1.5. Une œuvre en forme de « Chapelle Sextine »

Aux pages 130-131 de Je suis, « être » et « ne pas être » seront shakespeariennement associés ; mais « n’être que » « manger » puis (p. 131) « dormir », « rêver » et «sommeil » entrent aussi dans la danse. A la page 193, cela tournera autour de « Dieu » et autour de « conjuguer » à la page 180. Toujours dans Je suis, les idées de réussite et de décision sont comme mélangées : « Seigneur, faites que tu te décides enfin à te décider à réussir à m’empêcher de faire à ce que je parvienne » (p. 111).

Dans Vous qui habitez le temps, les mots du jeu pourront être « corps », « interroger », « examiner » et dans des pièces encore plus récentes, on s’aperçoit que l’auteur, fidèle à ses figures, ne laisse pas tomber le procédé, qui semble littéralement l’obséder – c’est ce qui pourrait nous fait citer une adaptation de Chat en poche, où l’on fait absurdement dire « Sextinien, va ! » (dans le texte publié en Livre de poche, c’est « Bordelais, va ! ») à un personnage voulant en taquiner un autre, ce dernier ayant précédemment raconté l’impression forte que fit sur lui la visite de la Chapelle Sixtine (les sextines novariniennes pouvant elles-aussi donner le vertige).

Dès les deux premières pages de L’Opérette imaginaire, on fait permuter les mots « tête », « opérette », « public » et « empêcher », la question étant peut-être de savoir comment assumer et empêcher le chaos (ici de type cérébral) de cette opérette surgie d’une tête (c’est pourquoi on la dit imaginaire) ; il s’agit dès l’entame de maîtriser en partie la « tempête sous une tête » qu’est cette opérette : « Murs, fermez limites ! plancher, soutenez pieds […] ! plafond, protège-nous du soleil et des multitudes de la pluie ! gens parmi là, supportez-nous ! ».

Aux pages 98-99-100 de L’Opérette imaginaire, le caillou, parfois « verbal », côtoie la « pierre » mais la « pensée », la « poussière » et les « pieds » sont aussi de la partie (il y aura même des « pattes »). Aux pages 79-80 de L’Origine rouge, le jeu concerne « nie », « tiens », « main » et « parle » et à la page 167, on aura la phrase suivante : « » Etant donné la réalité des choses », disaient en soliloques les penseurs par échos, « les choses désignent les soliloques des penseurs par échos » ». Si les permutations concernent parfois le temps des verbes, on propose également des variations sur les mots mêmes de « passé », de » présent » et de « futur », nouvelle façon de s’en prendre à la fable, à l’histoire (avec un début et une fin) et à une linéarité obligée, comme imposée par le bon sens, l’habitude et un certain conformisme intellectuel.

Enfin, en assistant à L’Acte inconnu, on se rend pleinement compte que les permutations ont leurs équivalents dans le déplacement des acteurs et la façon dont on se ressert des accessoires en les faisant réapparaître dans un contexte à chaque fois différent ; cela ne concerne pas forcément une seule et même pièce mais parfois aussi celles d’avant et/ou celles qui suivent (pistolet, corde, tête de Daniel Znyk, etc.).