3.6.2. La traversée

Pour partir dans la forêt, il faut donc s’organiser, se préparer : avoir lu Finnegans Wake, le Quart livre, Eden Eden Eden ou Guignol’s Band constitue sans doute un bon entraînement. De même, un fan de Gatti (qu’on pourrait voir comme un grand frère de Novarina et pratiquant comme lui la gueulante élégante) ne sera peut-être pas trop dépaysé face à L’Atelier volant, que l’auteur de V comme Vietnam aurait presque pu écrire. Idem pour l’amateur des écrits d’un Guyotat : il saura mieux qu’un autre goûter la musicalité à l’œuvre dans La Lutte des morts et comprendre la dimension politique de la pièce (cf. rapports dominants / dominés passant par le langage, implications sexuelles, etc.).

Enfin, il faut, quand on se sent prêt, savoir se jeter à l’eau. Tout lire et, éventuellement, se prononcer après. Mais comment procéder pour ce faire sans se perdre dans la forêt ? On a vu que notre petite méthode personnelle consistait à nous raccrocher aux branches ; il ne s’agit pas ici de filer à l’infini la métaphore sylvestre mais de signifier que certains constats rhétoriques sont non seulement possibles mais solides et inattaquables. Pourtant, chez Novarina (et à l’image des chèques en bois, de la langue de bois et des dieux en bois), le bois (par ailleurs synonyme de forêt) renvoie peut-être aussi au faux, au vide et à l’illusion…