2.5. Mot et corps

L’idée de corps d’un texte se retrouve dans celui-ci (in Lettre aux acteurs) que cite d’ailleurs Léopold von Verschuer dans « Libre Chute et danse dans la parole » à la page 226 de Valère Novarina. Théâtre du verbe :

‘Chercher la musculature de c’vieux cadavre imprimé, ses mouvements possibles, par ou il veut bouger ; […] refaire l’acte de faire le texte, le réécrire avec son corps, voir avec quoi c’est écrit, avec des muscles, des respirations différentes, des changements de débit ; voir que c’est pas un texte mais un corps qui bouge, qui respire, bande, suinte, sort, s’use. Encore ! C’est ça la vraie lecture, celle du corps de l’acteur. […] Il est le seul à savoir vraiment que ça c’est pour les dents, ça pour les pieds et ça, c’est avec le ventre […] Faut retrouver ce qui a fait ça, ce texte mort, par quoi c’ était poussé. Par quelle partie du corps poussante c’était écrit, […] Voir comment c’est né, d’ou ça sortait, comment ça mourrait, comment c’était poussé. ’

Dans La Scène (p. 121), Pascal veut « [faire] venir d’urgence des êtres qui ne soient pas qu’en langage » mais on soupçonne que de tels pompiers ne viendront jamais. Dans Le Jardin de reconnaissance (p. 54), Novarina va jusqu’à dire : « le langage est notre premier corps […] il délivre ». Quant aux mots, ils nous habillent souvent mal et ont même parfois tendance à nous déranger et à nous agacer en nous suivant partout ». Parfois, c’est plus grave : quand ces mots ne sont pas comme du poil à gratter, ils sont notre tunique de Nessus. Il y a un enfer des mots et un paradis perdu de la parole. Ce qu’il faudrait, c’est retrouver « notre premier corps » et en quelque sorte nous réconcilier avec la parole : Novarina y aspire et nous encourage à l’imiter.