2.5.2. Noms de scène comiques

En fait, le côté clownesque et grotesque de tous ces docteurs de fantaisie apparaît avant même qu’ils n’agissent, dans le nom absurde que l’auteur choisit de leur donner ; dans La Lutte des morts par exemple, ils seront désignés par des pléonasmes : « Doctal Doctif » à la page 446, « Doc Médicusse » et « Doct Médic’ » à la page 359 et enfin « Doc Med » et « Doc Médic » à la page 502.

Il pourra aussi y avoir du paradoxe, de l’oxymore (et du danger, de l’inquiétude) dans certains de ces noms ; ainsi : « Docteur Boucher » (DV., p. 216) qui cumule deux professions a priori peu compatibles, « l’Hébétère Doctusse » (D.V., p. 209) qu’il conviendrait de "secouer" afin qu’il sorte de son hébétude, « Doc Vorasson » (D.V., p. 10) qui dévore peut-être ses malades, « Doc Santube » qui (dans le but d’entuber ses patients ?) opère peut-être sans instruments, ne les intubant pas – voire, enfin, « Doc Sarcophié » et « Docteur Scapin » où la notion de mort (cf. sarcophage et sapin) semble présente de façon sous-jacente.

Autre paradoxe comiconomastique (à moins qu’il ne s’agisse d’une nouvelle allusion au Christ) : la médecine pourra être confiée à l’enfance, à « l’enfant Docteur » (D.V., p. 40) – et parfois même à l’animalité : « Doc Iliphant », « Docteur Mercul Eléphantier » (D.V., p. 10), « Docteur Dubec » (p. 212) ; cela dit, ces docteurs-là sont peut-être des vétérinaires spécialisés dans les oiseaux et les pachydermes, etc. Il y a même une sorte d’assistant : « le Chien Médicament » (p. 104).

Il semblerait en effet qu’il y ait plus ou moins des « spécialistes » comme « Docteur Autrou » (un dentiste ? un gynécologue ? un proctologue ?) et « le Docteur des mains » (p. 210). Enfin, certains praticiens ont des noms relativement engageants comme « Doc de Bioge » qui semble contenir une promesse de vie (cf. « Bio ») et « Docteur Autrui » (qu’on pourrait voir comme tellement tourné vers autrui qu’il se confond avec lui). Autres variations signalées par Jean-Noël Vuarnet  : Le rabelaisien « Docteur Mâchefesse », « L’Infirmier Guillot », « L’Infirmier Encluman », « Le Chirurgien de Son », « Jean Grand Médical », « Le Petit Médical », « L’enfant Légiste », « Le Docteur Sacripant », « L’Enfant Médecin »184.

Pêle-mêle, on recense encore : « Doc Audhentroc », « Doc Bomrysthe », « Doc Albublon », « Doc Ricat de Bon », « Docteur Piston », « Doc Mercul », « Docteur Profond », « Doc Mélodon », « Docteur Mâchefer », « Docteur Impossible », « Docteur Culemane », « Docteur Arimathe », « Docteur Nicolodrome », « Doc Mercien », « Doc Rubbing ».

Dans le cirque clinique-crimique de Valère Novarina, il y a aussi beaucoup, de duos, binômes et couples inséparables. Or, à l’instar des Dupondt, de Laurel et Hardy, de Bouvard et Pécuchet, de Mercier et Camier, cela concerne aussi la clownerie et il nous faudrait signaler ici voire saluer ces duettistes ; dans Le Babil des classes dangereuses, il y a « Plumo et Gomo », « Sponxe et Sponse » (qui nous rappelle un peu le « Splonge » des Monthy Python), « Alcor et Mizar », « Glacière et Cédron », « Jazet et Rapajou » ; dans La Lutte des morts : « Landu et Dulan », « Asmus et Orogé », « Cortage et Malleton » ; et dans Le Drame de la vie : « Régulon et Lupido », « Romolosse et Pistaud », « Bible et Lobé », « Morse et Niceps », Pantaladam et Radladablon », « Pantalacar et Miteau », « Antor et Uzedent », « Labor et Pultron », « Mondrul et Bondrusse » – à la page 168 du Drame de la vie, il y a même une liste toute faite de duos aux noms tous plus surprenants les uns que les autres : « Jadalme et Janlusse, Urlambe et Luiçot, Nomblum et Fontube, Nombère et Ondapon, Bamble et Langlume, Réamblu et Lumigène, Doloréhesse et Véblon, Bondère et Norilique, Foquet et Poutier, Murique et Monlidon, Jacarde et Vénon, Jocard et Nurobe, Nombal et Bina, Nilibard et Platin, Jamblime et Plurime, Pardo et Sursi, Poliphant et Onocrate, Lambo et Achur » (dans L’Acte inconnu, c’est le binôme « Sponx et Zéphir » que l’on croise à la page 9).

Dans les autres noms de scène évoquant la circassité (voire le music hall), notons encore et pêle-mêle « Madame Sperme », « Passe-Passe », « Dazy Professe », « Le Forceur Funambul », « Galice et les Enfants Epouvantaux » ou encore « Jeannot des Actions comiques » et « le fantaisiste Gristomère ».

Notes
184.

Jean-Noël Vuarnet, « CymbalumMundi », Valère Novarina. Théâtres du verbe, p. 260.