1.2. Un seuil très mystérieux

Dans « L’Offrande Imprévisible » Laurence Mayor, actrice et amie de Novarina, racontera ceci :

Lorsque nous répétions Vous qui habitez le temps, Valère Novarina parlait de champion de la mémoire. Le public devait assister à un exploit étourdissant de la mémoire, à son « drame », comme il assisterait au sextuple saut périlleux d’un acrobate. Parce qu’il y a une folie, une jouissance à aller toujours plus haut, plus loin. Jamais il n’y a eu de moments de détresse dans le travail, mais parfois, lors de répétitions, des moments de fou rire inquiétants, comme si la calotte derrière la tête sautait. On a l’impression d’être au bord du collapsus, d’avoir franchi un seuil très mystérieux.  174

L’auteur évoquera encore l’acrobatie dans une interview accordée à la revue Europe dans laquelle il dit connaître un moine « qui salue le Christ chaque matin comme l’acrobate qui a réussi le plus périlleux de tous les sauts ». En somme et comme on l’aura compris, il s’agira pour nous, dans cette partie, de signifier que l’intérêt que Novarina semble porter au cirque se retrouve tout naturellement, mais de façon peut-être parfois cryptée, dans les figures de style qu’il utilise et les actions de certains de ses personnages, actions que l’on peut souvent, de fait, assimiler à des tours, à des numéros voire à des farces ou à des tours de magie. En parodiant l’auteur, disons qu’il s’agit pour lui de nous "faire passer dans l’autre monde en cirque", par le rythme qu’il implique, par la clownerie et par l’acrobatie. On verra encore que cirque et sacré sont souvent associés, et de façon très naturelle, par le dramaturge qui estime intéressante la liturgie du cirque, son cérémonial et ses opérations.

Notes
174.

Laurence Mayor, « L’offrande Imprévisible », Valère Novarina. Théâtres du verbe, op. cit., p. 241.