2.3. Qui est dans le plat ?

2.3.1. L’ambiguïté du mot « entrée »

Les listes qui font le début de certaines pièces (raccourcies et rendues plus classiques dans les récentes) sont peut-être des menus, acteur et personnage s’apprêtant à se faire tuer-manger et/ou manger-tuer par le temps avec amour, sur scène et devant nous.

L’ambiguïté du mot entrée (cf. entrée en scène / entrée(s) d’un menu) se retrouve d’ailleurs à la page 14 du Drame de la vie : à la question, posée par l’Enfant de Viande, « Et qu’est-ce qu’ils ont eu comme entrée ? » Bombière (possible mot-compromis entre rombière et bombance) répondra « Comme entrée, ils ont eu de l’arrière-train », ce qui renvoie un peu aux spécialités cannibales concoctées par Roland Topor. Précisons en passant que ce type d’ambiguïté existe déjà à l’état brut dans la langue française, dans certains noms communs (avocat, religieuse, frisée, romaine, tartare, andouille), certains noms propres (Charlotte, Madeleine, Clémentine, Cerise, Cannelle, Olive voire Jésus et Salade de fruits), certains noms de saints (Saint Honoré, Saint Emilion), certains « petits noms » (mon lapin, mon chou, mon chou à la crème, ma poule), certains mots d’argot (poulet, vache, rosbif, poire, pomme, bœuf-carotte, aubergine) ou certaines expressions imagées (en croquer, être à croquer, croquer le marmot, cuisiner quelqu’un, mangeuse d’homme, déguster, bouffer du curé).

L’autre troublante ambiguïté, c’est celle qui existe entre les mots scène et cène ; chez Novarina, la cène à lieu sur scène et les pains sont des acteurs. Tout aussi obsédé par la nourriture, Salvador Dali a su représenter ce type d’ambiguïté en assimilant la scène à une bouche, ceci dans un tableau intitulé Grand opéra où l’on voit trois chanteurs et une sorte de chœur antique composé de trois Parques se mouvoir sur un théâtre en forme de mâchoire (en haut, il y a un nez et en bas : un menton).