4.3.3. En avant les Didier !

Cependant, un sursaut restera toujours possible : on pourra assumer fièrement sa condition de viande viandante voulant  viande que viande  viander encore et toujours – et c’est bien ce que Spinorina si l’on veut (cf. Spinoza + Novarina) - semble nous encourager à faire : « brandis ton porc ! » nous conseille-t-on même à la page 257 du Drame de la vie….

Certains choisiront de « faire sexe » et de « former couple » et même (petite concession aux « Sociaux ») d’officialiser leur union en allant se marier à « L’Etablissement nominal » (O.I., p. 59), sans doute la Mairie. Après quoi, pleins d’espoir dans « l’avanir » (qui ne nous le rendra pas forcément), on souhaitera des « têtards » (D.V., p. 46) et on bâtira des plans sur la comète en s’exclamant fébrilement « Charpentoléons dans les cieux » (D.V., p. 276). Mais cela pourra se renverser encore et c’est alors qu’on « [quittera] les pantalons d’espérance » pour « [entrer] vivants dans les peaux à souffrance » (D.V., p. 262) ; bref, on acceptera de vieillir et de souffrir pour finalement « aller à Glas » comme c’était prévu.

L’animal pourra aussi s’en mêler en nous montrant parfois (voire en ramenant) son museau comme « Jean des museaux ». Pourtant, ce personnage jouant peut-être sur deux tableaux (cf. Jean/Gens et Jean/Museau) n’est pas seulement une sorte d’hybride ni un avatar à museau de Grégoire Samsa ni un nouveau monstre du docteur Moreau : ce nom double est aussi un moyen singulier de parler des/aux animaux, de s’adresser aux « gens des museaux » et d’évoquer l’animalité en général (le museau n’étant pas le seul signe distinctif de la gent animale) et même celle toujours plus ou mois inhérente à l’homme, cet « Animal du temps » (autre periphrase revenant souvent) : si Adam, Jean, Raymond et les autres, regrettant becs, griffes, pattes, cornes et museaux, s’adressent avec envie au « Peuple juché », tous « gens bas d’oreilles » (D.A., p. 180) et autres « couverts de plumes » (S., p. 73), c’est que l’homme souffre d’habiter le temps : il voudrait fuir cette demeure tragique. Il voudrait se déshabiller du temps : c’est un costume trop lourd à porter.

D’autres, plus positifs, plus spinozistes, ne font pas même choix : le temps reste un problème mais cela se chante et c’est un réconfort (O.I., pp. 110-111) : « J’empire à chaque seconde / J’fais comme tout le monde ». Il semblerait qu’ici, « avancer en chiffres », ce soit avancer en âge : « J’entasse ma prose chiffrée ». Les objets ne sont pas mieux lotis : « J’achète une chose, elle flanche ». Pourtant, on est fort, on s’accroche : « J’veux pas cesser » (cesser faisant dans ce contexte penser à casser). Certains, comme des sportifs s’auto-supportant, vont même jusqu’à s’encourager à vieillir : « Allons Dominique […] ! », « Hardi Nicolas ! », « En avant les Didier ! »