2. Enfance et art brut : les fautes d’un cancre logique

2.1. Portrait de l’auteur en dernier de la classe

2.1.1. Le cas excusable de la faute logique

Evoqué ci-avant, le néo-français, qu’il soit quénien ou novarinien, renvoie aussi aux fautes souvent commises par les enfants qui « apprennent les bâtons » (C.H., p. 182). En bon « Cancre [parce que] Logique » considérant en premier lieu le pluriel de certains mots, le personnage pourra déduire : « un animau » (D.V., p. 244). Il ne s’agit pas là d’une simple figure de style mais d’un cas qui peut se rencontrer dans la réalité : le plus souvent, c’est l’inverse (« les chevals ») qui se produit mais le pluriel considéré en priorité par l’enfant peut également être cause de fautes logiques ; c’est ainsi que tel enfant parlera de « la ziguane », par exemple (voire "d’une ziguane"), à cause de la liaison entendue dans "les iguanes" et donc du pluriel.

De même, l’enfant fautif novarinien a sans doute "additionner" à l’esprit quand il écrit « soustractionner » (V.Q., p. 65). Dans la « chanson idiot » (L.M., p. 471), il connaît le mot "idiot" pour l’avoir peut-être entendu dans "air idiot" mais ne réalise pas qu’associé à « chanson », c’est "idiote" qu’il faudrait dire. Dans « ignarde » (in O.I.), ignare est féminisée mais ignare suffisait (on s’enfonce pourtant dans l’erreur en ajoutant « je dis bien ignarde »). Quant à « actoresse » (B.C.D., p. 159), c’est un pendant logique à doctoresse. Pour la « sœur propre à rienne » de L’Acte inconnu (p. 90), on s’est encore montré logique en féminisant propre à rien.

Pour « parcourer l’Inde » (L.M., p. 406), la faute s’explique encore : parcourait, parcouraient et parcourez se disent mais pas « parcourer ». Pour « deviendre » (J.R., p. 76), notre cancre est parti du futur et/ou du conditionnel et, de ce point de vue, nous sommes en présence d’un infinitif logique – idem pour « Sachoir » (J.R., p. 10) qui, lui, procède du subjonctif. Car enfin, les fautes enfantines peuvent aussi concerner la conjugaison dont l’apprentissage, de fait, pose parfois problème : « que nous asparissions » (A.V., p. 142), « il désobéissa » (D.V., p. 149), « Vous mourrerez » (D.V., p. 69), « il toujours voula » (D.V., p. 150), « Capitaine Nitiendre va-t-il viendre ? » (O.R., p. 169), etc.