2.6. Caïn et Abel : deux sacrés garnements

Dans Le Discours aux animaux, la descendance du couple maudit, maudite elle-aussi, est évoquée de façon iconoclaste, Caïn et Abel se voyant rapprochés de garnement infernaux comparables à Quick et Flupke : en effet Abel [brise] la trottinette toute neuve de Caïn « avec [son] bras pris comme un marteau » (p. 219), lequel plus loin se venge (p. 279) en lui lançant « un os de tête de mort » qui lui revient dans la figure à la façon d’un boomerang ».

Les deux chenapans feront retour dans « L’Originelle » (in O.I.), chanson sans illusion et comiquement misanthrope : si l’homme adore « percer la poche à son prochain », c’est un peu à cause du meurtre fratricide : « foi de Caïn » lance-t-on – il est bien placé pour le savoir, lui qui « perça la poche à son frangin », instaurant pour l’être humain une ère dont il n’est pas sorti. Dans L’Acte inconnu, « Caïn du tube » est assimilé à un serial-killer (poétiquement, c’est bien ce qu’il est) :

‘Tiens voici Caïn du Tube qui a saigné sa mère, opéré son grand-père, écrasé son frère, dénoncé ses cousins, broyé ses germains. Il tient la mort à la main. ’

Quoi qu’il en soit du rôle joué par les deux frères, l’homme est marqué : c’est un maudit ; sommé d’hommer, il était mal parti : Novarina fait en effet remonter le problème au tout début, au Fiat Lux et à cette parole incompréhensible que Dieu donna à Adam – l’échec de Babel, le meurtre de Caïn : dans la conception novarinienne, ce ne sont que des conséquences du « ut ».