Ce qui est certain, c’est que bien peu d’auteurs ont réussi à mettre le langage en mouvement comique et amoureux ; notre mini-liste, toute personnelle (quoique novariniennement éclectique), pourrait être ici : Céline, Labiche, Feydeau, Pascal, Pagnol, Gatti, Bloy, Molière, Max Jacob, La Fontaine, Verheggen, Artaud, Racine, Vian, Voltaire, San Antonio, Sade et Kerouac pour l’anglais (dans Mexico City Blues, cela semble évident). Parler d’autres auteurs serait pour nous mentir, snob ou non réellement éprouvé - notons encore le cas des mirages, celui des fausses alertes dans les zones de Broca (cf. Angot, Edern-Hallier) et évoquons surtout d’autres formes d’expressions car enfin il nous semble que le début de Reservoir Dogs, les dialogues de Michel Audiard, les chansons swinguées de Trenet ou de Brassens et certains sketches des Inconnus présentent d’évidentes qualités logodynamiques.
Il y a logodynamique quand on a l’impression (subjective ?) que la viande s’est exprimée, que langue et viande se sont mises en branle, en mouvement ; c’est à chacun de ressentir (ou pas) cette énergie, cette vis rythmica, de l’éprouver dans sa chair – ou de passer son chemin. Bref, on peut voir Novarina comme un professeur de logodynamique, un « professeur en Rythme » (V.Q., p. 30), le « savoir rythmique » de l’acteur comique faisant le reste. Il nous aide à savoir si la langue parle, a parlé – A parlé est très rare. Lui le dit notamment pour Artaud, Bossuet, Madame Guyon, Pascal, Amos et Louis de Funès mais il évoque aussi101 « Bradamante de Garnier, les Psaumes et les écrits de Cingria ».
A l’origine de cette énergie logodynamique, il peut y avoir une forme de colère (c’était un peu le cas, semble-t-il, dans L’Atelier volant, La Lutte des morts et Le Babil des classes dangereuses) : chez Céline, chez Bloy et parfois chez Artaud, c’est encore plus évident. Mais chez Novarina, c’est plutôt avec la joie que se confond l’art logodynamique. Au fond, « logodynamique » n’a qu’un seul synonyme, et c’est : euphorie.
Valère Novarina, « L’Homme hors de lui », propos recueillis par Jean-Marie Thomasseau, Europe, op. cit., p. 162.