Etudié dans Opérette réversible (in D.P.), le genre populaire de l’opérette semble aussi fort prisé par Novarina qui lui emprunte notamment la possibilité de passer assez naturellement du théâtre au chant (et on pourra estimer que cela rejoint aussi l’art du romancier Tolkien qui insérait à sa prose des parties chantées sans que l’on sente de coupure véritable). Mais c’est surtout la fantaisie débridée du genre de l’opérette qui intéresse l’auteur de L’Origine rouge ; pourtant, et nous y reviendrons, les thêmes abordés sont assez sombres : bref, pour citer l’auteur (O.I., p. 54), « tout ça prête à confusion, zim-zim-zion-zion ». Comme pour Alain Resnais (dans Pas sur la bouche), c’est aussi la manière d’évoquer la sexualité avec humour qui, dans l’opérette, semble intéresser Novarina.
Dans Devant la parole (titre ressemblant vaguement à "Devant l’opérette"), il analyse poétiquement le genre en question auquel il dit s’intéresser car, dit-il, l’homme y est « touchant par son absence » (p. 43). « Comme dans le nô », ajoute-t-il à la page 45 : « pas de personnages mais des vêtements habités ». C’est une forme, « d’où tout gras théâtral a été enlevé, un drame si concentré qu’il se dépouille du sentiment humain » (p. 43), « une forme acérée, un théâtre acide et en relief : une eau forte. La pâte humaine a disparu […] L’opérette : ossature et forme cruelle du théâtre » (p. 44). Bizarrement, étant donné le genre (et nos éventuels a priori), il revient sur cette idée de cruauté en s’écriant (p. 47) : « Le public – le peuple ? – […] Rendez-lui sa vertu interdite : la cruauté ! ». Au fond, grand paradoxe, le théâtre de la cruauté qu’Artaud appelait de ces vœux, c’était peut-être l’opérette…
Quant à la réversibilité de l’«opérette théologique » novarinienne, elle a été finement analysée par Christine Ramat et nous renverrons à son article « Opérette théologique, théologie d’opérette : les paradoxes d’une dramaturgie »110: « Quand la théologie passe par l’opérette, l’idiotie est sacrée et le dérisoire grotesque sacralisé »111 (de même, « quand l’opérette est spirituelle, la grâce est toujours étrangement risible »112).
Christine Ramat, « Opérette théologique, théologie d’opérette : les paradoxes d’une dramaturgie », La bouche théâtrale, op. cit., pp. 87-99.
Ibid; p. 90.
Ibid, pp. 90-91.