2.4. Songe et féerie : les chaussures de Michel Baudinat

Sans évoquer le spectre d’Ovide, précisons qu’on trouvera peut-être, çà et là dans Falstafe, des allusions à d’autres pièces de Shakespeare ou Sir John n’apparaît pas ; ainsi Richard III : «Vite mon cheval !» (p. 543) ; peut-être Othello, à la page 532 . Notons encore que la misogynie, débridée par moments, du roi Lear, semble se retrouver dans le discours, se voulant objectif, du Vipéricien dans Je suis (p. 150). On aura aussi évoqué La tempête dans la deuxième partie de cette thèse ; mais d’une façon plus générale, l’atmosphère des pièces de Novarina ressemble toujours, plus ou moins, au Songe d’une nuit d’été : cette pièce, il faut savoir que Dominique Pinon a joué dedans et qu’un de ses traducteurs français fut l’un de ceux (Jacques Papy) qui traduisit Lovecraft ; or, qui a eu l’occasion de se promener dans les coulisses de L’Origine rouge l’a peut-être éprouvé : en croisant les acteurs – dont on aura pu, en ce qui nous concerne, avoir l’impression (une hallucination, peut-être) que certains, pendant un court moment, étaient plus ou moins restés en costume (cf. les chaussures de Michel Baudinat) –, on pourra éventuellement être saisi par une sorte de vertige, un trouble quasi-lovecraftien, bref un effet de féerie, un état pierrotique, d’indécision, de flottement où – cela ne dure que quelques minutes (mais combien étranges !) –, il n’est pas si facile en somme de faire radicalement la part des choses entre ce que relève encore un peu du théâtre et ce qui relève à nouveau de la réalité proprement dite, c’est à dire la réalité d’avant (et d’après) la représentation, la rue, la circulation routière, etc.

Or, cette bizarre incertitude (renforcée dans notre cas par la fatigue nerveuse occasionnée par une vision extrêmement attentive de L’Origine rouge), ce sentiment de flou artistique entre réel et féerie est bel et bien au cœur du Songe d’une nuit d’été. Dans cette pièce panique annonçant Carroll et Jarry, magie, folie et alchimie sont comme des déesses d’Ovide ; surviennent alors toutes les métamorphoses : nous voilà en un royaume où l’impossible est roi. Il serait fort étonnant qu’après le théâtre (celui de Shakespeare ou celui de Novarina), notre perception du réel ne soit pas, en effet, quelque peu modifiée, ébranlée, rendue vacillante…

Mais pour en revenir à Falstafe et à l’agonie un peu outrée de Percy, on pourra y voir une parodie de Shakespeare et un clin d’œil au « Danois » ; or, c’est surtout la figure d’Hamlet, sa folie et ses considérations métaphysiques qui, si l’on considère l’ensemble de ses pièces, semblent inspirer le plus l’auteur de Falstafe.