2.2.2. L’avenir de l’homme

En fait, c’est peut-être à Orwell qu’on pense le plus souvent, son idée d’une invasion progressive du monde par des animaux prenant le pouvoir – idée qu’eurent aussi Boulle (singes), Capek (salamandres), Lautréamont (poux), Dish (cafards), Ionesco (rhinocéros), Calvino (ours), et Hitchcock (oiseaux) – se retrouvant par exemple dans La Scène, à la page 91 : « Les poulets du Maine, réunis en assemblée générale » ne se contenteront peut-être pas de vouloir pondre plus : quelles seront leurs prochaines revendications ? D’autres animaux s’organisent : il existe des « droits ratiers » (S., p. 104) et des « compagnies d’assurance porcine » (S., p. 135). D’autres se marient comme la carpe et le chien (p. 113), prenant le risque de donner naissance à un « enfant hulimien » – mais des textes existent, qui expliquent la marche à suivre si le « chien remarié donne naissance à des chiots ». Enfin, toujours dans La Scène (p. 97), notons le cas d’un « chien poursuivi pour zoolâtrie ». Dans un écrit annexe à son œuvre proprement dite (une interview) et repris dans le livret du Vrai sang (il s’agit du Théâtre séparé), il prévoit non sans humour (p. 20) :

‘Dans mille ans, tout ira bien, il n’y aura sur terre que des femmes, elles voyageront, elles s’engendreront toutes seules, elles ne parleront pas… L’acteur nous annonce tout ça […] Car il est non seulement un transsexuel mais un trans-vivant : c’est le premier qui va faire le saut, hors de la reproduction, hors du travail, hors du langage, hors du sexe. ’

Là encore, dans la formulation même de cette étrange vision, l’auteur nous paraît inconsciemment influencé par la science-fiction, le thème évoqué l’ayant déjà été (quoique très différemment) par Wallace G. West (dans Le dernier homme) ou Claude Veillot (dans Misandra).

Dans L’Origine rouge, ce sont des guerres bactériologiques qui semblent se préparer – tout cela à cause de l’initiative d’une société qui s’avise de « planter du tube propriogénique et de l’embryon de poulet dans les sillons des territoires jusque-là réservés aux semailles des mécaniciens autochtones ». Novarina, écologiste, s’inquiète pour le monde : s’il déplore non sans humour (S., pp. 51-52) qu’il n’y a plus de saisons (« Printemps pourri ! »), son angoisse (cf. nucléaire, pollution, nourriture industrielle) est bien réelle. Dans son esprit, l’extinction d’Adam semble même quasiment programmée : « L’heure de l’humanité hommante et agissante [est] sur le point de s’arrêter de sonner » (après quoi il faudra « procéder à la réhumation de l’humanité »).

Espérons tout de même que certaines de ces prédictions ne se vérifieront pas - et qu’on n’entendra pas de « [bruits] de bottes à la pédiathèque de Vitry »… Quoi qu’il en soit, il semble que l’auteur se projette souvent dans le futur, évoquant par exemple dans Le Discours aux animaux (p. 195) l’année 6391 et l’année 9163 (les chiffres 1, 3, 6 et 9 étant ici permutés).