3.2.2. Guingamp gagne sur Guingamp 0-0

La Chair de l’homme n’est pas la seule pièce où l’on trouve des commentaires de type sportif : il y en a bien sûr dans La Lutte des morts, cette lutte étant celle, sans merci, que se livrent des mots-vélos faisant le tour de la France. Dans d’ultimes didascalies impossibles (aux pages 493-493), on commente en effet :

‘Mendar est distancé par l’infirmier Olpant. […] La jonction des deux groupes (Coin Samalion, Sermon Femnique) est célébrée dans la ville de Rince […] L’urin précédé du garçon vit que Luinça s’en mêle, lui prend le chuint pour le saret. ’

Certaines pratiques n’ont pas l’air bien réglementaires, ni très « sport » : « Il lui mime l’air du ut et l’fosse du pied sous son varelon ». Enfin, le point final approche (de la lutte et du livre) : « Le tour accélère. Préparation des cordes pour l’arrivée. Le public espère l’arrivée d’un Liquide. » Au passage (p. 493), on décrit des paysages : « Il neige sur les engins dans la ville de Rince » (c’est sans doute Reims) et le porc qu’on saigne à l’occasion d’une étape est peut-être un coureur (p. 494), rire et horreur étant au coude à coude. Ce qui est drôle, c’est le traitement surréaliste de ce cours(/course) d’étymologie cryptée, la traversée en question concernant aussi l’évolution mouvementée de la Seule à cédille.

Dans L’Atelier volant, outre le commentaire enlevé des cours de la  bourse (p. 77), on aura (p. 143) une autre course de mots à laquelle participent notamment « maintenant », « duquel », « chacun », « n’importe », « devant », « autour » et « ça » :

‘Les maintenant prennent la barre, voici duquel qui arrive avec deux bons chacun autour de soi ! N’importe se tient derrière, il prend la place de devant, Dieu ! voici qu’autour se lève et fait le tour de ça !’

On retrouve ici la façon qu’a Novarina d’humaniser des mots, en en faisant ici des coureurs très rapides, à l’image de la vitesse à laquelle ils se modifient, étymologiquement parlant. Notons encore, dans L’Origine rouge un curieux match ou la ville qui reçoit reçoit la ville qui reçoit : « Guingamp gagne sur Guingamp 0-0 puis perd contre Guingamp 0-0. » (p. 137), ce qui permet de renouveler un peu la litanie sportive des week-ends (Toulouse accueille Nantes et Bastia reçoit Troyes, etc.). Enfin, nous pourrions – mais ce serait difficile, abstrait (et en un mot : trop poétique) – comparer certaines figures de style novariniennes à des gestes sportifs tels que la feinte, sous toutes les formes (contre pied, passement de jambes, grand pont, petit pont, coup du sombrero, etc.) qu’elle peut revêtir dans un jeu comme le football (idem pour le lift, l’amortie, le lob le passing-shot, etc.) à cause de la surprise qu’elle suscite chez le lecteur, ici débordé comme un goal rendu fou par un ready-made de Pelé.