De l’échec, du risque et de la chute, on pourra même faire métier : ici, c’est comme une vocation que d’être « déséquilibriste » (A.I., p. 51) plutôt qu’équilibriste : si l’équilibriste fait tout pour tenir en l’air, le déséquilibriste, lui, préfère risquer de tomber – c’est peut-être plus drôle.
A une pertinente question posée par Diane Launay pour un magazine toulousain182, « Si Valère était…un personnage de L’Acte inconnu ? » (ce genre de question ressemblant dans le principe à un poème de Benjamin Peret sur Yves Tanguy), Novarina répond « Le Déséquilibriste », évoque sa passion pour le ski puis explique qu’il « parle souvent de la notion de déséquilibre aux acteurs, de cette position entre le confort et le risque » : « […] l’acteur ne doit pas s’installer dans le confort du personnage . Il doit jouer ce qu’il est, trouver son souffle. Pour dire la vérité, quoi qu’il en soit, il faut être soi ». Cet adjectif inventé ne qualifie pas mal Valère Novarina –et on pourrait presque ajouter que dans sa manière d’associer cirque et sacré, c’est un "ézéchiellibriste"…
Dans L’Envers de l’esprit (p. 40), le dramaturge, évoquant à nouveau le ski, va jusqu’à se présenter comme celui qui cherche à déséquilibrer l’acteur, tout en sachant que ce dernier saura toujours, tel un chat, retomber sur ses pattes – surtout si le félin s’appelle Daniel Znyk :
‘Avec un animal de la force et de la taille de Daniel Znyk, je peux planter mes piquets de slalom encore plus rapprochés, passer soudain d’un ample slalom à un slalom géant très serré, avec sauts de bosses. Il y a des bonds que seul Daniel Znyk peut bondir, des chutes victorieuses dont lui seul peut calculer l’exact tempo. Je trace par anticipation beaucoup de figures que seul le corps de Daniel Znyk peut écrire.’La métaphore animalière se poursuit d’ailleurs à la page suivante : « Entre l’écrivain et l’acteur, il naît un couple animal » : « Cheval et cavalier » – là encore, le cirque n’est pas loin.
Valère Novarina, « Entretien avec Diane Launay », Let’s motiv, mai 2009.