4.2. La sortie de la piste (et autres drames du sport)

Il semblerait même que ce soit l’homme en général qui soit considéré (par soi et/ou par autrui) comme un « fameux coureur de trop » (p. 277) ; de là à prétendre qu’il serait en trop, superflu, voire gênant, il n’y a qu’un pas que certains hélas (l’histoire et l’actualité nous renseignent à ce sujet) n’hésitent pas à franchir ; car enfin, l’ombre du Vel’ d’Hiv’ plane sur Le Drame de la vie (plus formellement, les lettres v, e, l, d , i  sont contenues dans le titre et quant au mot « Drame », il évoque un peu le « drome », de « Vélodrome ») ; pourtant, même s’il n’est certainement pas absurde de proposer un tel rapprochement, la métaphore du stade et du sport semble surtout concerner la vie toute entière.

Signalons au passage que cette correspondance, entremêlement (voire assimilation) entre sport et vie (et sport et politique) fut un des thèmes de Plus haut, plus vite, plus fort, pièce de sport du prix Nobel 2004, Elfriede Jelinek : il faut y voir le signe que le sujet est des plus contemporains – Valetti, Venaille, Fournel, Alexakis et Jonquet ne nous contrediraient pas (mais avant eux, Montherlant, Blondin, Mac Orlan et Drumond de Andrade laissèrent aussi de très belles pages sur le football, le cyclisme, le rugby, etc.).

La piste est une assiette où nous nous apercevons que nous sommes mangés : cette phrase, librement inspirée de Novarina, résume assez bien la situation – car le vrai cannibale, c’est aussi le temps qui passe ; il presse, ce temps – et c’est peut-être pour cela qu’on court. Enfin arrive le moment où l’homme est sommé de quitter la piste et de sortir du stade : « Entrez, Dieu séparé ! Et vous, sortez de la compétition, généreux sportifs » (D.V., p. 251). A l’heure de s’éteindre, on pourra même s’écrier comme Jean d’Autrui « C’est ainsi qu’on ne voit plus rien que le Stade de Vie sans personne » ou « Ici se termine le drame de la vie » comme Ephise et « Ici se termine le drame de ma vie » comme Hanterne : c’est ainsi que prennent fin les parties dialoguées du Drame de la vie pour qu’entre en piste, comme un sportif rescapé, une liste finale correspondant peut-être à une sorte de "Tombeau" voire de grotesque, morbide et fascinant "Monument aux Morts pour le Sport".

Cela dit, subsiste encore un espoir : celui d’une vie après la mort – car enfin, il ne faudrait pas sous sous-estimer l’hypothèse de l’existence de l’âme et de l’immortalité ; ainsi : « Au stade d’enfance, l’homme qui entre, au stade de la fin, il danse si fort et si longtemps qu’il laisse son tronc dans la danse et que l’esprit poursuit tout seul ».