5.3. La foudre comique

Cette expression, la « foudre comique », fut utilisée par Gérard Oury à l’occasion d’une interview : le cinéaste populaire savait de quoi il parlait, lui qui fit tourner le monstre sacré dans La Grande Vadrouille, La Folie des Grandeurs, etc. Côtoyer un génie comique tel que Louis de Funès (idem pour Bourvil) lui a sans doute fait éprouver physiquement l’électricité (le comique étant donc ici comme une source d’énergie non recensée mais parfaitement opératoire) que dégageait l’artiste. Novarina, lui, se présente comiquement (dans le sens de kénôse, d’abaissement) comme le rapporteur fidèle de l’enseignement parfois crypté du saint homme ; et quand il évoque les paroles et la pensée du maître, il parle certes de Rabbi Jacob (que réalisa Oury) mais aussi et surtout d’un acteur qu’il vit sur scène et non au cinéma ou à la télévision : cela, sans doute, change tout : l’énergie dégagée doit se ressentir beaucoup mieux, s’éprouver dans le corps. En effet, dans le cas du direct-live, le « sacrifice comique » s’effectue directement, sans filtres ni médiation d’aucune sorte, c’est à dire du producteur d’énergie au consommateur /spectateur qui en ressent physiquement les effets.

L’impression ressentie peut même alors présenter l’apparence d’une véritable révélation et il n’est pas absurde de rapprocher cette prise de conscience qu’eut là Valère Novarina, celle de l’énergie co(s)mique d’un Louis de Funès, de la conversion de Claudel derrière le fameux pilier de Notre-Dame. Ici, c’est une révélation non de Dieu mais du jeu et de l’acteur, ce qui, pour Novarina, revient peut-être au même en terme de frisson sacré. Bien sûr qu’il s’agit de rire quand on lit Demeure fragile et Pour Louis de Funès ! Le moyen de s’en empêcher ? Mais comprenons, pour reprendre les termes de l’oncle Gabriel dans Zazie dans le métro, qu’il n’y a peut-être pas là que de la rigolade. Au surplus, il est possible que le rire ait en effet quelque chose de sacré…