2.1.4. La Maîtresse n’est pas contente

→ « Falsifie ses notes et gribouille mes observations »

Déjà enfant, l’auteur avait, semble-t-il un rapport critique à la notation ; en témoigne cette appréciation figurant sur son premier bulletin scolaire (1951) et signalée dans la biographie déjà citée : « Falsifie ses notes et gribouille mes observations » qui se retrouve légérement transformée dans Le Discours aux animaux (p. 229) où on peut lire, sur deux carnets : « Falsifie leurs notes et gribouillent mes observations. Signé : La Maîtresse n’est pas contente ». Dans Le Drame de la vie (p. 240), on aura une variante de ce caviardage sanctionnable : « Déjà sa grammaire disait qu’ilétait cancre et détruisait les datations des dates et des surdats ».

Le refus de jouer le jeu pourra aussi concerner le sport (en 1955, on lira cette autre appréciation : « Vend des timbres anti-tuberculeux, refuse les sports d’équipe et joue généralement seul contre tous. »). La biographie est une chose mais l’œuvre en est une autre ; on y retrouvera cependant l’idée d’opposition au groupe et à la tribu scolaire, comme à la page 201 du Discours aux animaux où « [les] inscrits du Collège réunis me voyant fuir leur société, prendre leurs maximes à contre-pied » lancent, semble-t-il, au « je », ici contant ses enfances, « douze quolibets ». Dans La Chair de l’homme, L’Enfant Macadémique (cf. macadam + académique) est encore dans une posture d’opposition (peut-être magrittienne) : « L’herbe n’est pas verte ; aucune pomme n’est un fruit ; le triangle est sans angles ; aucun cercle n’est jamais rond » (p. 169).

C’est aussi l’extérieur et le réel qui ne tournent pas rond : on ne comprend pas la logique du Cancre alors que c’est peut-être lui qui est dans le vrai (d’où l’agacement compréhensible de certains professeurs), thème troublant et amusant qui fut d’ailleurs, signalons-le au passage, également abordé dans un court métrage méconnu d’Eric Rohmer, Véronique et son cancre, dans lequel un certain bon sens enfantin s’oppose comiquement à la logique scientifique et aux phrases toutes faites.

L’enseignement des professeurs (et leurs enseignement) sera donc, très souvent, présenté comiquement (ce qui implique peut-être une critique sous-jacente) : le cours de mathématiques, par exemple, sera parodié à travers des opérations comme « fais le compte de tout, multiplie par moins : il n’en reste rien » (O.R., p. 46) et ces équations humoristiques, poétiques et imaginaires reprennent de plus belle aux pages 198-199-200, où l’on cherche la « formule du temps ». On croise encore dans L’Opérette imaginaire un « triangle ému d’avoir été regardé par la base » (p. 8). Cette veine amusante et pataphysique était aussi celle de Queneau (cf. Arithmétique affective in Sally Mara) : Le crime : 1+1 = 1+0 / La volonté : 0 0 = 0, 01 / La foi : 3 : 1, etc.). Pourtant et comme on le verra plus loin, il semblerait que toutes les matières soient peu ou prou concernées par le jeu de massacre.