2.2.7. Retour à la case-cafard

Critiquant non sans raison (car au fond : qu’apportèrent-elles ?) les grèves qui, en 2003, débouchèrent sur un non-festival d’Avignon – et, hélas, la non-représentation de La Scène (qui aurait, assurons-le, "cassé la baraque") –, Novarina a pu parler, sur France Culture, d’une révolution avortée et plus exactement d’un « mai 68 nerveux » ; or ne pourrait-on pas en dire autant de la fin de L’Atelier volant ?

En effet, même unis, faisant corps, chorus contre Boucot, les ouvriers ne parviennent pas à le déstabiliser ; en somme, ils ne lui font que des chatouilles : il en faudrait bien plus pour le faire céder vraiment. Bref : Néron reste au pouvoir. En cela, la fin de L’Atelier volant est tout à fait terrible car A., qui semblait aussi révolté que le Béranger de Rhinocéros, se soumet comme les autres à son aliénation ; le comble, c’est qu’il va jusqu’à remercier les Boucot : « Magnifique ! Merci ! (En descendant du mât :) Je suis au bout de mes peines ! Quelque bête voulait me mettre dedans, vous m’avez redressé dans le sens du vent. » (p. 153). Ce dénouement n’est pas surprenant : Boucot est trop fort – et n’oublions pas ses inquiétants complices : Madame Boucot et Le Docteur (on pourrait presque ici parler d’une parodie de Sainte-Trinité). Bref, non seulement les employés se résignent, mais ils regrettent leurs velléités de révolte, s’excusent, essaient de se dédouaner, de se disculper ; c’était le cas dès la page 17 : « tout le temps ça nous induisait en tentation, on ne pouvait plus remplir les fonctions ».

La raison principale de la soumission à Boucot est bien sûr pragmatique, financière, économique : « nous n’avons plus de monnaie, il va falloir remettre le collier ». Heureusement, la perspective d’une retraite dorée pourra donner à certains l’envie de se battre et de s’accrocher : « Evidemment, pour l’instant on n’a rien… Mais quand on aura soixante-dix-sept ans, on touchera douze huîtres et un dentier » (p. 88). Pour tenir le coup, on pourra encore se consoler en se disant par exemple : « Quand on a déjà la chance de pouvoir chaque matin mettre les deux pattes en bas du lit, faut déjà pas se plaindre » (p. 116). Notons que la phrase est une façon comique de remplacer le célèbre "Tant qu’on a la santé !" et que, malgré la noirceur du propos novarinien, farce, burlesque et drôlerie restent les piliers, les ingrédients de base de l’œuvre du dramaturge.