4.3. Le mystère d’être en viande

4.3.1. La funèbre à Guillotin

Dans le cas de l’expression « têtard souhaité » (D.V., p. 46), c’est sans doute de l’enfant désiré qu’il s’agit. Ailleurs, la « corne ocarine » désigne sûrement l’instrument de musique dit ocarina et quant aux « pensées zigzag » (O.R., p. 51), ce sont peut-être des pensées confuses, chaotiques qui se mélangent et partent dans tous les sens : des exemples comme ceux-ci, on pourrait en trouver mille (et même beaucoup plus que mille) mais il semble que le plus souvent (et comme on va le voir), la périphrase novarinienne s’applique plutot à des notions très générales (vie, mort, temps) comme dans « persister en vianderie », « aller à Glas », etc.

Cela dit, pour les périphrases, si c’en sont, qui suivent, notre interprétation est bien sûr hautement discutable : dans L’Atelier volant (p. 119) pour commencer, « Tenancier de ténèbre, pataugez-nous un étourdissement » pourrait peut-être se traduire par "Taciturne aubergiste, concoctez-nous quelque chose de fort qui soit susceptible de nous faire tomber dans les bras de Morphée" à moins, hypothèse moins matérialiste, que le Tenancier de ténèbre » soit Hadès en personne et que s’exprime ici un désir de mourir – autre piste : ces deux hypothèses ne sont pas incompatible. Dans « Ponce-nous quelque chose de plus suintant que ça nous ravitaille les esprits » (L.M., p. 521), la demande semble inverse : on voudrait un remontant plus tonique.

Dans La Lutte des morts (p. 459), « se faire sauter la cervelle » devient « se faire suinter la cervelle », à rapprocher de « se remuer les méninges », « travailler du chapeau » ou « se prendre la tête ». C’est une œuvre sombre où l’on ne danse pas la Carmagnole mais (p. 480) la « catadrome » (mot inquiétant proche de catacombes à moins qu’il ne mêle vélodrome et catafalque). La Révolution française est encore indirectement présente dans La Lutte des morts à travers l’encouragement « Chrême bon, Lucin, huile ton faru, france la funèbre à guillotin » (p. 494) où il semble question de ressortir la guillotine (appelée ailleurs « Tour à Guillot ») et de la préparer en faisant en sorte que le mécanisme soit bien huilé et la lame effilée. « L’état est crépusculier » lit-on à la page 525) et, de fait, le monde décrit est assez apocalyptique : le théâtre des opérations est un « [théâtre] des oreilles » (p. 366) où l’on « [fait] boucan » (p. 494) : ce vacarme peut rendre fou et le malheur est partout : certains en jettent même des « jets de larmerie » (p. 511).