2.7. Coquin de mort !

Continuons avec L’Opérette imaginaire où, sans aucune raison, « bonhommes » devient « bonhîmes » (p. 144) et « à grand renfort de » devient « à grand effort de » (p.86). Autre exemple : « manqué » est mis en présence de « mangé » (p.11) et « [la] conversation prend un tour vertébral » (p. 77) ; enfin on se jette « par la finestre » (p. 56), mais pas forcément dans le but de mourir (on pourra en effet aspirer à « rebondir dans la joie »). A la page 148, Benoît « [bafouille] » et cela donne « Jusqu’à plus foif » (p. 148) tandis que « Mets-y du tien » devient « Mets-y du mien » à la page 23, « Mets-y du chien » et « Mets-y du rien ». Quant à « j’y mords », l’expression côtoie à la page 11 les mots « corps », « mort » (deux fois), « seuil » et « poussière » (deux fois) et il nous est donc presque impossible de ne pas entendre que si le corps qui gît mort nous dit « j’y mords », il se réfère à la poussière - le mort s’en plaint d’ailleurs : « Mordre poussière, ça m’exaspère / C’est pas un déjeuner ». Et si le Mortel chantant la « Chanson du mort qui pousse chanson, chanson d’poussière » prétend « [y mordre] pour de vrai », c’est qu’il en « croque aussi », mort et poussière l’attendant au tournant.

Enfin, on pourra également confondre deux termes qui ne devraient surtout pas être confondus : « Vous même vous aviez dit « répit » et j’ai pris ça pour du dépit » (p. 82). Ici donc, quand on prend un « quid » pour un « quod » le résultat est souvent catastrophique, désastreux (dépeçage, échec aux examens, etc.). Aux pages 22 -23, un possible glissement métonymique semble faire que « mien » devient « rien » puis « bien » puis « mien ». Bref, tout bouge et rien n’est acquis. La suppression-adjonction novarinienne présente souvent un caractère funèbre : « Coquin de sort, quel triste mort ! / Y fait une bien sale figure / Coquin de mort, tu as bien tort / Tu peux plus manger d’confiture » (O.I., p. 41). Ici, l’expression « Coquin de sort ! » devient « Coquin de mort ! » mais, en poussant un peu et la rime aidant, on pourrait aussi penser que la figure devient de la confiture.

Dans La Scène, une médiathèque devient une « pédiathèque » (p. 97) et un trou devient un « tronc » (p. 58), ce qui revient à dire que le vide d’un trou est souvent provisoire, ne faisant qu’attendre d’être comblé. De même, hypothésons (pour verber comme l’auteur) que la Genèse puisse novariniennement se résumer ainsi : du néant émergea le temps, le vide se fit plein et le rien se fit pain ; bref, avec cette figure, le retournement est toujours possible et l’humour noir, très vite, en une folle « volte-vrille » (O.R., p. 109), pourra finalement céder sa place à l’expression d’une certaine joie de vivre et d’une certaine plénitude. Dans la proposition contradictoire « Perpétuons-perpétrons » (O.I., p. 25), cette dualité est encore présente : elle symbolise l’équilibre voulu par Novarina : lorsque la mort, l’entropie et l’humour noir sembleront l’emporter, c’est alors qu’auront lieu un spectaculaire retournement et une joyeuse renaissance (comme à la fin de Je suis où Lazare se relève pour nous signifier que « [la] mort n’est pas vraie »).

De même (in O.I., p. 64), quand les « vieux cieux » abritant un « dieu vieux » se subdivisent en deux fois deux, l’espace se déplie et on voit clairement que la lumière nuit et que la nuit lumière, que la nuit brille, soleille, solaire et allume des feux (pour continuer le jeu) dans les yeux du je sans lieu ni Dieu : vient en effet le moment novarinien où même la réversité n’existe plus – ou plutôt cela existe en même temps et toujours : c’est exactement la même chose (cela fait plus que se confondre : c’est.). Les clivage lumière/nuit ou nuit/lumière n’ont dès lors plus de pertinence – idem pour vie/mort et mort/vie : cela, les égyptiens l’avaient compris et Novarina ne cesse de le répèter, ceci dans le cadre d’un combat personnel mené depuis toujours.