatoupes, lapatoumes » (p. 12). Ne sautons pas La Chair de l’homme où figurent « pantalation » (p. 315), « Pantalonicier » (p. 35), « extrémités pantalonnées » (p. 256), « chantalons » (p. 343) et « le plus-jeune-vite-des-pantalons-du-père » – et n’oublions pas les cas annexes que sont « Purtalicons/Urtaliquons » (D.V., p. 222).

A partir du mot seront crées des expressions imagées : « avoir le pantalasse qui tremp » (L.M., p. 511), le « panatalon qui jobe » (D.V., p. 191) ou « avoir son patricule qui luxe » (D.V., p. 167) et son « anathlong qui mousse » (D.V., p. 190) – on parlera aussi d’une « histoire pantalacarde » (D.V., p. 221). Quant à la « grande Pantalagne » (Pantalon + Garabagne ?) ou (C.H.,p. 451) la « Grande Pantalurgie » (cf. Pantalon + dramaturgie), ce sont sans doute des noms de peuples ou de pays évoquant un pays imaginaire cher à Henri Michaux.

A l’image du personnage de théâtre dit « Pantalon », le mot se verra parfois associé à un nom : ainsi, « Pantaline » (D.V., p. 219) qui semble un prénom féminin - mais notons aussi : « Le Lutteur Pantalin » (D.V., p. 220), « Panton » (D.V., p. 212), « Pantalacar » (D.V., p. 234), « l’Homme Pantalon » (D.V., p. 171), « les deux fils Pantalon » (D.V., p. 172) et « l’Enfant de Pantalon Joie » (D.V., p. 128) ; à la page 167 du Drame de la vie, on aura « Plantube, Pontolambard et Pontamousse » et on croisera dans Le Jardin de reconnaissance (p. 97) « L’Enfant Pantomorphe » mais aussi « Phantalducien » et « Paraphulcien ».

On pourra assister à une autre sorte de féminisation du pantalon dans « Pantaladam » (mot à rapprocher de « Pantaline » même si Adam n’est pas loin) et à une sanctification dans « saint Jean Pantalon » (D.V., p. 188) et « Saint Pantalon » (D.A., p. 312) voire à une quasi-divinisation rendue possible par un rapprochement de termes, la vertu d'une majuscule et la radicalité d'une apocope : « C’est Dieu qui vous branle la jambe ! Pantal existe ! » (L.M., p. 426). De fait, si Dieu est le propre de l’homme, il semble qu’on puisse en dire autant du pantalon. Quant à Pantal, le mot évoque un peu Pan, Panthée, Tantal(e) et un éventuel supplice du pantalon (serait-ce donc un tantalon que nous porterions ?).

On pourrait estimer qu’il y a aussi des cas d’autonomie du pantalon : le « pantalon à nuisance » (D.V., p. 272) serait-il animé d’intentions maléfiques ? Pour le « pantalon a suicide » aussi nommé « panoplon à souiquide » (L.M., p. 351) et « [pantollon] qui serre à faire les souiquides » (L.M., p. 358), et faisant écho au « chapeau suicidal » (D.V., p. 92) et aux « chemises de glas » (D.A., p. 156), on se prend à penser qu’il provoque puis assiste au suicide de celui qui le porte, le pantalon fonctionnant peut-être ici comme une métaphore de la conscience de la mort. La mort sera également présent dans « pantagonique » (cf. la « Femme pantagonique » de L’Opérette imaginaire) qui semble mélanger pantalon, Antigone, antagonique et agonique.

D’autres pantalons sont dotés de caractéristiques bizarres voire fantastiques : le « pantalon qui muscle » (D.V., p. 160), le « pantalon à manches » (D.V., p. 162), le « pantalacar à cordes, avec deux torchets en guenilles tout au bout » (D.V., p. 272), le « pantalon-tuyau » (D.V., p. 272), le « pantalon à gaz » (D.V., p. 161), le « pantalon-housse » (D.V., p. 129) et le « pantalon à ressort » (D.V., p. 207). Il est aussi un accessoire qu’il conviendrait de ne pas oublier : ce sont les « bertelles pour tenir haut les pantes à » (L.M., p. 343). Mais notons aussi la présence d’autres vêtements : les « chemises de passion », le « jupion »(D.V., p. 276) et des « robes tissées et tues de néant » (D.A., p. 160).