→ Répétition des lettres ou des syllabes

Autre procédé à signaler, par exemple dans Je suis (cf. p. 209), qui consiste à allonger un mot en écrivant une même lettre plusieurs fois : « pââââââââârle », « chiffrééééééeeeeeeee », « dangeeeeeeeeeeéééééée » ; dans les trois fins de tirade en question, on pourra même noter une sorte de progression puisqu’on comptera 9 « â », 14 «é»/«e» : et 17 «e»/«é». Dès La Lutte des morts et Le Babil des classes dangereuses, on rencontrait ce cas de figure : « âââââânimaux du pââââââââââââ…. ? » (B.C.D., p. 316), « O côôôneries ! » (B.C.D., p. 165), « Borrrrrrrdel » (L.M., p. 441) et surtout « flammmmmmmmmmmmmmmmme » (L.M., p. 398). Dans La Chair de l’homme, on aura le jeu d’écho « bruiiiit » / « uuuu » à la page 270 et « cadavréeee » à la page 424.

Dans L’Opérette imaginaire, le procédé fera retour avec l’expressif « kilomééétriquement » (p. 52) dans lequel l’allongement sera raccord avec l’évocation d’une unité de mesure, le kilomètre, s’appliquant justement à la longueur. Notons encore « aâargent » (J.S., p. 108) et enfin l’impressionnant « tohu-bohuuuuuva-bohohohuhohouu hoû-oû-ou » (O.I., p. 138), qui allonge considérablement « tohu-bohu » (il faut dire qu’on se sert aussi du tiret, comme dans « bou-ou-outs » à la page 135) et qui est comme un grand cri comique et orgasmique. Cette figure, Cadiot l’utilisa (« sééééérieux »), tout comme Queneau («ppppppppppppppppppardessus », « pardessssssssssssssssssus », « pardessussssssssssssssssssssss »). Enfin, la décrivant dans le Gradus – à l’entrée « Etirement » (p. 201) – Dupriez nous dit qu’elle permet de « rendre plus sensible l’objet ou le mouvement », cite Joyce (« Fouous-moi la paix », « O ma Molly d’Irlan-an-de ») et Tzara (« Méééétééééooooroooolooogie ») en évoquant le « hoquet lyrique » qui se rencontre au théâtre : dans le cas de L’Opérette imaginaire, c’est de cela qu’il s’agit.

Moins originaux et moins spectaculaires, signalons dans La Scène « Aaaah » et « aaahahhahahahah » (p. 133). De même, dans L’Acte inconnu, on ne note que « Eééééé-é-é-é-é-é-coute » (p. 140) mais on croise en revanche des néologismes à caractère humoristique comme « sociétototologue » (p. 112), « anato-tautologiste » (p. 112) voire « télélélévilisibilisèrent » et « Anthropopolyvoriacées » où ce sont les syllabes (cf. « tototo », « to-tauto », « télélélé » et « popo ») qui se voient répétées d’une façon malicieusement enfantine qui aurait amusé Tardieu – idem pour le son bu dans le bizarre « Vocabulabulaire » (C.H., p. 343) qui évoque un vocabulaire patibulaire et le son ra dans « raramanasse » (C.H., p. 409), ramasser étant également retravaillé en « ramassuèrent » et « ramatuissèrent » (C.H., p. 276).