2.1.2. « Volez vils vautours lui dévorer les foies ! »

On l’a vu dans le cas d’» Anaphrodite » et de « Vénus à poil gris », les variations mythologiques concernent l’onomastique et les expressions. Un néologisme comme « nausicanthropie », par exemple, nous évoque certes un peu la lycanthropie mais également la Nausicaa qu’Ulysse croisa sur sa route - et c’est peut-être donc une sorte de mot-valise à partir de ces deux termes (O.I., p. 35).  Dans les « Nausicophores » de L’Opérette imaginaire (p. 32), on retrouve peut-être encore le nom en question – mais « Nausicaa » est aussi le nom d’une sculpture de Patrice Novarina, qu’on put voir dans La Scène. Autre rencontre que fit l’Ulysse aux mille ruses, le Cyclope "s’adverbifie" dans La Lutte des morts, le nom devenant en effet « cyclopement » à la page 295.

Evoquons également les fameuses "giboulées", qui deviennent les « Courgées de Mars » à la page 217 du Discours aux animaux – on parle aussi du « septumvirat de Mars le Juteur » dans Le Drame de la vie (p. 217). A la page 306 du Discours aux animaux, on croise encore un « professeur d’écho en forêt de Borée » : la nymphe Echo est peut-être l’élève du professeur en question (quant à Borée, c’est un fils d’Eole). Personnage cher à Claudel, le dieu de toutes les métamorphoses, mais qu’Ulysse sut contrer, sera lui-aussi présent dans Le Drame de la vie à travers « L’homme de Prota » et « l’Homme de Protêt » (p. 296). Quant au mot « Pantamorphe » (in J.R.), il évoque encore les milles transformations de cet insaisissable.

Pour évoquer le supplice de Prométhée, l’effet d’allitération sera convoqué et le mot foie, mis au pluriel, ce qui sonne étrangement en rappelant l’argotique "avoir les foies" : « Volez vils vautours lui dévorer les foies ! » ; cette idée de dévoration se retrouvera aussi sans doute dans « l’animal du moi qui te bouffe le foie » (O.R., p. 87) où le vautour est novariniennement assimilé à Prométhée lui-même. Autre maudit, Sisyphe (ou plutôt sa figure) semble également présent dans Le Discours aux animaux où l’on « [pousse] des pierres de poids extraordinaire dans des vallées hautes qui roulaient en pente dans des champs remplis de villes d’excréments » (p. 96), vision plus dantesque que camusienne.