3.3. Mots dedans et mots dehors

Une autre constante est que le mot (parti de nous ?) ne fait pas (plus) partie de nous ; il sont, nous seraient, les mots, extérieurs - forcément extérieurs. Et c’est ainsi qu’on peut « être en apprentissage chez les mots » (J.S., p. 170) ou « se réveiller au milieu des amas de mots » (J.S., p. 76). Le paradoxe est donc qu’on soit « hors de soi par le mot » (J.S., p. 83). De plus, si nous « appelons les choses », c’est parce qu’elles ne sont « pas vraiment là » (V.Q., p. 85) : la nomination nous permettrait donc également de combler un vide, un manque, de répondre à un silence, à une question. C’est que la voix humaine peut éventuellement fonctionner comme une sorte de refuge, de « demeure fragile » : « Je désire reposer à l’intérieur du son que vous prononcez » (J.R., p. 18).

Notons ici d’autres cas de figures : il y a l’homme construit en mots qui en oublie qu’il est parlé, il y a ce qu’Adam et Eve sont devenus à cause des mots de la cité (ceux de l’Egypte, de la Grèce et de la France mais surtout ceux de Babylone, de Babel et de Sodome), il y a la parole qui se sent délaissée par l’homme qui préfère jouer avec les mots (alors qu’ils se jouent de lui), enfin il y a les mots qui auraient bien voulu sortir mais qui sont restés dans la bouche alors qu’ils auraient pu changer le monde.