II. Rire et sacré : la chaire n’est pas triste

1. Un rapport somme toute classique au sacré

La Bible semble fonctionner chez Novarina comme un support rhétorique fondamental. Certes, l’auteur de La Chair de l’homme pourra à l’occasion se montrer iconoclaste mais ironie et moquerie ne seront pas du tout systématiques ; ici, la religion serait plutôt une banque de données, un tremplin pour la réflexion, un formidable vivier de personnages (et de situations) et une base philosophique omniprésente.

En cela, Novarina – passant peut-être (mais il n’en a cure) pour archaïque aux yeux de certains – semble imiter l’exemple d’un Bossuet, qu’il cite d’ailleurs volontiers ; en effet, ce dernier (un peu à l’image de Claudel ou de Pascal) pensait à partir de la Bible, partait de la religion pour exprimer sa pensée mais c’était aussi un moyen de faire aller ailleurs religion et pensée : c’était, si l’on veut, une rampe de lancement pour faire décoller les fusées de l’esprit, une sorte de porte-avions – images certes un peu hardies, anachroniques et hasardeuses mais visant à illustrer l’idée que pour l’un comme pour l’autre (Bossuet et Novarina), la religion est un point de départ, de repère, voire un cadre formel privilégié, un « théodrome », peut-être (O.R., p.121), une chaire ou une (s)cène, bref le lieu de toutes les épiphanies.

Précisons que c’est aussi le performeur que Novarina admire en Bossuet – car, ne l’oublions pas, l’auteur des Oraisons était à sa façon un homme de scène  voire un slameur avant la lettre : au fond la chair de l’homme peut être vue comme une chaire d’où l’homme s’exprime, un peu comme Latour parlant du haut de la tour. D’une manière générale, on pourra estimer qu’ici, la chaire n’est pas triste – et pourtant, c’est très souvent d’un homme seul, nu et jobiennement désemparé qu’il sera question. A partir de la Bible, on peut aussi proposer telle ou telle variante – et, de fait, comme on va le constater, l’exercice littéraire de la variation sur un thème biblique est une constante chez Novarina…