1.6.2. La sextine organique novarinienne

Queneau sera le moderne le plus innovant (cf. quenine) dans sa manière de reconduire cette tradition tandis que d’autres oulipiens, de façon parfois plus théorique, consacreront des livres entiers sur le sujet, et même un cycle de romans dans le cas de Jacques Roubaud (cf. La Belle Hortense / L’Enlèvement d’Hortense / L’Exil d’Hortense). Quant à la terine avec langue partenaire et aux sizains permutatoires, ce sont encore des exercices peu ou prou inspirés de la sextine (et des Cent milliards de poèmes de Queneau) et que proposent volontiers Monk et Le Tellier (ce dernier étant l’auteur de La Chapelle Sextine) dans les ateliers d’écriture électronique qu’il leur arrive d’animer – il y a d’ailleurs (signalons-le pour être le plus complet possible) d’autres variantes : pseudo-quenine d’ordre 10, adaptation de la quenine au pantoum, monkine, etc. Enfin, on peut aussi, comme Claude Berge (cf. article du recueil Oulipo publié en Folio), mettre plus en avant le principe de littérature combinatoire que la sextine proprement dite.

Quoi qu’il en soit, la sextine fait l’objet de la part des oulipiens (n’oublions pas Jouet, Pastior et Mathews) d’une vaste entreprise de généralisation (pour eux, semble-t-il, le grand jeu, c’est la sextine) : à sa façon, Novarina la retravaille également mais son approche est sans doute beaucoup moins consciente.

Cela dit, la littérature de "V.N." (on sait l’affection que les oulipiens portent aux initiales) peut, comme la leur, être dite potentielle puisqu’elle « met en œuvre les forces nécessaires pour que le système de la littérature devienne ou redevienne actif » (pour citer en partie la Charte de l’Oulipo) : sa sextine organique (qui serait donc sa contribution au grand jeu) est un des facteurs essentiels du réenchantement désiré, la puissante logodynamique ici mise en branle se proposant en effet de mettre le langage en mouvement tout en fixant un cadre précis quoique propice aux débordements et d’insuffler une nouvelle vie (quoique dans un sens plus dantesque qu’oulipien) à la littérature et au théâtre en particulier.

Autres similitudes (signalons-le au passage) : les Impératifs sont comme des rails mais on peut aussi les voir comme des contraintes. Par ailleurs, dans la Lettre aux acteurs nous est proposée une théorie mise en pratique dans le texte même (souffle, rapport au mot, importance de la mâchoire et des dents, etc.) ; or, les oulipiens procèdent de la sorte lorsqu’il s’agit pour eux de présenter au groupe une nouvelle forme – autant de réflexions à mettre en relation avec « Une littérature à contraintes ou la délimitation d’un terrain ? » (in « Invention verbale et musicalité »).