1.1.1. L’écriture phonétique

Pour créer des mots, Novarina pourra aussi, à l’occasion, avoir recours au « néo-français », procédé officiellement inventé par Queneau en ce qu’il le nomma et lui donna ses lettres de noblesse (théorie, incipit de Zazie dans le métro) et consistant, tout simplement, à écrire exactement ce que l’on prononce (« Darouine » pour Darwin, par exemple). Ainsi, dans Le Discours aux animaux, il est écrit « clounerie » (p. 264) et « vélo vert clounique » (p.250). Pourtant, Novarina saura se démarquer de Queneau en écrivant « oiture », qui rappelle l’oie - et non « ouature », comme aurait fait l’auteur des Fleurs bleues. Idem pour la « grande barbe nouère » (D.V., p.197), que ce dernier, a priori, aurait sans doute écrit « nouare » », pour « Mais z’où suis-je garé » (O.I., p. 54) qu’il aurait transcrit en Mézou ou (S. ; p. 43) « Quelle heure y-z-ont dit qu’il est ? (lui aurait sans doute choisi "izondikilé")

Cela dit, l’expression mi-française mi-anglaise « finir en biouté » (L.M., p. 390) pourraient fort bien figurer dans les Œuvres complètes de Sally Mara (l’auteur en question étant une anglophone francophile). Idem pour le « fioul » de Vous qui habitez le temps (p. 79), pièce ou on lira encore « je bus du whisque » (p. 79) et « Savoir jumper, sachez jumper » (p. 12) ; enfin, il sera, dans L’Origine rouge, fait mention de «biftèques transgéniques » (p. 61), autant de graphies typiquement quéniennes – idem pour la « tauquechaudiste » de La Scène (p. 100).

Pour l’agglutination « étrumain » (D.V., p. 119), Queneau pourrait aussi en être l’auteur. Dans l’article de Encyclopaedia Universalis consacré à Valère Novarina, on en retiendra une autre : « ‘J’ai malaufond’ dit le mort du Drame de la vie. » ; pour « Nosotros » (O.R., p. 101), il semble agglutiner/comprimer phonétiquement « Nous autres en os ». Dans Le Repas (p. 28), c’est au contraire à une sorte de désagglutination que l’on assiste dans : « que rêusse-teura-t-il dû mon corpû quante jeu manjeru plu ? ». Enfin, rappelons que certains néologismes très longs (voir ci-avant) sont en partie assimilables à des agglutinations. Quant au projet de la Petite Cosmogonie Portative (à savoir introduire plus ou moins ironiquement des mots techniques, scientifiques dans un contexte poétique), il est un peu comparable, au niveau des effets comiques provoqués, à celui du blason novariniennement argotique de L’Opérette imaginaire (et nous y reviendrons) ; en fait, la filiation en question nous paraît surtout concerner un certain état d’esprit, une certaine malice et une certaine insolence.