2.5. Le Drame du Vel’ d’Hiv’

Certains sports et certains gestes sportifs sont évoqués de façon double et ambiguë. Ainsi de l’équitation et /ou de la course à pied : « C’est un fameux coureur de trop » (D.V., p. 277). Là, c’est le procédé du changement de lettre (est-ce un trotteur ? Est-il à cheval ? Est-il en trop ?) qui produit l’effet de surprise voire de malaise diffus car beaucoup d’indices (cf. contexte spatio-temporel, cruauté des personnages) donnent à penser que le Stade où se situe en partie l’action renvoie à la rafle du Vel’ d’Hiv’ (chez Perec aussi, dans W, on retrouve ce rapport entre sport et Shoah).

Une chose est sûre : nous sommes souvent dans un vélodrome ; il y a des « courses de piste » (p. 28), des « tribunes » (p. 29) et des « haut-parleurs » (p. 29). Mais surtout, le crime et l’exclusion font le thème du livre. Ce qui fait peur aussi, ce sont les réactions des spectateurs et les mouvements de foule : « l’archi-masse du public les acclame en rythmant » (D.V., p. 250) ; on est comme dans une arène où le sang est réclamé par tous. A la page 296, l’allusion au Vel d’Hiv (cas intéressant d’apocope double) sera encore plus évidente :

URBAIN. – Retournons vers le Stade voir si les animaux sont en lambeaux
LE VIVARIDIER SEMNIQUE. – Toujours on emmènera ces humains dans des trains à wagons tirés par des locomotives à charbon ; on bouchera les ponts aériens, et on omettra de nommer par son nom le canal de vérité.

Le sport sera aussi dépeint de façon violente avec l’entrée terrible (L.M., p. 501) du « champion Ecarlate » (peut-être maculé de sang) et le retravail comique mais ambigu de « Parc des Princes » en « stade du parc des pinces » (L.M., p. 508), les pinces évoquant d’éventuelles strangulations (quant au parc, il évoque des Parques). Bientôt « envahi des peaux de femmes » (cadavres ? chairs dépecées ?), ce « Parc des Pinces », d’où l’on ne s’échappe pas, est peut-être une nouvelle allusion, celle-ci plus déguisée, au Drame du Vel d’Hiv. Dans le « stade d’effort » (D.V., p. 258), on parle également de « boyaux » et il n’est pas sûr qu’il s’agisse de vélocipédie.

Représentant le Parc des Princes de façon abstraite (voire floue, floutée), Nicolas de Staël a lui-aussi représenté le Parc des Princes et le football de façon ambiguë ; de même, chez Novarina, rien n’est clair : sports ? combats ? guerres ? ballets chorégraphiques ? Comment trancher ?