3.4.2. Bravo la viande !

→ Leibniz, c’est d’la panade

Continuons notre joyeux survol philosophique en avançant hardiment que les pièces de Novarina sont un peu comme de nouvelles Méditations métaphysiques – mais gageons que Descartes serait très surpris par les variantes proposées. Par le style, c’est d’ailleurs plutôt de Pascal qu’il faudrait rapprocher le dramaturge : par moments, l’auteur des Pensées a en effet des fulgurances qui annoncent un peu le novarinien. Dans le catégorique « Leibniz, c’est d’la panade » de la Chanson automobile, on pourra être sensible à l’analogie rimante et riante existant entre « panade » et « monade », mot d’ailleurs mentionné juste après, le « pan » de « panade » désignant peut-être l’ensemble des « monades » : l’ironie du Voltaire de Candide serait-elle parfois celle de Novarina ? Ce n’est pas sûr (Leibniz pouvant être perçu comme un philosophe-poète, un "collègue" en quelque sorte) mais par la vivacité de son écriture, on peut estimer que "Voltaire annonce Valère". Quoi qu’il en soit, dans la chanson citée, l’on ne saurait déceler de l’ironie dans l’allusion à Comte Sponville (cf. «[ça], c’est tranquille-e / J’bouffe d’la banalité en reposant sur mes pieds ») car il s’agit-là d’une attaque directe et en bonne et due forme – mais concernant peut-être surtout un certain type de lectorat et d’approche paresseuse de la philosophie – pour Michel Onfray, son nom est peut-être retravaillé dans des mots comme « Onfriens » (A.I., p. 22) et « omphrologue » (A.I., p. 112) mais ne l’affirmons pas.

En ce qui concerne Hegel, qui serait (car c’est peut-être un canular) un de ses lointains ancêtres), Novarina s’amuse de sa ressemblance physique avec lui (une ressemblance en effet saisissante) en brandissant un portrait du philosophe figurant sur la couverture d’un livre395 : l’aboutissement ultime de la pensée de l’histoire consisterait-elle dans l’œuvre du non sens et de la non-histoire ? L’avenir le dira. Quant à Kant, évoquons-le afin que notre logo-rallye soit complet et pour dire que c’est dans la manière dont il prétend avoir organisé sa vie, c’est-à-dire de façon très réglée (ayant, lorsqu’il écrit, un fonctionnement de fonctionnaire, faisant ses heures, etc.) que Novarina lui ressemble – plus concrètement, il fait peut-être allusion au philosophe dans ce sondage de L’Opérette imaginaire : « 50, 2 pour cent s’étonnent qu’il y ait quelque chose plutôt que rien » (p. 167).

Enfin, dans la manière qu’a l’auteur d’aller toujours de l’avant en refusant les « passions tristes » (« Mort à la mort ! », « Danser, c’est ça qu’est chouette »), c’est à la volonté violente de vouloir « voliovivre » et de « persister en vianderie » à l’œuvre chez Spinoza qu’il faudrait rattacher le sens du parcours novarinien jusqu’à présent – avec toutefois une dimension de pessimisme drôle et d’humour noir grinçant qui pourrait parfois rappeler l’approche de Schopenhauer, de Cioran, de Beckett, d’Heiner Muller affirmant « L’optimisme, c’est un manque d’information » ou certains dialogues d’Audiard et de Bertrand Blier. Pour la manière dont l’auteur se pose frontalement (dans Je suis notamment), la question de la mort, elle nous rappellera non seulement l’Hamlet de Shakespeare mais également le Bossuet des Sermons, surtout lorsqu’il assimile le « tombeau du Lazare » à « ce que c’est que l’humanité ».

Notes
395.

Nous faisons allusion à la captation de L’Acte inconnu proposée par Arte et surtout à la présentation de l’auteur proposée juste avant.