Evoqué dans la partie concernant le mot-accordéon, le pantalon novarinien reste un mystère mais on ne l’a peut-être pas assez rapproché du personnage de vieillard dit Pantalon, une des figures importantes de la Commedia dell’ arte : n’est-il pas étrange que cela que nous appelons pantalon soit aussi un personnage de théâtre ? Le vieil Adam parlé étant le seul animal à porter des vêtements, on pourrait également se demander si les transformations du mot « pantalon » ne vise pas à rapprocher celui-ci des mots parole et ballon (qui sont aussi le propre de l’homme) : « pantarbalons », « pantardablons », éventualité qui fut déjà évoquée ci-avant. En fait, nos hypothèses sont peut-être un peu absurdes et nous préférons citer à nouveau Pierre Jourde qui, dans « La pantalonnade de Novarina »82, propose une autre version bien plus convaincante et argumentée :
‘Le pantalon revient souvent chez lui. On y parle fréquemment de son pantalon, ou dans son pantalon : « puis j’ai été nommé garçon, puis pantalon » dit le chercheur de Falbala. « L’homme est un pantalon » : cette assertion métaphysique résonne comme une pantalonnade : elle est incongrue. […] Etre dans son pantalon, c’est être en proie à la tautologie. Je suis », dit l’homme. « Je suis dans mon pantalon » en est l’équivalent étendu, mais plus juste. La première tautologie est métaphysique. La seconde est une incongruité d’opérette, qui ôte toute nécessité à l’affirmation. Les drames de Novarina sont très exactement des pantalonnades, comme les films de Louis de Funès. Des pantalonnades apocalyptiques. ’Ici, l’on voit bien que nous ne sommes pas les seuls à défaire des ourlets au pantalon en proposant des interprétations ; celle-ci étant tout à fait intéressante, cela nous encourage à imiter Pierre Jourde en proposant à notre tour et à l’occasion d’autres développements de ce type : c’est peut-être en fait le seul véritable moyen de parler d’une œuvre comme celle de Valère Novarina. Juste avant le passage cité, Pierre Jourde expliquait :
‘Le moi est souvent « en bois de moi », ou d’autre chose, et tuer un chien, c’est le faire cesser d’être en chien, comme si ce qui constitue le plus profondément les êtres n’était qu’accessoire. Il y a des cachettes à bras et des voitures à bretelles, des arbres en rien, des empilements de détails loufoques. Identité personnelle (« je suis »), identité collective (vies, peuples), humanité même ne sont guère plus que des vêtements interchangeables. Novarina dit qu’il n’y a pas de personnages dans l’opérette mais « des vêtements habillés ». Idée que l’on pourrait résumer dans la formule suivante : « l’homme est un pantalon ».’On pourrait peut-être aller plus loin en posant que le monde est un pantalon mais ce serait sans doute accorder un peu trop d’importance à « Pantal » ; ne nous focalisons donc pas sur la question et tâchons d’étudier d’autres métaphores et d’autres périphrases...
Pierre Jourde, « La pantalonnade de Novarina », Europe, op. cit., p. 23.