3.3. L’homme qui dit Voici : une rhétorique de la présentation

3.3.1. Voici beaucoup !

Ici donc, l’auteur s’apparente à un fantastique Monsieur Loyal qui, avec une énergie surhumaine et dans un rythme endiablé, n’en finira jamais de nous présenter de nouvelles attractions. La rhétorique de la présentation (cf. « Voici », « Entre », etc.) est d’ailleurs omniprésente dans bon nombre de pièces ; ainsi : « Voici une femme sciée dont la voix persiste » (O.R., p. 132), « l’anthropopodule et sa femme d’acier » (O.R., p. 164), enfin le funambule et sa mort tragique (O. R., p. 127).

Dès le début du Babil des classes dangereuses (p. 161), le Professeur Prigeant s’adresse aux enfants comme un Monsieur Loyal savant en peinture et commentant des tableaux (ces tableaux étant peut-être humains) : « Et maintenant, les coulisses du numéro le plus difficile du monde !… Les fantaisistes s’exercent avant d’entrer en piste ». Dans L’Atelier volant, c’est « Voici Boucot ! » qu’on entend à chaque page. Dans La Lutte des morts (p. 338), notons la didascalie du « Ballet one », « le fantaisiste Gestulodin entre et s’exécute » et que le mot « Voici » est non seulement utilisé, mais répété plusieurs fois à la page 374 : « Voici voici voici voici voici voici voici Jondet et Larue qui entrent » – puis on présente les artistes : « Un porte le samble, l’autre le pantalon qui bouffe ». Quant au ballet des Machines à dire Voici, c’est un nouveau genre de cirque, le cirque médiatique, où il s’agit plus de présenter que de penser, « Voici beaucoup ! », "Voici Boucot !" et "Voici Manès !" étant au fond les seuls numéros proposés.

Quant à l’entame en « Entrent », elle se retrouve deux fois à la page 226 du Drame de la vie et ce ne sont que deux exemples parmi d’autres car la formule est très récurrente (et pas seulement dans cette pièce). Parfois, ce qui entre n’est pas humain (« Entre une Mercedes ») : ici, on ne sait jamais ce qui va jaillir du chapeau.

Sur la « piste aux citrouilles » (J.R., p. 69), formule parodiant peut-être le titre d’une célèbre émission télévisée (cf. La piste aux étoiles) et renvoyant au conte de fée voire à Halloween, « il y [a] un cycliste dont la sœur était devenue le frère par le tour d’un prodigieux bistouri » (J.R., p. 70) et « un bonhomme qui arrivait à déplacer son casque avec ses yeux (J.R., p. 70). Ensuite, « l’Enfant Germatique devient deux » (J.R., p. 69) tandis que « [le] cycliste Dezuxe traverse la déraison (J.R., p. 72) et que « Jean Pleureux effectue le percement de ses yeux » (J.R., p. 44).